Bonjour, c’est Grégoire à Genève, où je prépare mon intervention à l’Artificial Intelligence Geneva Summit de ce soir. Pour cette occasion, Heidi.news m’a invité à rédiger cette newsletter spéciale.

J’en profite pour vous parler du Brexit, de Trump, d’expérimentation animale et des 30 ans de la chute du Mur.

photo journaliste

Grégoire Courtine à Genève
06.11.2019

Rappel des infos qui comptent

Macron le survivant. «On subit l’actualité». Cette citation dans «Le Monde» résume bien ce que je pense. La France a beaucoup de chance d’avoir quelqu’un comme Macron, qui veut réformer malgré tout. Depuis que je l’ai quitté, je n’ai jamais autant aimé et détesté mon pays. La France a un grand potentiel, c’est un très beau et très riche pays, mais la culture de la manifestation lui coûte trop. Laissons Macron travailler! J’ai le même âge que lui, je vois bien d’où il vient et ce qu’il a traversé. Il m’impressionne, il survit aux Gilets Jaunes, aux polémiques et aux crises qui sont inévitables en France tant la polémique est ancrée dans notre culture. Mais que d’énergie perdue en route!

Le Monde (FR)

Le devoir de transparence des ETH. Trois membres de la Commission de recours des EPF, le tribunal administratif interne des écoles polytechniques, ont démissionné. La Commission de recours aurait rendu des avis qui auraient déplu à l’ETH Zurich et à l’EPFL, selon la NZZ qui rappelle que l’ETH Zurich a licencié cet été la professeure d’astronomie Marcella Carollo suite à des accusations de harcèlement psychologique. Ces questions sont très sensibles et les écoles cherchent à s’adapter, car leurs procédures ne sont pas très bien organisées ni transparentes. Elles en ont conscience et travaillent dessus. Il faut aussi protéger les professeurs et que tout soit clair et transparent.

NZZ (DE)

La frilosité suisse et les start-up. Mon entreprise est basée à l’EPFL mais est également partagée entre la Hollande et désormais les Etats-Unis. Les structures suisses pour les start-up sont assez bien. Moins qu’en Californie ou à Boston mais c’est davantage la culture suisse que les institutions qui pose problème. Les investisseurs, ici, sont assez frileux. Ils ont l’habitude de placer de l’argent dans les grands projets industriels, pas dans les nouvelles entreprises à risque mais à gros potentiel. Nous avons eu du mal à trouver des financements, car nous n’étions pas prêts en termes de structure: trop scientifiques, pas assez PDG. Le fait qu’il n’y ait pas de taxe sur les gains en capitaux est positif pour les entrepreneurs comme moi mais la taxation des stock options qui sont considérées comme un revenu est problématique, nous le vivons de plein fouet en ce moment dans ma start-up.

Heidi.news (FR)

Le contraste entre Trump et Obama. J’ai toujours eu une très grande fascination pour Obama, son charisme, son sérieux. En tant que Français ayant grandi avec François Mitterrand, je suis très attaché au respect de la fonction présidentielle et à son incarnation. Trump, c’est le contraire de ça. Ce montage de Jimmy Kimmel qui compare son annonce de la mort de Abou Bakr al-Baghdadi et l’annonce d’Obama sur Ben Laden le montre cruellement.

Jimmy Kimmel Live (EN)

L’Amérique reste l’Amérique. Mon épouse est texane, elle est très blessée par tout ce que renvoie Trump. Quelle honte pour la moitié des Etats-Unis! Et ça divise les familles, ma belle famille comme bien d’autres. Mais l’Amérique reste l’Amérique, elle domine la planète. Au niveau scientifique, c’est indéniable. Avec ses géants technologiques aussi. Les Etats-Unis et la Chine se partagent le leadership de la prochaine grande révolution, celle de l’intelligence artificielle. L’Europe se contente d’observer et de compter les points. Cette créativité et ce dynamisme contrastent avec ces Etats entre les deux côtes qui votent Trump. Comment arrive-t-il à les convaincre? Je ne comprends pas. C’est comme certains dictateurs, comment réussissent-ils à emporter les foules avec eux? C’est une question qui m’a toujours laissé pantois, le génie du mal.

Bloomberg (EN)

Il est temps de raconter le monde

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Dans mon radar

Artificial Intelligence Geneva Summit. Cette édition de l’AIGS, qui a lieu ce mercredi de 13h30 à 18h45 au Campus Biotech, est placée sous le signe de la santé et de la religion. Je parlerai des neurotechnologies et de comment elles utilisent l’intelligence artificielle. Dans le cas de mes implants qui visent à faire remarcher des personnes paraplégiques, l’IA permet par exemple de savoir comment et quand stimuler de manière optimale la moelle pour reproduire le mouvement de la marche. Nous décodons aussi l’intention de mouvement dans le cerveau grâce à de tels modèles. Une électrode enregistre l’activité du cerveau et ces algorithmes nous aident à décoder ces signaux de la pensée.

AIGS (FR)

Expérimentation animale ou exil scientifique. Plusieurs initiatives suisses veulent faire interdire les expériences sur les animaux. C’est très problématique. Sans expérience sur les souris, les rats et les singes, il aurait été complètement impossible pour nous de développer les thérapies que nous testons sur l’homme. Sans ces expériences, de nombreux chercheurs comme moi et de nombreuses entreprises comme la mienne devraient quitter la Suisse. Il y a une énorme hypocrisie dans ces initiatives qui nous pousseraient à faire la même chose ailleurs pour faire avancer la science mais dans de moins bonnes conditions. L’expérimentation animale est très bien encadrée en Suisse. Je suis très inquiet car, même si ces initiatives extrémistes ne passent pas, elles pourraient déboucher sur des contre-projets dont les limites seraient également problématiques.

Heidi.news (FR)

30 ans de la chute du Mur. Samedi je parlerai à l’événement «Falling Walls» à Berlin pour les 30 ans de la chute du Mur. Cette période a fait tomber tant de barrières. J’étais ado à l’époque et les espoirs d’Europe sans frontières étaient énormes. «Falling Walls» veut faire tomber les murs qui existent encore. Nous avons préparé une petite surprise avec un patient qui remarche et qui va monter sur scène.

Falling Walls (EN)

Les atermoiements du Brexit. Ce qu’il se passe à Londres me touche beaucoup car je suis très attaché à l’Europe. J’ai toujours cru qu’on ferait les États-Unis d’Europe, il faudrait même faire les États-Unis du monde. Cette régression actuelle, qui veut remettre des frontières partout, m’affecte. Je ne comprends pas, la science c’est l’exemple par excellence d’un monde dans lequel moins il y a de frontières, mieux ça marche. Sur ces sujets, ce sont les articles de «The Economist» qui m’intéressent le plus. Ils sont par ailleurs très bien écrit, dans un anglais très efficace, ce qui me fait progresser dans cette langue importante pour mon travail.

The Economist (FR)

La diplomatie suisse en Europe. J’ai bénéficié des bourses ERC (European Research Council) à quatre reprises. Ça doit être un record. Ça a été essentiel dans mes recherches. C’est un système que j’apprécie particulièrement car il est «bottom-up» et très méritocratique. Le chercheur propose son idée qui va changer le monde et on ne se base que là-dessus pour juger de qui recevra les financements, sans considérations de pays ou de quotas. D’autres financements européens sont beaucoup plus problématiques, liés à du lobbying de certains pays contre d’autres. La Suisse est actuellement dans une drôle de position sur ces financements européens pour la recherche. Si on perd cet argent et ces accès, ce sera très compliqué. Mais je fais confiance aux diplomates suisses. En tant que Français, il m’ont toujours impressionné. Ils prennent les choses calmement et trouvent toujours une solution avantageuse. Tout le contraire du Brexit…

Heidi.news (FR)
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Ma raison d’espérer

Transformer nos recherches en thérapies. Nos implants qui visent à faire remarcher des personnes paraplégiques grâce à une stimulation de la moelle épinière continuent leur chemin vers la mise en pratique thérapeutique. D’autres applications sont également abordées, comme chez les victimes de Parkinson ou dans les traitements autonomiques chez les personnes dont la moelle épinière est endommagée (problèmes de pression artérielle, contrôle de la vessie…). Notre présence en Hollande et l’acquisition d’une entreprise américaine nous permettent désormais de planifier une phase d’essais de grande envergure à travers l’Europe et les Etats-Unis pour répondre aux exigences de législation CE et FDA. Si ces essais cliniques sont positifs, on passera à l’étape logistique et de certification auprès des assurances. Nous estimons que ça prendra entre 5 et 10 ans et que ça pourrait nous coûter 100 millions de francs.

Tribune de Genève (FR)

Sur Heidi.news aujourd’hui

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Berceau pharaonique et futuriste pour les biotechnologies en Valais. Premier épisode de notre nouvelle exploration «Biotech, la nouvelle étoile du Valais». A Viège, à une trentaine de kilomètres du Cervin, le pari sur les biotechnologies du Valais a des dimensions colossales. A plus de 700 millions de francs, le projet Ibex de Lonza est même devenu le plus grand investissement industriel de Suisse de la décennie. Plongée dans ce gigantesque chantier qui annonce aussi le futur de la santé.

Heidi.news (FR)

L’EPFL remporte les «JO de la génétique». Une équipe de neuf étudiants de l’EPFL a remporté le grand prix de la compétition iGEM (International Genetically Engineered Machine), avec un projet de test génétique rapide et portable des maladies de la vigne. Cette compétition d’étudiants a vu s’affronter cette année 340 équipes de plus de 40 pays, dont trois autres équipes suisses. C’est la première fois qu’une équipe helvétique remporte le prix le plus prestigieux d’iGEM.

Heidi.news (FR)

«La Chine doit être applaudie pour ses efforts sur le CO2.» L’ONG Universal Ecological Found, spécialisée dans l’information sur le réchauffement climatique, publie un rapport sur les engagements pris par les gouvernements lors de l’accord de Paris.

Heidi.news (FR)

Oui au préservatif, sauf pour les coups d’un soir. L’Office fédéral de la santé publique a publié lundi 4 novembre les résultats d’un sondage sur l’utilisation des préservatifs en Suisse. Huit participants sur dix (81%) estiment qu’ils permettent d’avoir des relations sexuelles plus sûres. Mais moins de la moitié des sondés l’utilisent systématiquement avec un nouveau partenaire ou lors de rapports occasionnels.

Heidi.news (FR)

Ça pourrait vous étonner

Réparer les soldats américains. Ce lundi, nous avons préparé en urgence notre candidature aux financements de la fameuse DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) qui veut trouver un traitement et un suivi pour les lésions de la moelle épinière chez leurs soldats et vétérans. J’ai rencontré un officier de la DARPA à Chicago, il m’a dit que ce sont nos recherches qui leur ont inspiré ce plan. Par contre, depuis l’arrivée de Trump, il est devenu difficile de travailler avec les Etats-Unis. Dans cet appel d’offres, par exemple, il est interdit de faire travailler en Chine pour des recherches et des expériences, ce que nous faisons pourtant dans le cadre d’une collaboration du FNS avec un très bon laboratoire, le meilleur pour les singes parkinsoniens.

DARPA (EN)

Grégoire Courtine, bio exprès. Ce Dijonais de 44 ans a obtenu son doctorat en neurosciences à l’Inserm en France. Après une formation post-doctorale à Los Angeles (UCLA), où il a également été chercheur associé pour la Fondation Christopher et Dana Reeve, il a créé son propre laboratoire à l’Université de Zurich en 2008. En 2012, il prend la direction de la Chaire “Réparation de la moelle épinière” de l’EPFL où il développe des technologies pour améliorer les fonctions motrices des personnes paraplégiques. En 2014, il lance entre Eindhoven et Lausanne sa start-up GTX medical dont l’objectif est de transformer ses découvertes en thérapie. Avec la neurochirurgienne du CHUV Jocelyne Bloch, il a réussi à faire remarcher trois personnes paraplégiques grâce à une technique de stimulation électrique précise de la moelle épinière, via un implant. Un exploit très médiatisé, consacré par un article dans «Nature» en novembre 2018.

Le Monde (vidéo) (FR)

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