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Bonjour, c’est Serge à Genève, où Heidi.news célèbre son cinquième anniversaire. Pour l’occasion, on vous a concocté une série sur les médias.

La presse en perdition? Les collègues que j’ai vu pleurer durant ma (longue) carrière?

Non, le contraire. Des journalistes heureux et des médias qui ont trouvé leur public, aux quatre coins de la planète.

Ainsi ce matin, je vous parle de Vert, média prospère et étonnant créé par le jeune Loup Espargilière que j’avais croisé à Paris il y a 10 ans. Par la suite, il a failli renoncer au plus beau métier du monde.

Si vous aimez Heidi.news, venez célébrer avec nous cet anniversaire au grand air! (voir ci-dessous)

photo journaliste

Serge Michel à Genève
04.05.2024

On a trouvé des journalistes heureux

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Chaque semaine pour «Vert», Gaëtan Gabriele danse sur les bonnes nouvelles de la planète. (Capture d’écran/Instagram)


En 2019, Loup Espargilière, 29 ans, était assez malheureux.
Après des études de sciences politiques à Lyon et de journalisme à Paris, où je l’avais croisé au journal Le Monde en 2013 dans le cadre d’un projet pour jeunes journalistes, il avait enchaîné les piges et les contrats à durée déterminée dans plusieurs rédactions. Il arrivait au bout de ses droits chômage, avait couvert le mouvement des «gilets jaunes» et enduré leur ressentiment envers les journalistes, constaté une déconnexion forte entre le public et les médias, vécu un été tellement sec et chaud qu’il avait ressenti de l’éco-anxiété. Il s’apprêtait à changer de métier.

Mais par un jour gris de novembre 2019, donc, il s’est posé cette question: qu’est-ce que je sais faire? Dans la foulée, il a rédigé une revue de presse des sujets d’écologie et l’a envoyé en pièce jointe à une cinquantaine de copains en demandant: «Est-ce que ça vous branche?».

La Toscane ou le design

Comme les copains ont dit oui, il en a fait une newsletter, dès le lendemain. Vert, son média, était né, dans sa cuisine. «Heidi.news a été une de mes inspirations, dit-il. Je travaillais comme un dératé. Je me levais à 5h30, la newsletter partait à midi. Je n’avais aucune notoriété, pas de commerciaux, pas de marketing.» Pas d’argent non plus, à part 800 euros qu’il avait mis de côté pour s’offrir un voyage en Italie avec sa compagne, Juliette Quef, cofondatrice. Il a fallu les dépenser pour améliorer le graphisme de sa newsletter gratuite, qui gagnait en abonnés. Adieu, la Toscane.

Heidi.news existait alors depuis moins d’un an. D’abord en newsletter, Le Point du jour, lancé en mars 2019, puis le site, ouvert en mai et la première revue, imprimée en août. La méthode avait été moins artisanale. Une levée de fonds avait eu lieu, des journalistes spécialisés avaient été embauchés. Quatre pour la science, quatre pour la santé: l’équipe idéale pour couvrir la pandémie qui allait surgir au début 2020 et révéler notre nouveau média au grand public.

Qui t’a fait roi?

Nous venons de souffler nos cinq bougies. C’est beaucoup! De nos jours, l’âge des médias, c’est comme pour les chiens: il faudrait multiplier les années par sept. Les médias, c’est le thème de l’Exploration que nous avons choisi de lancer pour cet anniversaire. On aurait pu vous parler de l’état désastreux de la presse, ce n’est pas la matière qui manque…

En 1989, le grand Bernard Béguin, ancien rédacteur en chef du Journal de Genève, signait un livre titré Journaliste, qui t’a fait roi? Il pointait l’immodestie de certains collègues et rappelait des règles élémentaires de déontologie. Depuis, la profession a déchanté. Détrônée par Internet, les gratuits, les moteurs de recherche, les blogs, les réseaux sociaux. La presse a perdu d’un coup et en même temps son modèle économique ainsi qu’une bonne partie de son autorité. Des rois se sont retrouvés à la rue, d’où la déprime.

Larmes et bouteille

Dans ma carrière, j’en ai connu, des collègues au bout du rouleau. J’ai vu des journalistes pleurer, dont l’une parce que nous avions déplacé son bureau de quelques mètres pendant qu’elle était en reportage en Afrique. Un autre parce qu’un jeune et brillant stagiaire avait empiété sur son sujet de prédilection. J’ai vu des journalistes se ronger les ongles, abuser de la bouteille, fumer plusieurs paquets par jour. Même s’ils pratiquaient tous leur métier – le plus beau du monde – avec passion et engagement.

Vous parler de l’état désastreux de la presse? On s’est dit qu’il était plus intéressant de se pencher sur les confrères pour qui ça carbure. Des journalistes heureux, dans des médias qui ont trouvé leur public, aux quatre coins de la planète. C’est le cas de Loup Espagilières et de Vert, qui prospère.

Cop model?

Cette année, il a embauché son huitième salarié et soufflé sa quatrième bougie – c’est 2020 qui marque sa fondation officielle, avec une campagne de financement participatif et la création d’une société. Hier vendredi, le couple fondateur a enfin pu partir en Italie. La formule Vert, «le média qui annonce la couleur», est originale: une veille, qui puisse servir d’outil pédagogique, avec des articles courts, bien sourcés et accessibles. Sans pub ni sponsorisation de contenu, mais avec des jeux de mots. «Dubaï bye», «Perdre la FFAS» ou «Cop model?», titrait récemment la newsletter. «Les infos sur le climat sont compliquées et souvent terrifiantes, dit Loup. Alors on a travaillé le ton, pince-sans-rire, grinçant. On veut des articles incarnés, simples et funky, tournés vers les solutions, tournés vers la science.»

Une des prouesses de Vert est de parvenir à résumer 1000 pages d’un rapport du GIEC en un carrousel sur Instagram, réseau sur lequel Vert compte 160’000 abonnés. Pour cela, quatre journalistes se mettent sur le rapport, en appellent les auteurs et recourent à des «data designers». Le résultat en vaut la chandelle: plus de 700’000 personnes ont regardé la vidéo d’un de ces résumés. «L’idée de départ, dit Loup Espargilière, c’est que si les citoyens ne sont pas en mouvement, c’est qu’ils ne sont pas bien informés.»

Belles Explorations

Le contenu est donc en libre accès et le média vit de trois autres sources de revenus: les dons, les aides publiques à la presse et les formations qu’il dispense à d’autres rédactions sur les questions d’écologie. «On a contracté quelques emprunts, la trésorerie a toujours été rock’n’roll mais les comptes n’ont jamais été dans le rouge», poursuit Loup.

On aimerait vous en dire autant. Il n’empêche, Heidi.news poursuit sa route et vous prépare, ces prochaines semaines et prochains mois, de belles Explorations. A commencer par celle-ci. Après Axios la locomotive américaine, publié jeudi, et The Continent l’ovni africain, en ligne ce matin, vous découvrirez Meduza le frondeur russe, Tortoise la tortue britannique, Correctiv l’enquêteur allemand, Le Grand Continent l’intello français, Ukrayinska Pravda l’incorruptible ukrainien, Rappler l’inflexible philippin…


Lire notre Exploration «On a trouvé des journalistes heureux»
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L’éditeur d’Axios Nick Johnston (à d.) lors d’un évènement organisé avec Pfizer. | Axios / Dani Amman

Chérie j’ai rétréci les news, la recette du succès phénoménal d’Axios. Aux Etats-Unis, les médias traditionnels traversent une crise sans précédent. Le New Yorker parle même d’extinction de masse! Lancé en 2017, Axios fait exception. Conçu pour le smartphone plus que pour le web, le titre a été racheté 525 millions de dollars en 2022. Un succès qui doit beaucoup à son style lapidaire, mais aussi à des choix stratégiques très intelligents.

«On a trouvé des journalistes heureux», épisode 1
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Une de The Continent (courtoisie)

L’histoire du journal africain qui n’existait que sur PDF. Qui aurait pu prédire le succès de The Continent? Lancé de Johannesburg avec pour ambition de couvrir toute l’Afrique, le titre ne possède ni version papier, ni vrai site web, ni rédaction physique. Mais il tire intelligemment profit de Whatsapp pour diffuser un journal digne de ce nom, qui mêle exigence éditoriale et sens de la débrouille. Portrait d’un des enfants bénis du Covid.

«On a trouvé des journalistes heureux», épisode 2

Rejoignez-nous sur le Salève!

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Le Salève et son téléphérique récemment remis en fonction. | Keystone / Salvatore Di Nolfi


Le samedi 25 mai,
nous célébrerons notre anniversaire au grand air. Comme lors de notre lancement en 2019, ce sera une petite marche sur le Salève, à 1200 mètres au-dessus de la mer et à côté de Genève. Rassurez-vous, cela n’a rien d’une performance sportive – sauf si vous choisissez de monter à pied. Il y a un téléphérique, une demi-heure de marche, un bon repas avec les autrices et les auteurs d’Explorations publiées ou à venir sur Heidi.news, puis une surprise dans la forêt. Vous serez de retour au niveau du lac en milieu d’après-midi.

Une participation (tarif préférentiel pour nos abonnés) est demandée pour le repas et le téléphérique (si vous le prenez).


S’inscrire à la petite marche du 25 mai

Le dessin de la semaine

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Pitch Comment, pour Heidi.news

Comme plusieurs autres pays occidentaux, la Suisse a décidé de suspendre son financement à l’Unrwa en janvier 2024, quand Israël a accusé une poignée d’employés de l’agence d’être impliqués dans l’attaque du 7 octobre, avant d’évoquer l’affiliation de «centaines» d’employés à des «groupes terroristes». Mais l’Etat hébreu semble n’avoir fourni aucune preuve convaincante, et le récent rapport Colonna commandité par l’ONU vient de rappeler le rôle indispensable de l’Unrwa pour subvenir aux besoins élémentaires et apporter un semblant de service public aux réfugiés palestiniens.

L’Allemagne, la Suède, la France, le Canada, le Japon et d’autres ont recommencé à financer l’agence onusienne. Mais pas la Suisse, qui réserve toujours son financement (20 millions de francs par an) et s’enlise dans un lent processus politique à l’issue incertaine. Quant à Ignazio Cassis, conseiller fédéral en charge des Affaires étrangères, il n’est pas réputé comme un franc soutien à l’agence onusienne, c’est le moins qu’on puisse dire. «L’Unrwa fait-elle partie de la solution ou du problème?», avait-il demandé en 2018, suscitant une polémique qui résonne encore aujourd’hui.

De bonnes lectures pour le week-end

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Illustration: Audrey Malo pour Politico

Comment Trump s’informe. Trump est un traditionaliste des médias: pendant des années, il n’a consommé des informations qu’à la télévision, dans des journaux physiques ou sur des imprimés que lui remettait son personnel. Mais récemment, il a appris à envoyer des SMS sur son iPhone. Il peut désormais recevoir des liens par iMessage. «Désormais, quiconque possède le numéro de téléphone de Trump peut lui envoyer par SMS un article intéressant ou, au grand dam de certains de ses collaborateurs, un billet de blog farfelu.»

Politico (accès libre) (EN)

70% des journalistes traitant de l’environnement victimes de menaces ou d’attaques. Un rapport de l’Unesco estime que les journalistes environnementaux sont confrontés à des risques croissants, leur travail «recoupe souvent des activités économiques très rentables, telles que l’exploitation forestière illégale ou le braconnage.»

Le Temps (accès libre)

Guerre en Ukraine: ces entreprises françaises qui continuent de fournir l’armée russe. Au moins une dizaine de sociétés continueraient d’exporter des composants critiques en Russie malgré les sanctions européennes. Des produits fabriqués par Nicomatic, une multinationale de composants électroniques située à Bons-en-Chablais, en France voisine, ont été retrouvés sur des équipements militaires russes en Ukraine.

RTL (accès libre)

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