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Bonjour, c’est Serge pour votre nouvelle édition du Point fort.

Le gouvernement genevois a retoqué cet après-midi le nouveau recteur proposé par l’Assemblée de l’Université. Son crime? Etre étranger et hors sérail. Et aussi trop âgé, ajoute le Conseil d’Etat.

Une vraie gifle au bout du lac, dont on va explorer les remous déjà vigoureux.

photo journaliste

Serge Michel, Genève

18.01.2023

Avant d'entrer dans le vif

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(Publié à 19 heures, pour cause d’embargo.)

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L'exécutif de Genève retoque le recteur proposé par l'Université

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Pixabay / Dimitris Vetsikas

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Au terme de deux mandats dont le bilan reste à établir, la ministre genevoise de l’éducation Anne Emery-Torracinta pourra au moins s’enorgueillir d’une victoire: celle d’avoir convaincu ses collègues du Conseil d’Etat de retoquer la nomination comme nouveau recteur de l’Université de Genève du Canadien Eric Bauce, vice-recteur de l’Université de Laval (57’000 étudiants).

L’explication officielle:
«En dépit des qualités du candidat et indépendamment de sa nationalité, le Conseil d’Etat ne peut entériner cette proposition dans le contexte actuel et au vu des enjeux et défis auxquels les hautes écoles suisses doivent faire face. De plus, pour des raisons d’âge, le professeur Bauce [62 ans] devrait bénéficier d’une dérogation pour être nommé et ne pourrait effectuer un deuxième mandat.»

Une gifle cinglante. Avec cette décision, le Conseil d’Etat va à l’encontre des choix et recommandations de trois instances:
👌 L’Assemblée de l’Université, 45 membres élus en 2021 pour 4 ans, composée de 20 professeurs, 10 étudiants, 10 membres du corps intermédiaire et 5 membres du personnel administratif et technique.
👌 Le Conseil d’orientation stratégique, 7 membres nommés par le Conseil d’Etat et présidé par la professeure Barbara Haering, pour la plupart professionnels de la gestion de grandes universités.
👌 L’Association Accorder, qui représente le corps intermédiaire, qui a elle aussi choisi de soutenir Eric Bauce, notamment en raison de sa volonté de lutter contre la précarité des chercheurs et assistants.

Les conséquences. Le refus du Conseil d’Etat d’entériner le choix de l’Assemblée de l’université ouvre une crise institutionnelle majeure sur l’autonomie de l’Université et le rôle du politique dans le monde académique.
Une nouvelle procédure de recrutement doit être lancée par l’Assemblée de l’université, à qui revient cette responsabilité selon la loi sur l’université.
Combien de temps cela va-t-il prendre? Entre la publication du poste, le délai imparti pour se présenter et le tri des candidatures, il est peu probable dans le contexte qu’un nouveau recteur soit choisi avant l’automne 2023 et puisse entrer en fonction avant 2024.
Le recteur actuel, Yves Flückiger, 67 ans, a assuré être prêt à assurer un intérim. Il lui faudra pour cela une nouvelle dérogation en raison de son âge. D’autres membres de son rectorat approchent aussi de la limite d’âge.

Les réactions. Les premiers retours glanés sont pour le moins caustiques.
L’Assemblée de l’Université, par 📧:

«prend acte avec gravité de la décision du Conseil d’État. Le signal envoyé remet en question l’esprit de la loi sur l’Université de 2008, approuvée par référendum à plus de 70% des voix, loi qui a introduit l’autonomie de l’Université. Cette décision dénote une défiance envers une Assemblée participative, représentante des différents corps de l’Université, qui a mené une procédure dans le strict respect du cadre légal, et opéré un choix en toute indépendance.»

Mario Annoni, ancien conseiller d’Etat bernois et ancien président du Conseil d’orientation stratégique de l’Unige, actuel président de la SSR Suisse Romande, par 📱:

«La loi genevoise sur l’Université de 2008 est le résultat des travaux coordonnés par Ruth Dreifuss suite à la crise de 2006. C’est une des plus démocratiques en Suisse dans le monde académique. Elle fait de l’Assemblée de l’Université l’émanation de toute la communauté universitaire et lui donne comme compétence par excellence de désigner le recteur. J’étais sceptique, mais cette Assemblée a fonctionné parfaitement pour désigner le recteur sortant. Je n’ai pas suivi de près la situation mais à ma connaissance, elle n’a pas travaillé moins sérieusement pour choisir sa succession. Pour moi, cette décision du Conseil d’Etat va à l’encontre de l’esprit de la loi sur l’université.»

Moins diplomate, Baptiste Gold, juriste, ancien représentant des étudiantes et des étudiants auprès de l’Assemblée de l’Université de Genève et membre des jeunes Vert’Libéraux:

«On se paie de notre tête en parlant de l’âge d’Eric Bauce alors que le recteur actuel a 67 ans. L’ingérence d’un Conseil d’Etat en passe d’être remplacé dans moins de trois mois est inadmissible. L’autonomie de l’institution universitaire genevoise, fruit de la crise institutionnelle de 2006, est ainsi bafouée et le travail de l’Assemblée balayé. L’expérience du candidat, ses compétences, ses projets, sa renommée internationale et l’intérêt de la communauté universitaire ont été relégués au second plan.»

A l’arrière-plan. Derrière cette crise, au moins deux dossiers brûlants:
Les budgets de l’Unige sont menacés par le renoncement du Conseil fédéral à l’accord-cadre avec l’Union européenne. L’époque des grands professeurs américains et autres attirés par la possibilités de grands laboratoires à Genève est révolue.
La numérisation des études semble un chantier à l’arrêt. La vieille garde tient aux cours ex cathedra alors qu’une formule hybride en présentiel et en ligne est souhaitée par de nombreux étudiants, qui sont 70% à travailler à côté de leurs études.

Heidi.news (FR)

Bien vu

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Keystone / Martial Trezzini

Photo de famille. Yves Flückiger, recteur de l’Unige souhaitant passer la main (avec la pelle), accompagné des conseillers d’Etat Anne Emery-Torracinta (avec la pioche) et Serge Dal Busco (idem). L’universitaire et les deux responsables politiques posent à l’occasion du lancement de la rénovation du bâtiment central d’Uni Bastions, le 30 septembre 2022. Un million de francs (sur les 70 nécessaires) ont été accordés par l’Etat pour restaurer le bâtiment historique de l’université, en piteux état derrière la façade.

Pour aller plus loin

Genève c’est pas Calvin, c’est Chauvin. Où l’on revient sur la campagne orchestrée par la conseillère d’Etat sortante Anne Emery-Torracinta contre la nomination d’un recteur hors sérail.

Heidi.news (FR)

Eric Bauce: «J’ai proposé de faire de l’Unige un exemple à suivre» Il y a quelques jours, le biologiste québécois Eric Bauce, choisi pour devenir le nouveau recteur, nous exposait son programme pour l’Université de Genève. Et se disait même prêt à apprendre l’allemand.

Heidi.news (FR)

Psychodrame à l’Uni de Genève: le choix du nouveau recteur va-t-il dans le mur? Le mois dernier, nous évoquions déjà le choix délicat du nouveau recteur de l’Université de Genève.

Heidi.news (FR)

Il est temps de raconter le monde

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Bonnes lectures

🤔 «Une plus grande autonomie pour l’Université de Genève.» En 2008 à Genève passait la loi sur l’université, qui créait l’Assemblée de l’Université. «Choisir le recteur, c’est choisir la politique à long terme», défendait Roger Mayou, alors président du Conseil de l’Université, dans les colonnes du Temps. Une perspective qui vient de prendre quelques rides.

Le Temps (FR)

📜 «En supprimant Carl Vogt, on oublie une partie des fondements de notre civilisation.» Quel pouvoir, le rectorat de l’Unige? Celui, à tout le moins, d’effacer des symboles. Retour sur la polémique ayant entouré la débaptisation d’Uni Carl Vogt, en septembre dernier, avec un historien spécialiste de l’Allemagne.

Heidi.news (FR)

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