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Dimanche, nous aurons le rĂ©sultat de la votation sur la loi climat. Son approbation nâest pas seulement indispensable pour permettre Ă la Suisse dâadapter son droit interne Ă ses engagements climatiques internationaux. Elle est aussi cruciale pour tenter de modifier la trajectoire actuelle de rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă effet de serre en Suisse, trĂšs insuffisante.
En matiĂšre de politique climatique des Etats, on constate non pas un mais trois Ă©carts majeurs.
- Le premier est liĂ© au caractĂšre volontaire des engagements internationaux. Depuis lâaccord de Paris, il est acquis quâil ne faudrait pas dĂ©passer un rĂ©chauffement de 1,5 C° de la tempĂ©rature moyenne mondiale dâici la fin du siĂšcle. Mais la somme des engagements des Etats nous place sur une trajectoire Ă +2,5°C.
- Le second Ă©cart se situe entre les engagements des Etats Ă lâinternational et le contenu de leur droit interne. Selon la mĂȘme source, ce dĂ©calage va nous «coĂ»ter» 0,2 C° de plus.
- A ces deux Ă©carts sâajoute un troisiĂšme: celui entre les mesures adoptĂ©es et la rĂ©alitĂ© des Ă©missions de chaque EtatâŠ
Et devinez quoi? La Suisse en offre une excellente illustration.
Tout dâabord, aussi ambitieux quâils puissent paraĂźtre, les objectifs suisses de rĂ©duction de 50% des Ă©missions dâici 2030 par rapport Ă 1990, et de neutralitĂ© carbone dâici 2050 annoncĂ©s en 2019 dans le cadre de lâaccord de Paris, sont insuffisants pour respecter la limite des 1,5 C°. A cet Ă©gard, lâaudience du 29 mars 2023 devant la CEDH dans lâaffaire des AĂźnĂ©es pour le climat a Ă©tĂ© Ă©difiante: face aux questions des juges, les reprĂ©sentants de la Suisse ont dĂ» admettre que les objectifs suisses ne reposaient pas sur des calculs de budget carbone prĂ©cis.
Entre Paris et Berne, un autre fossé
Mais câest lâĂ©cart entre les engagements internationaux et le droit interne qui est le plus manifeste en Suisse. A ce jour encore, la loi sur le CO2, adoptĂ©e en 2011, poursuit comme objectif une hausse de la tempĂ©rature mondiale «infĂ©rieure Ă 2 °C». Ă la suite du rejet de la rĂ©vision de la loi sur le CO2 en juin 2021, le Parlement a adaptĂ© ses objectifs en introduisant une rĂ©duction supplĂ©mentaire des Ă©missions de 1,5% par an, de façon Ă passer dâun objectif de -20% en 2020 Ă -26% en 2024. Il sâagit des seuls objectifs de droit interne applicables Ă ce jour.
Si cette trajectoire se poursuivait au fil des ans, on vise une rĂ©duction des Ă©missions de 65% dâici Ă 2050, par rapport Ă 1990. Il faudrait ĂȘtre Ă -100%. Câest prĂ©cisĂ©ment cet Ă©cart que la loi climat tente de supprimer, quatre ans aprĂšs lâaccord de Paris. Quatre ans trop tard, donc.
Entre le droit et le terrain, rebelote
Le troisiĂšme Ă©cart existe aussi. A ce jour, les Ă©missions suisses ne satisfont mĂȘme pas les objectifs du droit suisse actuel. Les derniers chiffres de lâOFEV, pour lâannĂ©e 2021, mettent en Ă©vidence une rĂ©duction effective dâĂ©missions de 18% alors que lâobjectif cette annĂ©e-lĂ Ă©tait de 21,5%. La trajectoire rĂ©elle de la Suisse est donc au mieux celle dâune rĂ©duction des Ă©missions entre 55% et 60% dâici 2050. A peine la moitiĂ© de ce quâelle devrait.
Ce nâest pas fini. Les chiffres de lâOFEV ne tiennent pas compte de lâimpact de la consommation suisse en-dehors de Suisse. Or, selon les donnĂ©es de lâOFS, 66% des Ă©missions nĂ©cessaires Ă satisfaire la consommation suisse proviennent de lâĂ©tranger. En prenant en compte les Ă©missions liĂ©es aux importations et en dĂ©duisant celles liĂ©es aux exportations, la rĂ©duction des Ă©missions suisses en 2019 par rapport Ă 1990 nâest alors plus que de 1,2%. On a connu un mieux en 2020 (-13%) mais câest surtout en raison de la pandĂ©mie de Covid-19. On attend encore les chiffres pour 2021.
Le bonnet dâĂąne europĂ©en
Calculées en fonction de la consommation, les émissions par habitant en Suisse dépassent ainsi trÚs largement celle des habitants des pays voisins. Pour fixer les idées, avec les chiffres du Global Carbon Project: 12,36 tonnes de CO2 par habitant en Suisse en 2020, contre 5,82 tonnes en France, 6,53 en Italie, 9,12 en Autriche et 9,23 en Allemagne.
Ainsi, non seulement la Suisse ne figure pas parmi les bons Ă©lĂšves sur la voie de la politique climatique â comme lâaffirment Ă tort les opposants Ă la loi climat â , mais tout reste Ă faire pour tenter de corriger concrĂštement la trajectoire de nos Ă©missions. Dimanche ne sera pas une victoire pour le climat. Ce sera le dĂ©but de la bataille pour inflĂ©chir notre course en avant.
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