Bonsoir, c’est Rachel pour votre Point fort.
Le débat menant à la votation sur la loi climat se transforme en véritable guerre des chiffres.
Seul parti dans le camp du «non», l’UDC brandit la menace d’une explosion des coûts de l’énergie si la loi passe.
A raison? C’est ce qu’on va voir. |
Avant d'entrer dans le vif
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La loi climat va-t-elle nous mettre sur la paille?
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Les chiffres véhiculés par l’UDC dans sa campagne contre la loi climat seraient infondés, d’après la communauté scientifique. Photo: KEYSTONE/Laurent Gillieron
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➢ 🇨🇭 Le débat menant au vote du 18 juin sur la loi climat se transforme en véritable guerre des chiffres.
🌍 Ficelé par le gouvernement en réponse à l’initiative pour les glaciers, la loi climat prévoit de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays à zéro d’ici 2050, à travers des mesures d’encouragement et des objectifs intermédiaires par secteur.
➢ ⚡🤑 Seul parti dans le camp du «non», l’UDC brandit la menace d’une «explosion des coûts de l’énergie».
Des chiffres extrapolés? «Les coûts de l’énergie vont tripler pour atteindre 9600 francs par personne et par an», soit une augmentation de 6600 francs, argue l’UDC dans son tout-ménage.
➢ 🧐 Le parti conservateur se réfère à des travaux publiés en 2021, menés par le professeur Andreas Züttel, directeur d’un centre de recherche conjoint entre l’EPFL Valais et l’Institut fédéral de recherche sur les matériaux (Empa).
➢ C’est là que le bât blesse: le chiffre retenu par l’UDC est extrait du scénario le moins probable et le plus onéreux de l’étude.
➢ Augustin Fragnière, directeur adjoint du Centre de compétences en durabilité de l’Université de Lausanne:
«Dans ce scénario, les carburants et les combustibles pour les transports et le chauffage sont entièrement remplacés par des carburants et des combustibles synthétiques (non dérivés du pétrole, ndlr.), produits à partir d’hydrogène.»
➥ ⛔ Or ce scénario, purement théorique, n’est même pas envisagé dans les perspectives énergétiques de la Confédération. Justement parce qu’il s’avère bien trop énergivore et coûteux, note le chercheur.
➢ Un constat partagé par le Conseil fédéral et l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), qui qualifient le chiffre d’«irréaliste».
Une Suisse autarcique? Autre limite, l’étude sur laquelle se fonde l’UDC utilise un modèle très simplifié. Augustin Fragnière:
«L’étude (…) évalue simplement l’hypothèse d’une Suisse totalement autosuffisante et omet la diversité du mix énergétique (en étudiant un seul vecteur d’énergie, ndlr.). (…) Par ailleurs, les économies liées à l’efficacité énergétique ne sont pas toutes prises en compte. (…)»
🔍 La loi climat prévoit notamment une enveloppe de 3,2 milliards pour remplacer les chauffages fossiles, améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et inciter les entreprises à investir dans des technologies innovantes.
➢ Outre-Sarine, la communauté scientifique s’indigne aussi face au tout-ménage de l’UDC, notamment le climatologue de l’EPFZ Reto Knutti.
L’Empa réagit. De son côté, l’EMPA (Institut fédéral de recherche sur les matériaux) s’est désolidarisé des propos de l’UDC.
➢ 💡 Pour Peter Richner, directeur adjoint de l’EMPA, l’étude confirme au contraire le fait que la Suisse possède une stratégie énergétique réaliste, en combinant l’amélioration de l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables avec le commerce mondial et l’intégration au réseau électrique européen.
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Le tout-ménage de l’UDC sur la loi climat. | Site de l’UDC
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💸 Investir pour demain. L’UDC met en avant un second chiffre en forme de repoussoir: la transition énergétique «entraînera[it] des coûts d’au moins 387 milliards de francs» sur les trente prochaines années.
➢ 🏦 Ce montant est extrait d’une évaluation commandée en 2021 par l’Association suisse des banquiers, en collaboration avec le Boston Consulting Group, qui représente les investissements requis pour abandonner les énergies fossiles.
➥ Mais leur conclusion est tout autre:
✅ «La place financière suisse est en mesure de financer la majeure partie des investissements nécessaires – 91% – par l’octroi de crédits ainsi que sur le marché des capitaux», peut-on lire dans leur rapport.
➢ L’OFEN rappelle que plus de la moitié (58%) des 387 milliards évoqués sont en réalité des investissements de renouvellement qui étaient prévus dans tous les cas, notamment pour rénover les bâtiments. Il ne s’agirait donc pas de frais supplémentaires.
Le coût de l’énergie. Si les chiffres diffusés par l’UDC présentent une vision biaisée du problème, une question demeure: un «oui» à la loi climat entraînerait-il une hausse du coût de l’énergie? Une piste de réponse.
➢ L’équipe d’Anthony Patt, professeur à l’EPFZ et expert du GIEC, a mené des travaux en ce sens (non encore publiés), dans l’hypothèse où le pays continue d’investir massivement dans les énergies renouvelables, comme le prévoit la loi climat. Deux scénarios:
● La Suisse parvient à rester connectée au réseau électrique européen. Elle sera alors en mesure d’exporter de l’électricité en été et d’en importer en hiver, et ferait des économies sur le coût de l’énergie (de l’ordre de 200 francs par an et par habitants d’ici 2040).
● La Suisse se retrouve à peu près en autarcie au plan électrique, faute d’accord avec l’UE. Le coût de l’électricité grimperait en flèche (+40%) mais les économies sur l’importation d’énergies fossiles compenseraient ce surcoût.
➢ 📈 En outre, d’après les calculs de la Confédération, la croissance économique ne serait pratiquement pas affectée.
➢ Contacté pour une réaction, le parti UDC n’a pas donné réponse à nos sollicitations.
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