Je partage | Je m'inscris

Bonjour, c’est Sebastian Dieguez, chercheur en neurosciences à Fribourg, pour un Point de vue.

Le vendredi, c’est le jour oĂč votre newsletter laisse place Ă  une chronique, sur l’international, la politique, la justice climatique ou, en ce qui me concerne, la cognition.

Aujourd’hui, j’aimerais vous convaincre que, mĂȘme si sa conversation est limitĂ©e, votre bĂ©gonia est intelligent.

Davantage que des IA comme ChatGPT, selon le point de vue.

photo journaliste

Sebastian Dieguez,

28.04.2023

Avant d'entrer dans le vif

đŸ›ąïž OlĂ©oduc gĂ©ant en Afrique de l’Est: une «bombe climatique» financĂ©e par de l’argent suisse. DerriĂšre le plus long olĂ©oduc chauffĂ© du monde, on trouve des banques suisses.

🩠 Les virus sont-ils en train de gagner la partie? Trois ans aprĂšs le Covid-19, les scientifiques prĂ©viennent que le monde n’est guĂšre mieux prĂ©parĂ© Ă  la prochaine pandĂ©mie.

đŸ‡”đŸ‡ž A HĂ©bron, la gouaille de Gandi l’attrape-touristes. La ville symbole de l’occupation israĂ©lienne voit se dĂ©velopper un tourisme gĂ©opolitique, qui fait les affaires du gamin des rues.

Heidi.news fĂȘte ses 5 ans! Profitez de 50% de rabais sur nos abonnements

📧 On vous a transfĂ©rĂ© ce Point fort?
Alors n’hĂ©sitez pas Ă  vous inscrire: c’est tous les jours et c’est gratuit.

Des histoires de salade et de bégonia

Photo article

Ce plant de betterave n’a pas Ă©tĂ© gĂ©nĂ©rĂ© par intelligence artificielle - c’est juste un plant de betterave, avec sa sensibilitĂ©. | Unsplash / Markus Spiske

🌐 Lire en ligne sur notre site 🌐

Quel est le rapport entre un pissenlit et ChatGPT? Hormis peut-ĂȘtre leur rĂŽle respectif dans la production de salades, on voit mal ce qui rapproche une plante d’un systĂšme d’intelligence artificielle. Et pourtant, sous un certain angle, tous deux nous contraignent Ă  rĂ©examiner la condition humaine, ou du moins nos façons de la concevoir.

Les progrĂšs de l’informatique et de la robotique sont aujourd’hui au centre des dĂ©bats, et d’aucuns se demandent s’il n’arrivera pas un moment oĂč il faudra accorder des droits moraux Ă  certaines machines – si vĂ©ritablement elles deviennent «conscientes», ou au moins «intelligentes». Dans ces conditions, il peut ĂȘtre instructif de remettre en avant le dĂ©bat sur l’intelligence des plantes.

On se souvient de l’hilaritĂ© gĂ©nĂ©rale lorsque la Commission fĂ©dĂ©rale d’éthique pour la biotechnologie avait produit en 2008 un rapport sur «la dignitĂ© de la crĂ©ature dans le rĂšgne vĂ©gĂ©tal». VoilĂ  qu’on allait nous interdire, une fois pour toutes, de marcher sur le gazon, au motif que les vĂ©gĂ©taux sont des «organismes individuels douĂ©s d’intĂ©rĂȘts propres», et Ă  ce titre ont droit au respect. La presse internationale s’en fit l’écho: ils ne rigolent pas avec la nature, ces Suisses… Pourtant le rapport en question avançait des arguments essentiellement Ă©thiques, et ne se risquait pas Ă  comparer les humains et les peupliers.

Respectez votre cactus nain

Certains chercheurs n’ont pas tant de scrupules. La rĂ©cente discipline de la «neurobotanique» va mĂȘme aussi loin que possible dans l’attribution de conscience, sentience, intelligence et cognition Ă  nos plantes vertes. Et pourquoi pas? Si on peut montrer que de nombreux vĂ©gĂ©taux sont capables d’apprendre, prennent des dĂ©cisions, anticipent l’avenir, s’adaptent Ă  leur milieu, se souviennent du passĂ©, induisent leurs prĂ©dateurs en erreur, intĂšgrent et Ă©valuent des informations variĂ©es afin de fixer leurs prioritĂ©s, montrent des signes de douleur et communiquent entre eux, on est en droit d’y voir un minimum de jugeote.

Bien sĂ»r, les plantes n’ont pas de cerveau. Mais on y trouve des neurotransmetteurs classiques comme la dopamine et le glutamate, des potentiels d’action calcium-dĂ©pendants comme dans nos neurones, elles Ă©mettent des phĂ©romones et sont sensibles Ă  l’équivalent de nos hormones, et lorsqu’elles sont en groupe, leur comportement ressemble au fruit de calculs sophistiquĂ©s.

Alors non, je ne suggĂšre pas de susurrer des mots doux Ă  vos hortensias, ni d’offrir une sĂ©pulture Ă  vos roses fanĂ©es, et encore moins d’embrasser nus les arbres dans la forĂȘt (d’ailleurs, s’ils sont conscients, il faudrait obtenir leur consentement). Ce que ces observations nous contraignent Ă  faire, c’est d’affiner nos dĂ©finitions de la cognition, de l’intelligence et de la conscience.

Si penser c’est s’adapter, les plantes pensent

Ainsi, le philosophe Jonny Lee, de l’UniversitĂ© de Murcie en Espagne, rappellequ’il n’existe pas, Ă  ce jour, de consensus sur ce que nous appelons exactement «cognition». Certains privilĂ©gient la facultĂ© de se reprĂ©senter mentalement des choses et d’effectuer des opĂ©rations sur ces reprĂ©sentations, d’autres considĂšrent que c’est plutĂŽt la capacitĂ© de s’adapter de façon flexible au monde environnant. Ce dĂ©bat conduit Ă  une impasse entre ceux qui nient toute forme de cognition aux plantes, et ceux qui sont prĂȘts Ă  leur attribuer au moins une forme «minimale» de cognition.

Mais quelle que soit l’issue de cette controverse, Lee indique que l’étude des plantes nous permet au moins de mieux saisir, au cas par cas, ces choses que nous appelons cavaliĂšrement «attention», «jugement», «dĂ©cision» ou «pensĂ©e».

Ce qui nous ramĂšne au dĂ©bat sur l’intelligence artificielle, qui soulĂšve exactement les mĂȘmes questions et conduit aux mĂȘmes difficultĂ©s thĂ©oriques. Avec des consĂ©quences inattendues: si l’on accepte que des voitures, des palettes graphiques et des «agents conversationnels» sont douĂ©s d’intelligence, alors il nous faudra peut-ĂȘtre voir nos bĂ©gonias d’un nouvel Ɠil.

🌐 Lire sur Heidi.news 🌐 (FR)

On en avait parlé

La start-up suisse qui fait parler les plantes grĂące Ă  leur activitĂ© Ă©lectrique. Sous une lumiĂšre violacĂ©e digne d’un film de Gaspar NoĂ©, trois petits plants de tomates sont installĂ©s dans un caisson aux parois mĂ©talliques. Chacun est branchĂ© par le biais de deux cĂąbles bleus Ă  un boĂźtier gris, gros comme une brique. Celui-ci mesure l’activitĂ© Ă©lectrique de chaque plante.

Heidi.news (abonnés) (FR)

Il est temps de raconter le monde

Photo article

✹ Heidi.news fĂȘte son premier lustre. Pour cĂ©lĂ©brer nos cinq ans, profitez de 50% de rabais sur nos abonnements et nos bons cadeaux. Nos offres anniversaires sont valables jusqu’au dimanche 12 mai inclus: faites vite!

Découvrez aussi notre toute nouvelle Exploration axée solutions, On a trouvé des journalistes heureux, qui dresse le portrait de médias qui marchent. Bonne lecture!

Voir les abonnements

A lire ou regarder

Une communication pleine de sens. Les plantes ne vĂ©gĂštent pas! DotĂ©es de nombreux sens, parfois trĂšs similaires Ă  ceux des animaux, elles Ă©changent quantitĂ© d’informations et de matiĂšre. Pour l’excellente revue de vulgarisation Pour la Science, la botaniste Catherine Lenne (UniversitĂ© de Clermond-Ferrand) nous propulse dans un monde totalement ignorĂ© il y a encore peu de temps.

Pour la Science (abonnés) (FR)

Du comportement vĂ©gĂ©tal Ă  l’intelligence des plantes? Dans un livre en date de 2020, Quentin Hiernaux, philosophe et chargĂ© de cours Ă  l’UniversitĂ© libre de Bruxelles, plongeait dans le cƓur du sujet du jour: les plantes sont-elles intelligentes? Ou plutĂŽt, de quelle façon le sont-elles? Un ouvrage ici recensĂ© par l’Inrae, l’institut français de recherche en agriculture et botanique.

Quentin Hiernaux, aux Ă©ditions Quae (FR)

Peut-on parler d’intelligence vĂ©gĂ©tale? Pas envie de lire? La BibliothĂšque nationale de France (BNF), Ă  Paris, a organisĂ© en mai 2022 un dĂ©bat sur le sujet, avec notamment les deux auteurs citĂ©s ci-dessus. Il est disponible en accĂšs libre et dure une heure.

Site de la BNF (accĂšs libre) (FR)

Un mot sur notre chroniqueur

Sebastian Dieguez est docteur en neurosciences, il enseigne Ă  l’UniversitĂ© de Fribourg. Ses recherches portent sur la formation des croyances et le complotisme. Il est l’auteur de Croiver: pourquoi les croyances ne sont pas ce que l’on croit (Ă©d. Eliott, 2022), Le Complotisme: cognition, culture, sociĂ©tĂ© (Ă©d. Mardaga, 2021) et Total Bullshit: au coeur de la post-vĂ©ritĂ© (PUF, 2018), ainsi que de chroniques dans l’hebdomadaire satyrique Vigousse.

Vous avez aimé? Partagez:

Facebook Twitter Linkedin Instagram
b696e884-f624-429e-91a6-1af20f5cf9e3.png

Avenue du Bouchet 2
1209 GenĂšve
Suisse