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Avis de grosse bise au bout du lac

Un cycliste passe devant les affiches electorales des partis pour l’élection de dimanche 26 mars 2023 à Geneve. | Keystone / Salvatore di Nolfi

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Ce n’est pas parce qu’elle empile les milliards que Genève va bien. Au contraire. Malade depuis des années de sa gestion et de sa classe politique, la République a vu apparaître ce week-end dans l’urne les effets de ses pathologies. Et ce n’est qu’un début, très probablement.

Leçon no. 1: victoire écrasante des déçus et des fâchés

Pierre Maudet est de retour. Voilà l’info qui va choquer l’ensemble de la Suisse – notamment alémanique. Une nouvelle Genferei, les Grecs du bout du lac… Et plus fort, en faisant rentrer triomphalement sa liste Liberté et justice sociale au Grand Conseil, +10 sièges (contre 9, au ras du quorum, pour le Centre). Un ticket poujadiste, misant sur les gens du «vrai peuple», coiffeuses, petits commerçants, sur lequel aucun commentateur politique n’aurait parié une cacahuète.

Pierre Maudet, «le moins nul de tous». Bien sûr, Pierre Maudet rassemble une partie des fâchés genevois. (Le reste a basculé dans l’abstention, spectaculaire: 37% de participation contre 48% lors de la partielle de 2021.) Comme le MCG et l’UDC, qui eux aussi progressent beaucoup, (+3 et +5 pts), Pierre Maudet parle à ces largués du succès économique genevois, à tous ceux qui croulent sous des primes maladies, des loyers record, une imposition hors pair.

Les Genevois ayant voté pour ces trois partis ont le sentiment d’assister, impuissants, à un développement du territoire incontrôlé, ainsi qu’à une croissance des effectifs de la fonction publique tout aussi effrénée.

Mais comme Donald Trump en 2016, Pierre Maudet parle aussi (surtout) à l’establishment de droite. Il fait d’ailleurs carton plein dans tous les bastions PLR traditionnels et cette fois encore, les milieux économiques l’ont soutenu majoritairement contre l’avis de leurs faîtières. «Faute de mieux», a-t-on souvent entendu, «lui au moins il sait gérer, c’est le moins nul d’entre tous», «et de toute façon, on ne sait pas pour qui d’autre voter.»

Leçon no. 2: gros malaise dans les partis traditionnels

Voilà le problème: à la faiblesse de la gestion du canton, s’ajoute une faiblesse des partis traditionnels. Le PLR, le PS, Les Verts et Le Centre boivent la tasse. Une partie de leur électorat n’est tout simplement pas allée voter, renforçant l’abstention. Ou elle a rejoint d’autres factions, le parti de Pierre Maudet, l’UDC, le MCG ou les Verts libéraux. Même si ces derniers ne concrétisent pas: la faute à une ambiance gaucho-phobique à droite, aux menaces d’impôts et au discours climatique qui passe à l’arrière-plan.

PLR, PS, Verts et Centre à la ramasse. Attention à l’effet d’optique créé par le triomphe des deux candidates PLR, la sortante Nathalie Fontanet et la débutante Anne Hiltpold, sorties respectivement 1e et 4e de ce premier tour au Conseil d’Etat. Elles ont bénéficié des voix de TOUS les camps (15’000 voix à gauche et au centre pour Anne Hiltpold, un exploit).

Dans les faits, le PLR perd 6 sièges. Pis, avec ses 17’280 voix (contre 22’453 en 2018), il ne dépasse qu’à peine la moisson du Parti Libéral seul, en 1989, dans une Genève avec bien moins de votants.

Le PS et les Verts eux, maintiennent plus ou moins leurs sièges (+ 1 pour le PS) grâce à l’apparentement avec l’extrême-gauche et à leur alliance rouge-vert, mais auraient baissé sinon. Preuve en est, le score piteux de candidate socialiste Carole-Anne Kast, pourtant unanimement louée à gauche.

Faiblesse d’image et de discours («peu d’idées mais confuses»), de relève politique, ces partis paient cher aussi pour des magistrats archi-contestés: Serge Dal Busco, Fabienne Fischer, et bien sûr Anne Emery-Torracinta, avec son accumulation de casseroles sur lesquelles le PS s’est montré particulièrement couard.

Leçon no. 3: déçus un jour, déçus toujours

Pas de raison que le vent de la grogne retombe dans les années à venir. Avec trois, voire quatre blocs à majorité pro-Etat et pro-fonctionnaires, l’argent va continuer de filer et la droite de hurler.

Pire: autant de dissensions, y compris au sein du futur Conseil d’Etat (quel qu’il soit), ruinent tout espoir de réformes et risquent d’encourager un peu plus encore la navigation à courte vue, le clientélisme et le commerce des copains-coquins.

On en a parlé

L’ancien conseiller d’Etat Pierre Maudet réussit le tour de force de placer son parti au Grand Conseil. | Keystone / Salvatore Di Nolfi

A Genève, Pierre Maudet va continuer d’agiter la République. L’ancien conseiller d’Etat Pierre Maudet réussit l’étonnant tour de force de placer son mouvement Libertés et justice sociale au Grand Conseil. Il pourrait même réintégrer le Conseil d’Etat dans trois semaines.

Il est temps de raconter le monde

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De bonnes lectures

A Genève, l’inquiétante percée populiste. Un vent de «dégagisme» s’est abattu sur le Grand Conseil, au détriment des partis dits «traditionnels», au profit des formations protestataires. Le cumul de ces trois forces dépasse 30% de l’électorat et occupe 36 des 100 sièges au sein de l’hémicycle. L’éditorial de Marc Guéniat, responsable de la rubrique genevoise au Temps.

Pierre Maudet: «Je suis un survivant!» C’est le vainqueur du jour, pas encore conseiller d’Etat mais déjà faiseur de rois. «La Julie» a interviewé l’enfant terrible de la politique genevoise, qui a réussi à faire entrer sa liste d’inconnus au Grand Conseil.

Un boulevard pour la droite. Logiquement, Le Courrier met l’accent sur les résultats somme toute décevants de la gauche et sur la débâcle de la gauche de la gauche. «Cette prochaine législature sera marquée par «l’isolement de la gauche dans un rapport de force de deux tiers contre un tiers»», y analyse Pascal Sciarini, politologue à l’Université de Genève.

Un mot sur notre chroniqueuse

Ancienne journaliste de la RTS, Laetitia Guinand est journaliste productrice de l’émission de débat Le poinG sur Léman Bleu, émission de débat politique et sociétal, tous les mercredis à 20 heures.