Bonjour, c’est Florent à Kyiv, où les changements brutaux de la diplomatie internationale ces derniers jours ont laissé les habitants K.O. L’occasion de découvrir qu’en Ukraine, dépression peut parfois rimer avec dérision.
Des changements qui vont aussi rythmer cette lettre, alors que l’Europe peine à faire front commun en matière de défense, qu’Israël est galvanisé par les Etats-Unis, qui vont d’ailleurs rencontrer la Russie à Riyad, mais sans l’Ukraine. |
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Les infos que j'ai retenues pour vous
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Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen avant un sommet sur la situation en Ukraine et la sécurité européenne à Paris, le 17 février 2025. / Ludovic Marin / AFP
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Désunion européenne au sommet de Paris.
Alors que Donald Trump a explosé le cordon sanitaire qui entourait Vladimir Poutine, l’Europe a tenu une réunion de crise hier autour d’Emmanuel Macron pour définir une réponse commune de sécurité. Si les dirigeants européens se sont mis d’accord pour augmenter la défense du Vieux continent, la tentative d’afficher un front uni a échoué. En cause: l’envoi ou non de troupes de maintien de la paix en Ukraine, alors qu’Etats-Unis et Russie semblent vouloir décider de l’avenir du pays tout seul. La Suède a affirmé «ne pas exclure» un tel déploiement, suivant l’exemple du Royaume-Uni. L’Allemagne a estimé qu’un tel débat était «hautement inapproprié» alors que la Pologne a fait savoir qu’elle ne déploierait pas de militaires.
Radio France internationale (FR)
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Israël déchaîné après la visite de Marco Rubio.
Benyamin Nétanyahou s’est engagé hier à mettre en œuvre la déportation des habitants de Gaza proposée par Donald Trump, suite à la carte blanche donné par le chef de la diplomatie américaine lors d’une visite dimanche. Le projet prévoit la prise de contrôle du territoire palestinien par les Etats-Unis et l’expulsion de ses 2,4 millions d’habitants vers l’Egypte et la Jordanie, solution à laquelle les intéressés s’opposent. Dans la foulée, Israël a annoncé la création d’une nouvelle administration pour l’émigration des Palestiniens de Gaza. Ce même jour, l’armée israélienne a aussi dit se maintenir au Liban, rompant de facto l’accord de cessez-le-feu avec le Hezbollah.
TV5 Monde (FR)
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Il est temps de raconter le monde
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🇺🇦 Ukraine: mille ans de guerres et à la fin, une nation.
Mettez «bataille de Kiev» dans un moteur de recherche, et vous trouverez au moins 23 dates, entre l’an 898 et 2022. Durant ce millénaire, malgré sa géographie, malgré ses ressources, malgré la Russie, malgré la paresse et l’ignorance du monde occidental, malgré l’impéritie de ses propres dirigeants, envers et contre tout, l’Ukraine existe encore. Il ne sera donc pas trop de dix dates pour prendre du champ sur la guerre.
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Dans mon radar aujourd'hui
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Moscou et Washington se rencontrent sans Kyiv.
Volodymyr Zelensky redoutait d’être laissé en dehors des négociations sur la paix en Ukraine, doutes que les diplomates américains ont tenté de dissiper la semaine dernière. La crainte s’est pourtant concrétisée alors que Marco Rubio, chef de la diplomatie des Etats-Unis, et son homologue russe Sergueï Lavrov, se rencontrent aujourd’hui en Arabie saoudite, lançant les pourparlers directs entre les deux puissances jadis ennemies. Le conflit en Ukraine ne devrait représenter que l’un des points de discussions à Riyad, dont sont aussi exclus les Européens. Le président Zelensky a, d’ores et déjà, dit qu’il ne reconnaîtra pas d’éventuels accords qui sortiraient de cette rencontre bilatérale.
Swiss Info (FR)
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Image humouristique partagée par les Ukrainiens sur les réseaux sociaux, montrant les Etats-Unis protégeant la Russie et faisant un doigt d’honneur à l’Ukraine.
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Ca m'est arrivé cette semaine
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Stupeur sans tremblements. Par la force de l’habitude, probablement.
Depuis l’appel entre Trump et Poutine (sans Zelensky), les Ukrainiens sont sous le choc. Pour eux, le message est clair: Washington et Moscou décideront de l’avenir de l’Ukraine sans elle. A Kyiv, le goût amer de la trahison passe de bouche en bouche, en silence contenu, ou sous une couche d’un rire bien sombre.
Si vous ne comprenez pas l’Ukrainien (comme moi, j’ai honte), les éclats de rire peuvent vous faire croire que tout va bien. Mais c’est oublier la capacité des Slaves à maîtriser l’humour noir: un outil perfectionné par les décennies de dictature soviétique qui a forgé ses citoyens à savoir critiquer sans se plaindre, à déprimer sans pleurer, à rigoler à gorge déployée, d’un éclat dont seule l’oreille avertie peut en percevoir le déchirant désespoir. C’est ce que je découvre durant une discussion avec deux amis: Elle et Lui, Ukrainiens au chevet de leur pays.
Elle déroule le fil de son compte X, enchaînant les vidéos de chats et les blagues ukrainiennes sur la disparition de leur pays. Les premières reprennent des passages de Don’t Look Up, film où Leonardo DiCaprio tente de réveiller l’Amérique qui ne voit pas venir la fin du monde. Juste derrière viennent des images de Poutine et Trump se roulant des pelles. «Pour nous, quand on n’a pas de psy, c’est une façon de se lâcher», commente mon amie, grand sourire aux lèvres. Certains lui auraient rendu son sourire, mais mes deux ans en Ukraine me font déceler la fatigue au fond de ses pupilles et les tressaillements au coin de sa bouche. Quand je lui demande comment elle va, en ce jour de merde, elle répond: «Quel jour n’est pas pourri depuis trois ans?»
Dans les éclats de rire, Elle et Lui discutent de l’évolution de leur psyché. «De toute façon, rien n’a jamais été positif, et rien n’est allé mieux», dit-Elle. «Ce sont juste des couches qui se succèdent sur nos propres traumatismes, alors on va faire avec et aller de l’avant.» Je me tourne vers Lui, pour savoir comment il se sent. «Déprimé. Je vais recommencer à boire. Beaucoup.» Lui qui était fier d’avoir arrêté l’alcool «à 16 ans»… «Tout ce en quoi je croyais de l’Ouest vient de s’effondrer. C’est un désastre. Donc je vais juste boire.» Il a la bouche rieuse et les yeux humides. Moi aussi. J’en suis assez fier pour m’en vanter: dix ans de vie en zone de conflit à côtoyer l’horreur ne m’ont pas privé de ma sensibilité. Les souffrances absolues, comme les enterrements, me font encore pleurer. Mais là, c’est la détresse étouffée de mes amis et l’absurdité de la situation qui me met la larme.
Mais il y a toujours une ‘Raison d’espérer’ me dit-il: «La bonne nouvelle, c’est que ce soir, je vais me la coller sévère à la vodka avec mon pote». Je lui dis de faire attention, qu’il a l’air fatigué. «Oui, je suis fatigué de cette putain de vie», lance-t-il.
Car, pendant ce temps-là, la vie politique ukrainienne suit son cours, croyant que la diplomatie respire encore, serrant son cadavre les yeux dans le vague. Cette semaine, par exemple, le ministre des affaires étrangères ukrainien s’est réjoui d’un rendez-vous avec son homologue égyptien à Paris pour parler sécurité alimentaire. Le chef de l’armée a lui posté une superbe photo, tout sourire, posant à côté de Pete Hegseth, qui a insulté son pays le jour même en disant ne pas vouloir de l’Ukraine dans l’OTAN.
La diplomatie ukrainienne, tétanisée par Donald Trump, veut croire à des maladresses quand ce dernier appelle Vladimir Poutine au téléphone avant Volodymyr Zelensky. Pourtant, de l’autre côté de la ligne de front, Moscou exulte. Après le rendez-vous de Munich II vendredi, les commentateurs ukrainiens appellent les politiques à ouvrir les yeux, traçant un parallèle direct avec les accords éponymes de 1938, permettant à l’Allemagne nazie d’annexer les territoires germanophones de Tchécoslovaquie, posant les prémices de la Seconde guerre mondiale. Zelensky, pris en sandwich, ne peut rien faire. Les Etats-Unis ont fait chanter l’Ukraine à Munich: si Kyiv veut rencontrer le vice-président américain, ils doivent signer l’accord sur les métaux rares que désire Donald Trump, et dont l’Est ukrainien est gorgé, au même titre que le sang de ses soldats.
«On va passer d’une mauvaise situation à une putain de très mauvaise situation», résume Lui, avec un rire nerveux. «C’est comme si on venait chez toi pour voler ta maison et violer ta femme, et que le flic te disait de faire la paix.» Trump et Poutine veulent le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière ukrainienne, dans un affreux gang bang public que l’Europe sera obligée de filmer, priée de nettoyer la salle en partant. Et quand, épuisées, les deux puissances fumeront leur cigarette au coin du lit, alors l’Histoire soulèvera les draps pour y trouver les mémoires salies de centaines de milliers de morts.
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Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov à Moscou, le 17 février 2025. / Tatyana Makeyeva / Reuters
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La diplomatie russe monte au créneau.
Galvanisé par la rencontre avec les Etats-Unis qui a lieu aujourd’hui, le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a posé hier ses conditions dans un possible accord de paix avec l’Ukraine. Les concessions territoriales sur les cinq régions ukrainiennes occupées par la Russie: c’est «Niet». Le chef de la diplomatie russe a aussi estimé que l’Europe n’avait pas sa place dans des pourparlers de paix, dans un habile basculement de responsabilités. «S’ils veulent proposer des idées astucieuses pour geler le conflit de cette façon, et qu’eux-mêmes ont en tête la poursuite de la guerre, alors pourquoi les inviter?», a-t-il lancé.
Reuters (EN)
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Le goût amer des accords miniers entre Washington et Kyiv.
De longue date, Donald Trump dit vouloir «rembourser» l’aide américaine fournie à l’Ukraine par l’administration Biden, et vise, en ce sens, les minerais stratégiques ukrainiens. Un accord, refusé samedi par le président Zelensky, était censé octroyer 50% des ressources de l’Ukraine aux Etats-Unis. La presse ukrainienne a publié hier le contenu du brouillon proposé. Une des causes du refus: les Américains ont assuré que l’arrivée d’importants investisseurs privés américains en Ukraine était en soi une garantie de sécurité pour Kyiv, car elle incitera Washington à aider cette dernière à se défendre. Une garantie largement insuffisante pour les Ukrainiens.
Euro Integration
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Comment vont se passer les négociations sur l’Ukraine?
Donald Trump a créé une onde de choc le 12 février en convenant de négociations «immédiates» avec son homologue russe, lançant, de facto, les pourparlers de paix sur l’Ukraine. Ce mardi, le président français Emmanuel Macron a insisté sur le fait qu’une paix «durable» devait s’accompagner de «garanties de sécurité fortes et crédibles». Mais, alors que les informations s’enchaînent rapidement, vous pourriez être perdu dans cette soupe diplomatique aux enjeux pourtant primordiaux pour l’avenir du monde. Pas de panique! Le New York Times vous propose de passer en revue chaque acteur de ces tractations qui marqueront un jalon dans l’histoire du 21e siècle. Il explore aussi les différents scénarios possibles. De quoi rattraper l’actualité, si vous aviez décidé de vivre dans une grotte ces trois dernières années… Ce que personne ne vous reprochera!
New York Times (EN)
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La course à la domination énergétique a parfois du bon.
La compagnie Siemens Gamesa, basée au Havre en France, s’apprête à investir 200 millions d’euros pour muscler sa capacité de fabrication d’éoliennes en mer pour produire les pales «les plus longues au monde». Si le but réel est de concurrencer la Chine et ses immenses éoliennes, cette course au gigantisme va faire entrer l’énergie issue du vent dans une nouvelle génération, permettant de doubler la production d’électricité renouvelable des anciennes turbines construites par l’entreprise.
Boursorama (FR)
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Votre correspondant.
Plus ou moins journaliste, plus ou moins photographe, j’aime les pancakes et les bonnes histoires. Historien de formation, aussi organisé que l’armée russe et ponctuel qu’un bus malien, je fuis les lourdeurs de l’administration dans les pays où il n’y en a plus. Après douze palus et trois typhoïdes en Afrique, je regarde le monde se déliter depuis l’Ukraine.
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Avenue du Bouchet 2
1209 Genève
Suisse
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