Bonjour, c’est Dona à Genève, où l’on célèbre, comme partout ce lundi, la journée mondiale de l’océan. Cela a une résonance particulière pour moi: je viens d’être nommée conseillère de la CNUCED pour l’économie bleue.

Ce matin, je vous parle de cette cause à laquelle je me consacre depuis de nombreuses années: protéger l’océan qui recèle le destin de l’humanité, tout en continuant à utiliser ses richesses sur le plan commercial, économique et écologique de façon durable et équitable.

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Dona Bertarelli à Genève
08.06.2020

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Les infos qui comptent pour moi

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Raja Ampat, en Indonésie. Photo: Alexandra Rose on Unsplash.com

Une semaine sur le web de l’océan. J’aurais dû passer toute la semaine dernière à Lisbonne pour la conférence de l’océan 2020 des Nations unies. Elle a été annulée pour cause de Covid-19. Dès lors, le Forum Économique Mondial (WEF) et Friends of Ocean Action ont organisé durant ces cinq jours des Dialogues Virtuels en ligne dans le but de «connecter les communautés en vue d’assurer la résilience, l’innovation et l’action de l’océan». C’était assez extraordinaire car, sans avoir dû voyager, j’ai pu suivre davantage de sessions et couvrir toutes les problématiques, économiques et environnementales. Pas une seule intervention qui n’ait mentionné la durabilité: c’est déjà un énorme progrès! J’ai participé à la session de clôture, introduite par Jacinda Ardern, la première ministre néozélandaise.

World Economic Forum (EN)

SpaceX, une fuite en avant? Je trouve ce projet spatial magnifique, mais je m’étonne qu’on s’attende à trouver des miracles dans l’espace alors que l’on connaît encore très mal l’océan. J’aimerais tellement voir des gens aussi passionnés pour l’exploration de l’océan qu’Elon Musk l’est pour l’espace. De fait, 3 personnes seulement ont été au plus profond de l’océan, la Fosse des Mariannes, à 11’000 mètres, alors que 550 sont déjà allés dans l’espace!

Space.com (EN)

La pauvreté à Genève. Cet article du New York Times sur la pauvreté à Genève m’a fait réagir. Si nous vivons cela en Suisse, imaginez l’ampleur de la crise dans le reste du monde, par exemple les pays insulaires où le secteur du tourisme représente entre 30 et 50 % de leur produit intérieur brut! Il est estimé qu’il faudra 9000 milliards de dollars pour réparer les dégâts économiques de la pandémie.

The New York Times (EN)

Il est temps de raconter le monde

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Dans mon radar

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Une anémone de mer en Mer rouge. AP Photo/Dream Divers/Massimo Bicciato

Prise de conscience. Ce que j’attends, avant tout, c’est une prise de conscience, à tous les niveaux, que le destin de l’humanité est étroitement lié à la santé du monde naturel et en particulier de l’océan, qui couvre deux tiers de notre planète et qui régule notre climat. La pandémie de Covid-19 a des conséquences sans précédent, mais chacun l’a constaté, le ciel était plus bleu, l’eau était plus propre. Cette crise nous a remis en lien avec la nature et cela doit maintenant être acté par les gouvernements, par des lois, pour protéger cet écosystème essentiel pour la vie sur terre. Tout est lié: reprise économique, lutte contre le réchauffement climatique et préservation de l’océan.

Le podcast de l’ONU Genève dans lequel j’interviens (dès 4:47) (FR)

Une reprise bleue. Je travaille pour protéger l’océan depuis plus d’une décennie. A travers mes voyages, j’ai pu personnellement constater comment les communautés côtières, en particulier dans les pays en développement, dépendent de l’océan pour leur alimentation et leurs moyens de subsistance. L’océan contribue pour 1500 milliards de dollars à l’économie mondiale et est un énorme créateur d’emplois. 10% de la population mondiale dépend de la pêche pour sa subsistance, et 60 millions de personnes sont employées dans les industries de la pêche ou de l’aquaculture. 80% des marchandises mondiales sont transportées par voie maritime. Bien que la pandémie ait provoqué des perturbations et réduit la demande et l’offre dans tous les secteurs de l’économie bleue, nous devons profiter de cette situation pour faire d’une reprise durable de l’économie bleue une réalité.

World Economic Forum (EN)

Le prix du vivant. J’observe aussi que les économistes parviennent désormais à déterminer la valeur de cette protection. On connaît le prix d’un poisson mort, on connaît moins sa valeur quand il est vivant. Des études ont été faites sur la baleine: elle vaut 80’000 dollars morte, et 2 millions quand elle vit. En sachant qu’une seule baleine peut capturer en une année autant de CO2 que 30’000 arbres. Ces approches sont nouvelles; elles pourraient renverser nos perceptions et donner une valeur économique à la préservation de la biodiversité.

Finance & Development Magazine (FMI) (EN)

Mettre un terme aux subventions néfastes. Enfin, j’attends avec impatience la signature du traité sur les subventions à la pêche négocié pour l’OMC par l’ambassadeur colombien Santiago Wills. Cela permettra d’interdire 22 milliards de subventions néfastes aux grands industriels de la pêche, qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche.

World economic forum (blog) (EN)
Mes raisons d’espérer

Mon grand espoir, c’est la nouvelle génération. Ils ont accès à l’information bien plus que nous à leur âge. Grâce aux plateformes digitales, ils peuvent prendre la parole et offrir un relais à la science, qui n’a pas toujours été écoutée. Ce que l’on sait aujourd’hui sur le réchauffement climatique et le rôle central de l’océan a été adressé pour la première fois à la COP21 à Paris. Les jeunes qui hériteront de notre planète souhaitent des actes concrets, sans attendre 2050. Ils vont vouloir préparer leur propre futur et celui de leurs enfants.

Mes raisons d’espérer

Les blue bonds. Un autre espoir, ce sont les instruments innovants pour financer la protection des écosytèmes et de la biodiversité. À l’échelle mondiale, la valeur marchande des ressources et des industries marines et côtière, c’est-à-dire l’économie bleue, est estimée à 3000 milliards de dollars par an, soit 5% du PIB mondial. Mais chaque année, la pollution et l’exploitation de l’océan coûte 83 milliards de dollars, selon l’ONU. Alors il faut financer l’Objectif 14 du Développement Durable: réduire l’acidification de l’océan et les pollutions de toutes sortes, restaurer les écosystèmes océaniques, soutenir la pêche durable et mettre fin à la surpêche. Pour cela, les blue bonds, les obligations sociales et durables, sont une très bonne piste. Aux Seychelles, l’ancien président James Alix Michel l’a fait et en parle bien dans son livre: Rethinking The Oceans – Towards the Blue Economy. Il faut multiplier ces initiatives à l’échelle mondiale.

Global Landscape (EN)

Dans mon labo marin

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Une cargaison de thon congelé à bord d’un bateau chinois arrêté en novembre 2012 pour avoir pêché sans autorisation au large des Philippines. EPA/ALEX HOFFORD

Détecter la pêche illégale. Global Fishing Watch, que je soutiens, utilise l’intelligence artificielle pour détecter des activités de pêches illégales. Cette technologie génère également des données sur la rentabilité de la pêche en haute mer et le lien avec le travail forcé à bord des bateaux. Enfin, ces outils permettent d’établir des réserves marines, objectif que je poursuis depuis de nombreuses années. L’évolution de la technologie permettra bientôt d’agréger aux activités de pêche des données liés à la biodiversité, au tourisme, à l’eau et à l’air.

Global Fishing Watch (EN)

S’inspirer du vivant pour progresser. Le biomimétisme consiste à s’inspirer des organismes vivants pour faire évoluer technologies et sociétés humaines vers plus d’efficience, en partant d’un constat simple: le vivant a développé des innovations avec une économie de moyens… depuis 3,85 milliards d’années. Face aux multiples choix éthiques, sociaux et moraux, l’approche biomimétique offre plusieurs principes d’organisation utiles: parcimonie, coopération, optimisation.

The Conversation (France) (FR)

Créer la première génération de réserves de haute mer. Actuellement, moins de 1% des eaux de haute mer sont protégées, mais il faut en protéger au moins 30% pour atteindre les objectifs de santé de l’océan à long terme. Une méthode scientifique met en évidence 10 sites qui permettraient de sauvegarder la biodiversité au-delà des eaux nationales. Ces zones importantes commercialement appartiennent à tout le monde, mais les gouvernements n’ont actuellement aucun mécanisme juridique pour les protéger.

The Pew Charitable Trusts (EN)

Les femmes championnes de l’économie bleue. La World Ocean Initiative a lancé l’automne dernier un concours pour mettre en avant des femmes capables de changer le monde avec des solutions pour la durabilité de l’océan. Dans les pays en développement, l’océan fait vivre des millions de femmes qui pratiquent la pêche artisanale et le commerce du poisson. Cependant, elles sont de plus en plus marginalisées par les flottes de pêche industrielle et l’aquaculture à grande échelle. Si l’économie bleue durable doit apporter une prospérité partagée, les droits et le bien-être de ces femmes doivent être sauvegardés. Les trois lauréates, Olga Caro, de Colombie, Ling Ka Yi de Singapour, et Katie St. John Glew de Southampton (UK), ont présenté de super projets.

The Economist (EN)

Pendant ce temps, sur Heidi.news

Comme George Floyd, j’ai peur tous les jours… en Suisse. Pour notre collaboratrice Jacqueline Chelliah, née à Genève d’une mère africaine et adoptée quelques semaines plus tard par une famille suisse, la solitude face au combat perdu d’avance contre le racisme au quotidien est parfois aussi étouffante que le genou d’un policier de Minneapolis.

Heidi.news (idées) (FR)

Vers une simplification des factures médicales? En proposant un seul prix par intervention, les deux faîtières suisses de l’assurance-maladie estiment pouvoir freiner la hausse des coûts de la santé. Mais le projet présenté ne couvre qu’une minorité des frais ambulatoires.

Heidi.news (Flux Santé) (FR)

La Suisse indulgente face à certains polluants durant la crise liée au coronavirus. Nouvelles exonérations de taxe, changement des échéances… Le Conseil fédéral a adopté vendredi 5 juin une série d’assouplissements temporaires dans le droit de l’environnement. Sont concernés les pollutions de l’air, de l’eau et les perturbateurs endocriniens.

Heidi.news (Flux Sciences) (FR)

«Pas de bénéfice» de l’hydroxychloroquine: les Britanniques arrêtent les frais. Aucun bénéfice sur les 1542 patients traités: les investigateurs principaux de l’essai britannique Recovery ont décidé d’interrompre l’évaluation de l’hydroxychloroquine chez les patients Covid-19 hospitalisés.

Heidi.news (Flux Santé) (FR)

Cela m'a étonnée

Tant de cormorans sur nos lacs suisses. En dix ans, le nombre de ces oiseaux a été multiplié par six en Suisse. De redoutable prédateurs de la truite ou de l’ombre, deux espèces gravement menacées. En Suisse, des tirs sont autorisés pour réguler leur nombre. Comme pour tout problème environnemental, développer une législation adéquate est complexe.

Le Temps (FR)

Pas de recyclage pour les masques? Comme Brune Poirson, la Secrétaire d’État française à la transition écologique que j’ai rencontrée à plusieurs reprises, le dit dans cette vidéo, les solutions pour le recyclage des déchets d’activités de soins à risques infectieux existent. Les parcs sont désormais jonchés de gants, de masques, etc. On a les solutions et les bons gestes, il faut maintenant les déployer à grande échelle.

Ouest France (FR)

La déforestation est un drame, mais c’est l’océan qui nous fait respirer. L’affirmation souvent répétée selon laquelle la forêt amazonienne produit 20% de l’oxygène de notre planète est basée sur un malentendu. Contrairement aux idées reçues, l’essentiel de l’oxygène est produit par l’océan. Ils le font à l’aide du phytoplancton qui libère de l’oxygène suite à la photosynthèse. L’océan absorbe et stocke également un tiers des émissions de CO2 créées par les activités humaines grâce au phytoplancton. Il faut donc protéger les forêts pour leur biodiversité et l’océan, car sans lui, l’atmosphère n’existerait pas!

The Conversation (EN)
Une femme que j'admire
Sylvia Earle!

C’est la commandante Cousteau américaine, une femme extraordinaire. Océanographe de 84 ans, dont 7000 heures passées sous les mers. Toute sa vie, elle a été la voix de l’océan et des espèces qui y vivent. Elle continue de parcourir le monde sans relâche. Elle dit que sa maison est sous l’eau. Elle ne mange pas de poisson, mais peut parler pendant de longues heures de sa rencontre sous l’eau avec un krill, un poulpe ou un homard. Je l’ai invitée à une conférence ici il y a douze ans et depuis, je ne cesse d’apprendre d’elle.

Le Monde (FR)
Une femme que j'admire
Optimisme tenace.

Aux figures que j’admire, j’ajouterais Christiana Figueres, qui a contribué à ouvrir la voie à l’accord historique de la COP21 à Paris en 2015. Elle le répète, nous avons besoin d’un optimisme tenace (stubborn optimism) pour faire les changements nécessaires. Avec Tom Rivett-Carnac, son adjoint à la COP, ils ont fondé Global Optimism, un groupe axé sur le changement social et environnemental. Regardez le Ted Talk de Tom, tourné en pleine forêt!

Ted Talks (EN)

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Dona Bertarelli, bio exprès. Philanthrope, entrepreneure et sportive de haut niveau, consacrée femme la plus rapide autour du monde à la voile lors du Trophée Jules Verne en 2016, Dona Bertarelli a été nommée en juin 2020 conseillère spéciale pour l’économie bleue auprès de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Elle est intimement convaincue que les entreprises ont le pouvoir d’agir pour le bien-être de la société. En qualité de directrice exécutive de Serono, l’entreprise pharmaceutique familiale, elle s’est investie dans le développement de ses programmes philanthropiques et éducatifs.

En 1998, elle co-crée la Fondation Bertarelli et dirige plus spécifiquement, depuis dix ans, les travaux de promotion des politiques en faveur de la préservation marine et de la protection de l’océan, en coopération avec des partenaires philanthropiques, des groupes autochtones, des chefs de communautés locales, des représentants gouvernementaux et des scientifiques. En 2011, Dona Bertarelli et son mari, le navigateur Yann Guichard, fondent l’écurie de voile professionnelle Spindrift racing. Elle est aussi l’une des mécènes fondatrices de Womanity Foundation qui œuvre pour l’autonomisation des femmes et des filles, ainsi que l’égalité entre les sexes.

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