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Bonjour, c’est Serge à Genève, où cette édition du «Point du Jour» est envoyée plus tard que d’habitude, en raison d’un problème technique. Désolé pour cela, mais parlons plutôt du fond.
On vous propose ce matin le travail d’une reporter de guerre.
Vous pensez arpenter Gaza après la mort du leader du Hamas, Yayah Sinouar? Nabatiyé, dans le sud du Liban, après la première frappe israélienne contre des autorités publiques? Koursk, le territoire russe pris par les Ukrainiens, où pourraient arriver bientôt des milliers de soldats nord-coréens volant au secours du Kremlin?
Vous n’y êtes pas.
Il arrive que les reporters de guerre retournent sur leurs pas. Céline Martelet nous raconte Raqqa, en Syrie, où elle n’a cessé de se rendre ces dernières années. Ce fut l’éphémère «capitale» de l’Etat islamique (Daech) de 2014 à 2017. C’est là qu’ont été planifiés les attentats terroristes en Europe, comme celui du Bataclan. Elle y a exploré un sujet peu abordé dans les zones de conflit: l’amour. Voici le 1er épisode de son Exploration. |
L’indomptée: survivre à Daech
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Nour avait 18 ans quand les hommes de Daech sont arrivés à Raqqa, transformant le bastion de la Révolution anti-Assad en capitale de l’Etat islamique. Contrôle de l’espace public, exécutions à ciel ouvert, spoliation des biens, puis bombardements sans fin, rien n’est épargné aux habitants. La jeune femme, qui a connu toutes ces épreuves, pourrait en être brisée. On dirait bien que c’est l’inverse.
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Nour devant les photos de sa chambre, le 18 octobre 2024 à Raqqa. | Hassan Ibrahim, pour Heidi.news
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Nour est arrivée ce jour-là avec une copine qui n’a pas dit un mot.
C’était lors de notre première rencontre dans un café de Raqqa, en Syrie, un soir d’août 2021. Nour, en revanche, a parlé. Beaucoup parlé, même. Avec mon confrère Noé Pignède, nous avions demandé à nos deux anges gardiens dans la ville, de nous aider à rencontrer des jeunes femmes pour parler de tendresse, de drague, de sexe… Poser la question de l’amour dans la guerre permet de plonger dans la sphère la plus intime des gens, trop souvent oubliée des récits journalistiques. L’amour, ce n’est pas un truc de «reporter de guerre». Nous voulions faire exception.
A 29 ans aujourd’hui, Nour transpire la liberté. Elle affiche cette assurance des femmes syriennes plongées dans la violence depuis 2011, année du début de la Révolution. Un soulèvement, au départ pacifiste, devenu un conflit interminable. Plus de 13 ans déjà que le clan Assad massacre son peuple. Plus de 400’000 morts, des centaines de condamnations internationales, sans aucun effet. Aujourd’hui, en 2024, Bachar al-Assad est toujours là, indéboulonnable, et il tend même à redevenir fréquentable aux yeux d’une communauté internationale résignée.
En regardant Nour siroter sa citronnade ce jour-là, je réalise que c’est la première fois que je prends le temps d’échanger avec une Raqqaouie. A chacun de mes reportages dans la ville depuis 2019, ce sont les hommes qui ont occupé le plus de place. Enfin, ce n’est pas tout à fait vrai: j’ai bien raconté la vie des femmes à Raqqa, mais pas celle des Syriennes.
Au fil de mes reportages, j’ai donné la parole à toutes les Françaises, Suissesses, et Belges qui, depuis 2014, avaient décidé de rejoindre l’Etat islamique. Celles qui se sont installées dans les maisons volées par Daech. Celles qui ont eu des esclaves yézidis pour leur préparer à manger. Celles qui appelaient à l’aide pour pouvoir quitter cette organisation terroriste. De très jeunes filles parfois, avec qui j’ai pu échanger des centaines de messages WhatsApp.
Beaucoup m’ont parlé des femmes de Raqqa avec un regard méprisant et raciste. A leurs yeux, les Syriennes ne savaient pas s’habiller, ni se maquiller, ni prendre soin d’elles.
Nour a croisé beaucoup de ces étrangères, de ces épouses de djihadistes, mais il lui faudra beaucoup de temps pour qu’elle accepte de m’en parler. Ce soir d’août 2021, Nour est là pour parler d’amour. Au cours de la conversation, elle pose une question étonnante.
- Vous, vous avez déjà aimé? Je vous pose la question parce que je me demande si cela existe vraiment, l’amour.
Difficile de répondre à ce moment-là, tant le sentiment amoureux est une évidence à mes yeux. Il fait mal, mais on s’y accroche dans les tempêtes.
- Bien sûr que j’ai déjà aimé, plusieurs fois même.
Ma réponse maladroite a ouvert une vanne.
- Je dois vous l’avouer: je ne sais pas ce qu’aimer veut dire, a dit Nour. En 2011, lorsque la révolution a commencé, j’étais dans la rue avec mon père pour manifester. J’étais une adolescente d’à peine 15 ans. L’âge où on apprend ce genre de chose. Moi, personne ne m’a appris à aimer… Daech m’a volé ma jeunesse. Aujourd’hui, il n’y a pas d’université. Raqqa a été débarrassée des djihadistes mais elle n’a pas été reconstruite. J’ai 25 ans et je ne suis toujours pas mariée parce que je veux garder cette liberté dont ils ont essayé de me priver.
En quelques phrases, dans ce café, Nour venait de raconter toutes les blessures de Raqqa. Je suis rentrée en France, elle est restée en Syrie et nous avons continué à échanger. Je suis revenue à Raqqa cette année 2024 et Nour m’a invitée chez elle. Il s’était écoulé trois ans depuis notre première rencontre.
Lire l’article complet (libre accès) sur Heidi.news
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Pendant ce temps sur Heidi.news
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Eythór Jóvinsson dans sa librairie à Flateyri, dans la région des fjords du Nord-Ouest en Islande. | Alizée Gau, pour Heidi.news
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C’est l’histoire d’un libraire de génie au fond d’un fjord gelé.
«Tout pour une bonne histoire.» Eythór Jóvinsson est à la tête de la plus vieille librairie d’Islande, au fond d’un fjord reculé où vit une poignée d’habitants sous la menace des avalanches. Alors pour exister, il raconte des histoires, plus ou moins inventées… Rencontre d’un personnage rocambolesque, qui en dit long sur le rapport des Islandais à la narration. Il y sera question d’une vache qui nage dans les fjords pour échapper à son destin.
«Pêcheurs d’histoires», épisode 1 (accès libre)
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Dessin: Delphine Presles, pour Heidi.news
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La guerre éclate en Crimée et le chanteur se mue en père Noël.
On l’oublie parfois en Europe, la guerre en Ukraine débute vraiment avec l’annexion par Moscou de la Crimée en février-mars 2014. Beaucoup d’Ukrainiens de la diaspora se mobilisent pour aider leur pays pris par surprise. Avec d’autres, Wassyl Slipak crée une puissante organisation civile pour recueillir les dons et envoyer du matériel au pays. La métamorphose du chanteur débute.
«Ténor de guerre», épisode 8
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Pitch Comment, pour Heidi.news
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Les Syriens réfugiés au Liban de retour au pays.
L’offensive israélienne contre le Hezbollah au Liban se poursuit, notamment dans le sud du pays et en banlieue sud de Beyrouth, bastion traditionnel du parti-milice chiite. Le pays du Cèdre estime désormais à 1 million le nombre de déplacés internes, qui ont fui les bombardements et la perspective d’une offensive terrestre pour venir se réfugier plus au nord, déstabilisant un peu plus un Etat où la puissance publique est structurellement défaillante.
Beaucoup se réfugient aussi dans le seul autre pays frontalier accessible: la Syrie. En deux semaines, c’est près de 400’000 personnes qui ont traversé la frontière, dont un nombre élevé de Syriens qui s’étaient réfugiés au Liban dans la décennie écoulée. Il s’agit moins d’un retour au pays, où l’insécurité reste endémique et où la guerre civile s’est muée en statu quo, que d’une mesure de sauvegarde temporaire face à la déstabilisation opérée par Tel-Aviv.
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Il est temps de raconter le monde
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Que va changer la mort de Yahya Sinwar pour la guerre à Gaza? Il était l’homme le plus recherché de toute la Palestine. La mort du chef du bureau politique du Hamas, Yahya Sinwar, tué par l’armée israélienne le 16 octobre à Gaza, laisse entrevoir l’espoir d’un fin à la guerre, du point de vue des chancelleries occidentales. Si seulement les choses étaient aussi simples… Le Grand Continent explique pourquoi c’est peu plausible, et Le Temps aussi.
Le Grand Continent (accès libre)
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Quand Trump danse sur la tombe de la démocratie. Les analystes politiques se perdent en conjectures sur le dernier meeting surréaliste de Trump, lors duquel celui-ci a passé 40 minutes à se dandiner sur de la musique au lieu de haranguer les foules. Pour l’éditorialiste de Slate US, la réponse est simple: l’épisode montre simplement ce qu’on savait déjà, à savoir que les mots de l’ex-président n’ont aucune valeur. Seul compte le spectacle.
Slate (EN)
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La Corée du Nord vient s’éprouver au combat en Europe. La Corée du Sud a annoncé qu’un régiment d’au moins 1500 combattants des troupes d’élite nord-coréenne sont actuellement en Russie, et sur le point de rejoindre le front pour se battre contre les Ukrainiens. Après le soutien militaire de l’Iran et le soutien politique de la Chine, on voit que le conflit continue de se régionaliser, ce qui n’est pas peu inquiétant.
New York Times (accès restreint) (EN)
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Avenue du Bouchet 2
1209 Genève
Suisse
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