Bonjour, c’est Inès à Genève, où je suis heureuse d’avoir retrouvé notre bureau d’architecture. Ce confinement fut pourtant un moment de construction, d’imagination, de projets.

Après coup, cela m’émeut: comme les moines de la Renaissance dans leurs studioli, nous avons imaginé le monde, dessiné des fragments de vie à partir de nos espaces intimes, domestiques, entourés de livres et de musique.

photo journaliste

Inès Lamunière à Genève
06.07.2020

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Ce que je lis

La fraîcheur des étudiants de première année. Je vais souvent sur le site de l’EPFL, où j’ai enseigné. J’adore la galerie Archizoom et les publications des étudiants. Voir quelles pistes ils suivent, surtout en première année, quand ils découvrent les outils, le dessin, les maquettes, les photomontages. Je me suis beaucoup enrichie de mes étudiants. Leur livre à paraître, The real book, est une merveille.

EPFL (the real book) (FR)

Ma lecture préférée, c’est le New Yorker. Pour le rythme de l’écriture, pour ses nouvelles. Après la mort de George Floyd, plusieurs reportages m’ont emmenée dans le sud des Etats-Unis, ce sud que le nord ne veut pas voir, que l’Europe ne veut pas voir. On y découvrait une Amérique plurielle. Certes, le président est dramatique mais les villes, les Etats, ont leur autonomie.

The New Yorker (EN)

La liberté retrouvée. Je lis aussi avec curiosité les interprétations des uns et des autres de la liberté retrouvée après la crise. Cela m’interroge. J’étais le week-end dernier à Turin. Vous devriez voir la rigueur des Italiens, avec leur côté petits soldats… Ici en Suisse, il y a un peu d’innocence. On se croit les meilleurs du monde, on est un peu donneurs de leçons. Alors que c’est mal connaître le monde.

Le Monde (FR)

«Trop aimer m’a déchiré le cœur», dit Murakami. J’aime aussi la littérature narrative, américaine ou japonaise. Murakami, son recueil de nouvelles Des hommes sans femmes. C’est la description d’une fragilité masculine rarement exprimée. Leur côté démuni. Comme femme, j’ai trouvé très bien!

Le Temps (FR)

Frontier, une série qui saigne. Et j’aime les séries. Elles sont un temps différent, pas celui des livres, pas celui des journaux. Frontier, la dernière que j’ai regardée, est très violente. Cela se passe au Canada, fin du 18e, c’est la guerre pour le contrôle de l’économie de la fourrure. Ce n’est pas inoubliable, mais c’est aussi bien de voir comment la ville de Montréal s’invente dans ces contrées impossibles à vivre.

Trailer de «Frontiers» (EN)

Il est temps de raconter le monde

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A la Une

Dans mon radar

Mon radar, c’est toujours le projet suivant, celui qui continuera de modifier notre environnement. J’ai aussi toujours un concours en route, mais je ne peux pas en parler!

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Le nouveau campus Pictet. Ce sera un îlot dont émergera une tour de 90 mètres pour une communauté de 2500 postes de travail et 100 logements. Une petite ville qui sera à la fois une institution bancaire et un lieu ouvert, avec son jardin public, son auditoire. Un bâtiment qui doit rayonner de beauté et parler à tous de la ville de demain. Maintenant que nous avons remporté ce concours, nous préparons les plans pour la mise à l’enquête.

DesignLab Architecture (FR)

La gare souterraine. Un autre appel d’offre remporté, mais une commande si différente! Après la lumière du campus Pictet, voilà le monde souterrain qui est aussi un lieu de notre vie d’aujourd’hui. C’est passionnant de rendre accueillant ce monde dur de l’ingénierie, du ferroviaire, des voyages. Là aussi nous préparons pour la rentrée les documents de mise à l’enquête.

DesignLab Architecture (FR)
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Le centre œcuménique des églises. Voilà un bâtiment très intéressant des années 60, avec une chapelle magnifique de l’architecte danois Erik Møller, qui a des qualités d’œcuménisme total! Nous allons rénover ce petit monde, le permis de construire sera déposé dans quelques jours. C’est important, le patrimonial. L’histoire de l’architecture est un fonds dans lequel on peut puiser tant d’expériences spatiales. On ne parle pas assez des espaces! Aux jeunes architectes, je conseille de se promener dans les espaces, d’apprendre les espaces, de tendre les bras, d’essayer de mesurer les espaces… Ce n’est pas facile, l’architecture, même si tout le monde croit tout en connaître!

Tribune de Genève (FR)
Ma raison d’espérer

Le féminisme d’aujourd’hui. Je suis totalement émue de voir les jeunes femmes manifester. Je n’ai pas toujours eu ce courage même si on a fait des choses, comme la fondation Women in sciences and humanities à l’EPFL, qui reste un univers trop masculin. Et enfin, dans ce féminisme humaniste, on pose la question du plaisir féminin. Ce mystère, qui fait peur aux hommes. C’est le cœur du problème, nom d’un chien!

T’as joui? Dora Moutot présente son compte Instagram (FR)

Dans mon lab

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Un des projets de Ronald Rael et Virginia San Fratello: des balançoires au travers du mur de Trump entre USA et Mexique. Ces deux architectes font aussi un usage massif des imprimantes 3D.

Construire en 3D! Nous avons une imprimante 3D, Lola, qui travaille toute la nuit pour faire des maquettes. La production 3D m’intéresse: en quoi cela va-t-il changer notre rapport aux objets? Pour le moment, c’est toujours une pensée statique. On dépose de la matière, cela fait une belle forme, comme dans cette exposition incroyable du Moma où l’on pouvait dessiner une chaise dans l’espace. Mais je rêve de grande échelle, d’un bâtiment qui sortirait directement de mon ordinateur, avec des structures, des matériaux différents! Et pour moi, le rêve absolu, ce serait l’absence de gravité. Des dalles flottantes qui flottent vraiment, sans avoir besoin de toujours tout empiler.

MoMA Magazine (EN)

Changer d’échelle. C’est le cas du campus Pictet dans un quartier très hétérogène: des anciens marais devenus zone ferroviaire, puis industrielle, des stations d’essence, des bureaux. La ville n’est jamais terminée, chacune de ses pièces doit être respectueuse de l’environnement dans lequel elle naît, et de celui à venir. C’est facile à dire, pas à faire!

Tribune de Genève (FR)

Permettre à un couple de faire l’amour avec la fenêtre ouverte… La densification? Oui, j’y crois toujours. Je ne suis pas quelqu’un de la villa, parce que les villas n’ont pas de paysage, juste leur haie. J’aime être dans une certaine densité urbaine, qualitative. Plutôt intensité que densité, d’ailleurs. Chercher la proximité, le vis-à-vis, en gardant une intimité au milieu de lieux publics. Se réveiller au 18e étage. Permettre à un couple de faire l’amour dans sa chambre avec la fenêtre ouverte sur la rue.

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Et la beauté? C’est tendance aujourd’hui de dire que l’esthétique n’est pas importante, de ne plus assumer l’enseignement esthétique. On est dans une architecture du crépi et du béton préfabriqué. Je suis pour une ville plus colorée, plus transparente, qui dégage une atmosphère plus joyeuse. Nous avons fait une école à Cressy en couleur, qui s’illumine la nuit, qui pète de joie!

DesignLab Architecture (FR)
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Hommage au Louvre Abu Dhabi. La beauté, je la trouve dans l’architecture espagnole et portugaise, tellement élégante. Ils savent placer une fenêtre dans un mur! Je la trouve aussi au Japon (on a beaucoup de chance d’avoir le Rolex Learning Center à Lausanne, une vraie invention spatiale) ou avec le Corbusier: j’ai visité récemment son appartement-atelier à Boulogne-Billancourt – époustouflant! Et enfin je l’ai trouvée au Louvre d’Abu Dhabi. C’est un musée vraiment universel, avec cette nouvelle centralité entre Inde et Europe, entre Afrique et Russie. On peut dire que tout est art, mais ce n’est pas vrai. Jean Nouvel prouve que la question de la beauté dans l’art est essentielle!

Louvre Abu Dhabi (FR)

Pendant ce temps, sur Geneva Solutions

Heidi.news va ouvrir le 24 août Geneva Solutions, une nouvelle plateforme dédiée à la Genève internationale. Des premiers contenus sont déjà proposés, en anglais. Pour nous écrire, c’est ici.

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Conquering deforestation with a pocket knife. “When I moved to Niger in the 1980s, we were confronted with a landscape at the point of ecological collapse, barely able to support life,” said Tony Rinaudo, World Vision Australia’s climate action advisor, more commonly known as “the forest-maker”. He was telling his four-decade long fighting against extreme deforestation in Africa’s Sahel region, at the opening session of this year’s annual Caux Forum.

Geneva Solutions (EN)

Green Summer: things to do in the city The Geneva Environment Network, a cooperative partnership of over 100 environmental and sustainable development organizations, has compiled an impressive list of nature-themed activities to rediscover the green outdoors of the region. After months of being on lockdown, these activities can be seen as a way to revitalize tourism efforts within Geneva.

Geneva Solutions. (EN)

Can smarter subsidies curb an unhealthy appetite for fishing? Today, only 66% of global stocks are fished within sustainable levels, in comparison to 90% in the 1970s. “There is no healthy planet without a healthy ocean, and the healthy ocean is currently in decline», said Peter Thomson at a conference on overfishing co-hosted by Geneva Environment Dialogues and the World Economic Forum. “There are too many boats chasing too few fish”, he added.

Geneva Solutions (EN)

Cela m'étonne

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Lili Gruber sur La7

Je m’étonne souvent des gens, d’un détail de leurs tenues. Je m’amuse de voir qu’Alain Berset a pris du ventre, je ris quand un homme perd son chapeau sur le Pont du Mont-Blanc. Je m’étonne aussi de la beauté de Lili Gruber sur la chaîne italienne la7, j’adore la finesse de ses questions, la hauteur de ses talons.

Speciale Otto e Mezzo - Virus la cura delle donne (IT)

Inès Lamunière, bio exprès. Inès Lamunière pratique l’architecture et l’a enseigné à Harvard et à l’EPFL. En 1984, elle crée et dirige Devanthéry & Lamunière - architecture, restauration du patrimoine et urbanisme. En 2014, elle prend la direction de dl-a, designlab-architecture, puis s’entoure de deux associés: Vincent Mas Durbec en 2015, puis Afonso Ponces de Serpa en 2018. Pour une biographie moins officielle, lisez comment elle se raconte elle-même, dans une des premières éditions du journal Le Temps, en avril 1998.

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Suisse