Bonjour, c’est Sami au Caire, où tout le monde – y compris moi – se précipite dans le nouveau Grand Egyptian Museum, inauguré en grande pompe il y a dix jours et ouvert au public depuis une semaine. Résultat: les guichets ont carrément dû fermer vendredi.

Ce matin, je vous parle de la fin du (shutdown) aux Etats-Unis, de Sarkozy remis en liberté, de la Syrie qui renforce sa lutte contre Daesh en échange de l’adoubement d’Al-Charaa par Trump, et de l’Algérie où renaît de ses cendres une presse féministe.

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Sami Zaïbi à Le Caire
11.11.2025

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Les infos que j'ai retenues pour vous

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Capture d’écran du vote au Sénat.

La fin du shutdown aux Etats-Unis. Le Sénat a voté hier tard dans la nuit la fin du plus long gel de l’administration fédérale de l’histoire du pays. La majorité républicaine a obtenu les 60 voix nécessaires grâce à un groupe de huit démocrates, qui se sont attiré l’ire de leurs collègues de parti. Ces derniers n’auront pas obtenu les concessions demandées dans le domaine des subventions à l’assurance santé. Le paquet de dépenses doit encore être approuvé par la Chambre des représentants, mercredi au plus tôt, et devrait être signé par Donald Trump dans la foulée. Le shutdown a fortement perturbé les services assurés par le gouvernement fédéral.

Associated Press (EN)

Sarkozy remis en liberté. L’ancien président français, placé en détention provisoire il y trois semaines suite à sa condamnation à cinq and de réclusion pour «association de malfaiteurs» dans l’affaire du financement libyen, a pu sortir hier après-midi de la prison de la Santé, à Paris et rejoindre son domicile. Il sera sous contrôle judiciaire d’ici son procès en appel. Il devra rester en France et n’a pas le droit de contacter le ministre de la Justice Gérald Darmanin, qui lui avait rendu visite en prison. La Cour d’appel de Paris a estimé que Sarkozy ne présente pas de risque de fuite ou de dissimulation de preuves.

France Info (FR)

La Suisse pourrait se rapprocher d’un accord douanier avec Trump. Suite à la rencontre du président américain avec plusieurs capitaines d’industrie – et milliardaires – suisses à Washington, la Suisse serait proche d’un deal pour baisser à 15% la taxation de ses exportations vers les Etats-Unis, selon le média américain Bloomberg. C’est un chiffre similaire à celui imposé à l’UE, loin des 39% infligés à Berne par le locataire de la Maison-Blanche il y a trois mois. En échange de cette réduction, la délégation suisse aurait proposé des investissements aux Etats-Unis de la part des pharmas et le déplacement outre-Atlantique de fonderies d’or.

RTS Info (FR)

Jared Kushner en Israël pour discuter de la deuxième étape de la trêve. Le conseiller et gendre du président américain a rencontré hier le Premier ministre Benyamin Nétanyahou à Tel-Aviv. Les deux hommes ont abordé l’avenir de Gaza, notamment le désarmement du Hamas, la démilitarisation de la bande de terre et la future gouvernance débarrassée de la mouvance islamiste. Ils ont aussi parlé des 100 à 200 combattants du Hamas qui seraient actuellement coincés dans des tunnels sous Rafah. Washington fait pression sur Tel-Aviv pour garantir leur libre passage en échange de la reddition de leurs armes, une opération qu’il voit comme un essai pilote dans l’optique du désarmement de la mouvance.

Times of Israel (EN)

Dans mon radar aujourd'hui

Elections législatives en Irak. Le scrutin, qui a lieu aujourd’hui, est un crash-test pour la fragile coalition au pouvoir du Premier ministre Mohammed Shia Al-Sudani. Selon les observateurs, celui-ci est favori pour l’emporter, mais pourrait perdre son poste si certains de ses alliés chiites se retournent contre lui après le vote. Les critiques viennent principalement des régions périphériques, qui reprochent à Sudani d’avoir concentré les moyens de l’Etat pour développer les services et infrastructures de la capitale Baghdad. Selon le système de la Muhasasa mis en place en 2006, les chiites nomment un Premier ministre, les Kurdes le président (dont les pouvoirs sont surtout symboliques) et les sunnites le président du parlement.

Al Jazeera (EN)
Ça m'est arrivé cette semaine.

L’héritage contrasté de Nasser. Je ne sais pas quelle image vous avez de Gamal Abdel Nasser, mais la mienne, avant de venir en Egypte, était pour le moins radieuse. Père de l’indépendance, modernisateur du pays, défenseur de la laïcité… Bref, le leader du monde arabe qui a nationalisé le canal de Suez dans un grand éclat de rire. C’est, il me semble, l’image générale que l’on se fait de lui en Europe.

C’est aussi, dans les grandes lignes, le portrait qu’en dresse Eric Rouleau, de son vrai nom Elie Raouf, cet ancien journaliste star du Monde dont je lis ces jours les Mémoires publiés en 2012 (il est décédé en 2015). On ne peut pourtant pas l’accuser de connivence: juif égyptien né au Caire, il dû quitter son pays pour la France en 1952, dans la foulée de l’indépendance, précisément en raison du climat anti-hébraïque qui régnait en Egypte à ce moment-là. Dans un retournement du destin, c’est Nasser lui-même qui l’invite en 1963 dans la capitale égyptienne (où il ne pouvait sinon pas mettre les pieds) pour une grande interview carte blanche, lançant ainsi sa carrière, qui l’amènera à couvrir le Moyen-Orient pendant 40 ans. A l’instar d’une opinion qui me semble répandue en Europe, Rouleau vante l’avant-gardisme de Nasser, son courage, son éloquence, mais sans oublier de souligner les aspects moins reluisants de son règne: censure implacable, répression des opposants politiques, départ forcé des étrangers.

J’ai été pour le moins surpris, en arrivant en Egypte il y a deux ans, de voir à quel point les Egyptiens ont une autre image de lui. Quand j’aborde le sujet, que ce soit avec des chauffeurs de taxi ou avec des enfants de la bourgeoise cairote, personne ne semble le regretter. Les travailleurs précaires font peu de cas de son socialisme redistributif qui a sorti de la pauvreté des millions d’Egyptiens, et ceux des élites progressistes balaient son combat pour la laïcité et la condition des femmes. Tous – du moins ceux avec qui j’ai discuté – le vouent aux gémonies et disent lui préférer Anouar Sadat, son successeur qui a ouvert le pays à la fois au capitalisme et au wahhabisme importé d’Arabie saoudite.

Pourquoi? La première raison est la guerre contre Israël, perdue par Nasser en 1967, «gagnée» par Sadat en 1973. La première, appelée Naksa (le revers en arabe), est un jour noir, la seconde, baptisée guerre d’octobre, est le jour de la fête nationale, elle a donné son nom à un quartier, une autoroute et mille autres choses, quand bien même l’armée israélienne avait en réalité repris le dessus sur les troupes égyptiennes après leur attaque-surprise le jour du Kippour, et que, sans une intervention américaine, Tsahal aurait marché sur Le Caire.

Mais ce n’est pas tout. J’en parlais hier matin avec mon professeur d’arabe, lui aussi profondément anti-nassérien et pro-Sadate, malgré son homosexualité affichée et sa vision laïque de la société. Deux traits dont j’aurais pensé qu’ils le dirigeraient davantage vers le premier, résolument progressiste, que le second, conservateur qui a auguré la réislamisation de la société égyptienne.

Voici sa diatribe, qui venait des tripes: «Je le déteste. A cause de lui, énormément de terres arables ont été expropriées et redistribuées – ce qui n’est pas un problème en soit. Mais ensuite, les nouveaux petits propriétaires ont utilisé ces terres pour construire des maisons et des immeubles. Résultat, l’Egypte n’a plus assez de terres cultivables et on doit importer la moitié de sa nourriture. Ensuite, tout le monde était mort de trouille, les opposants disparaissaient du jour au lendemain sans qu’on retrouve leur trace, personne n’osait parler. Enfin, alors que l’Egypte était en grande difficulté économique, il a gaspillé de l’argent et des vies dans des combats exogènes comme la guerre au Yémen (20’000 soldats égyptiens morts) ou le projet de fusion avec la Syrie. Il aurait dû s’occuper de son propre pays avant tout. Résultat, il a surtout réussi à laver le cerveau de tout le monde avec son bagout».

Mon labo arabe.

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Des enfants soudanais réfugiés à Tawila après avoir fui les combats à Al-Fasher. Crédits: Keystone / AP / The Norwegian Refugee Council

Au Soudan, la ville d’Al-Obeid craint de subir le même sort qu’Al-Fasher. Deux semaines après la prise d’Al-Fasher par les rebelles des FSR, les témoignages d’horreur commencent à affluer pour décrire les massacres en cours dans la ville coupée des télécommunications. Impossible pour le moment de connaître le nombre de morts, qui se comptent au moins en milliers, tandis que selon des analyses satellites les FSR s’activent pour effacer leurs traces. Pendant ce temps, la ville stratégique d’Al-Obeid, capitale du Nord-Kordofan située au centre du pays entre le Darfour et Khartoum, est à son tour encerclée par les rebelles et craint de subir le même sort qu’Al-Fasher.

Le Monde (accès libre) (FR)

A Gaza, «la guerre ne s’est arrêtée que dans les médias». Trois semaines après l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, les morts continuent de s’empiler dans la bande . Au moins 242 Palestiniens ont été tués par Tsahal, qui poursuit ses opérations terrestres et aériennes au nord comme au sud de Gaza. Seuls 150 camions d’aide humanitaires entrent chaque jour, loin des 600 convenus dans l’accord de trêve. Pendant ce temps, l’échange de dépouilles continue, portant à 315 le nombre de corps palestiniens rendus par Israël, et à 23 le nombre de corps israéliens rendus par le Hamas. Il reste encore 5 dépouilles israéliennes à Gaza.

Middle East Eye (EN)

Vaste opération anti-Daesh en Syrie, alors que Al-Charaa rencontre Trump à Washington. Jeudi, le conseil de sécurité de l’ONU a décidé d’ôter Ahmed Al-Charaa de sa liste antiterroriste. Un geste très attendu par le président (et ancien jihadiste) syrien, convenu en échange d’une intensification de la lutte contre l’Etat islamique. Trois jours plus tard, Damas annonçait une opération à large échelle contre Daesh, impliquant 61 raids et 71 arrestations. Puis, cette nuit, Al-Charaa a rencontré Donald Trump dans le bureau ovale, à Washington, officialisant les bonnes relations entre les deux hommes, quelques mois après que le président américain avait complimenté son homologue syrien, le décrivant comme «gars dur» au «passé solide».

The Guardian (EN)

Une raison d'espérer

La (re)naissance de la presse féministe en Algérie. «C’est bien d’avoir un job, mais c’est encore mieux d’avoir un engagement». Voici comment se décrit Madjeda Zouine, journaliste algérienne de 37 ans, qui a lancé il y a trois ans le podcast Laha («pour elle» en arabe), dans lequel elle et ses collègues de la plateforme «Voix des femmes» dénoncent les violences faites aux femmes et l’impunité de leurs auteurs. Quant au magazine féministe bilingue français-arabe La Place / لبلاصة, il est produit par une équipe exclusivement féminine depuis 2020. Ces initiatives revendiquent l’héritage de magazines algériens éteints, autrefois appelés «féminins», mais dont les contenus étaient résolument féministes: «El Djazairia», «L’Action» ou encore «Nyssa».

Middle East Eye (EN)
En direct de la Trumposphère
«Aucun MAGA laissé derrière».

C’est avec cette légende pour le moins partisane qu’Ed Martin, responsable des pardons de Donald Trump et accessoirement ancien avocat des assaillants du capitole, a annoncé la grâce présidentielle accordée aux dizaines d’alliés du président américain accusés d’avoir fomenté un coup d’Etat le 6 janvier 2021.

Cette décision est toutefois symbolique et sa portée est limitée. En effet, elle ne s’applique qu’aux crimes fédéraux, alors que toutes les accusations ciblant les assaillants relèvent de la juridiction des Etats – des procédures qui, d’ailleurs, n’en sont pas moins enlisées.

AP (EN)

Votre correspondant. Lausannois aimant à me définir comme un «arabe raté», je me suis installé en Egypte il y a deux ans pour enfin apprendre cette langue que feu mon père tunisien ne m’a jamais transmise. Au Caire, je suis correspondant pour Le Temps et Libération.

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