Je partage | Je m'inscris

Bonjour, c’est Serge à Genève, cité glorieuse qui a donné son nom à une spécialité locale, les «genferei» (genevoiseries).

Ce matin, je vous raconte la dernière en date. Elle est savoureuse, parce qu’elle mêle l’éloquence d’un célèbre avocat de la place (autre spécialité locale), Charles Poncet, face aux responsables de son parti, l’UDC, dont l’un manie davantage la fourche que la plume.

Une affaire qui en dit long sur les divisions au sein d’un parti qui a pourtant eu, l’an dernier, la faveur des électeurs.

photo journaliste

Serge Michel à Berne
24.08.2024

«Idiot utile», «menteur» et autres règlements de comptes à l’UDC Genève

Photo article

L’UDC Lionel Dugerdil lors du débat organisé par Léman Bleu et Le Temps en mars 2023 pour les élections genevoises. (KEYSTONE/Martial Trezzini)


Il n’est pas sans risque
d’envoyer un courrier menaçant à Charles Poncet, avocat, politicien, élu au Grand Conseil genevois en avril 2023. Car ensuite vient la réponse, rarement indolore. Heidi.news a pu consulter les lettres que se sont échangées en ce mois d’août 2024 la présidence de l’UDC et son «trublion». Elles sont révélatrices de l’ambiance dans ce parti qui a pourtant le vent en poupe: il dispose de treize sièges au Parlement genevois, cinq de plus que lors de la précédente législature.

Entre Charles Poncet et les responsables du parti, le torchon brûle depuis plusieurs mois. Le 6 juin, l’avocat, élu au Grand conseil un an plus tôt sous les couleurs de l’UDC et qui s’est notamment illustré en traitant le Département de l’instruction publique de «fabrique de crétins», annonce sur le plateau de Léman Bleu qu’il va quitter son groupe au Grand Conseil. Il évoque des divergences avec son chef de groupe, Yves Nidegger, et affirme qu’il siégera en indépendant pour le reste de la législature.

«Moine masochiste»

«Je suis confronté à un chef de groupe qui est complètement réactionnaire, mais qui veut exercer un pouvoir dictatorial et dérisoire. Ça prend des proportions absolument grotesques. On me censure mes projets de loi, l’accès à certains documents m’a été interdit», a alors déclaré Charles Poncet.

Le lendemain, il enfonce le clou dans Blick:

«Yves Nidegger (…) me fait penser à ces moines dominicains qui éprouvaient une satisfaction masochiste à s’imposer le cilice, non sans envoyer les hérétiques au bûcher, ad majorem Dei gloriam – «pour la plus grande gloire de Dieu». Il préfère perdre en se pensant idéologiquement pur et se dire qu’il est le seul à détenir la vérité, plutôt que de faire passer un projet.»

Deux semaines plus tard, le 20 juin, à l’orée d’une session du Grand Conseil, il demande à ce que «l’effet de [sa] sortie du groupe soit différé». La procédure d’exclusion a pourtant été enclenchée, le 18 juin. De fait, le 9 août, le président de l’UDC Genève Lionel Dugerdil et le vice-président Alexandre Chevalier envoient à Me Poncet un courrier qui lui reproche:

- d’avoir trahi le parti et la confiance de ses électeurs en quittant le groupe parlementaire,
- d’avoir nui à l’image du parti cantonal et à celle de ses élus en se répandant à plusieurs reprises dans la presse en invectives personnelles.

Les deux signataires donnent dix jours à l’avocat pour leur faire parvenir ses observations, «après quoi le Comité directeur prendra sa décision» sur son exclusion.

«Illettré, bourrin, idiot utile»

La réponse, sur 7 pages, est datée du 19 août. Charles Poncet commence par s’étonner qu’Alexandre Chevalier se joigne à la démarche de Lionel Dugerdil, affirmant être en possession de «plusieurs messages» d’Alexandre Chevalier qualifiant Lionel Dugerdil «d’illettré, de bourrin, d’idiot utile, etc.». L’avocat s’abstient de lier cette élasticité de la position d’Alexandre Chevalier à son nomadisme politique: avant l’UDC, ce dernier a successivement été libéral, vert’libéral, PBD, PDC et membre des LR français en Suisse.

L’essentiel des attaques de Me Poncet concernent cependant l’autre signataire du courrier qu’il a reçu, Lionel Dugerdil, député au Grand Conseil et président de la section genevoise de l’UDC depuis décembre 2023. Il le qualifie de «condamné de droit commun» et rappelle trois condamnations, aujourd’hui radiées: en 2013 pour «dommage à la propriété et appropriation illicite», en 2020 par le Tribunal militaire pour «insoumission ou absence injustifiée à réitérées reprises» et en 2021 pour «lésions corporelles simples et menaces».

Le coup de fourche

Le 20 mai 2020, cinq jours après avoir cogné un cambrioleur que lui amenait la police, Lionel Dugerdil a en effet frappé un de ses voisins jusqu’au sang avec une fourche, une affaire révélée par Blick en janvier 2024. Cet épisode semble être à l’origine de la brouille entre le président du parti et l’avocat. Car le 1er février 2024, Blick, sous la plume de Daniella Gorbunova, que Charles Poncet surnomme «Gorbumachin», publie un article intitulé «Accusé d’avoir «menti», le président de l’UDC Genève est sur la sellette». Dans la foulée, l’avocat écrit alors un message dans le canal WhatsApp du parti, qu’il reproduit dans sa lettre de lundi:

«Mon cher Lionel (…) je t’ai soutenu avec force dans les attaques dont tu as fait l’objet, mais là tu me vois atterré. (…) Est-ce que tu as vraiment caché cette nouvelle condamnation en présentant à qui de droit un extrait de casier judiciaire dépassé et ne mentionnant pas la nouvelle inscription à ton casier pour le «coup de fourche» alors que tu étais candidat au Conseil d’Etat? Est-ce que tu te rends compte du scandale que cela aurait provoqué pour l’UDC si tu avais été élu et qu’on s’aperçoive aujourd’hui de ce qu’il en était en réalité? (…) Si Gorbumachin dit la vérité, j’en serais profondément déçu et affecté, au point de remettre en question ma participation à ce groupe (…)».

Charles Poncet affirme qu’en réaction à ce message, Lionel Dugerdil s’est mis à l’accabler de «fautes imaginaires» dans le but de se débarrasser de lui. Il prie donc la présidence de l’UDC de prendre note de sa démission et de faire suivre sa lettre du 19 août à tous les membres genevois du parti – faute de quoi il le fera lui-même.

Accédez à tous les articles en illimité. Abonnez-vous!

Pendant ce temps, sur Heidi.news

Photo article

Série “Twice into the stream” de Meltem Işık (2011).

Comment l’obésité est devenue une maladie qu’on peut soigner A la fin des années 1990, le potentiel de GLP-1 pour contrôler la perte de poids commence à émerger. Quelques groupes pharma s’y intéressent vaguement mais leur priorité reste le diabète, d’autant que les coupe-faims ont la réputation d’être un nid à problèmes. Tout va changer quand l’obésité en vient à être considérée comme une vraie maladie.

«Minceur sur ordonnance», épisode 8
Photo article

Viktoria autrice et membre du «book club» (à g.) et Oksana, animatrice du club (à dr.) | Comptes Instagram des concernées.

En Ukraine, le cercle des jeunes poètes du lundi soir. Rien de tel que la bureaucratie pour dilater le temps. En luttant pour sauver mon appartement de Mykolaïv de son purgatoire administratif, je tombe sur un cercle de jeunes poètes ukrainiens du lundi soir, qui déclament des vers comme si leur vie en dépendait. Et peut-être, après tout, que c’est bien le cas.

«Mon deux pièces-cuisine en Ukraine», épisode 4
Photo article

mage tirée du film Violeta se fue a los cielos (2011) de Andrés Wood, sur la vie de Violeta Parra, avec l’actrice Francisca Gavilán dans le rôle de la musicienne. | @ Wood Producciones / Alamy

Un amour explosif: «Quand il ratait un accord, elle lui balançait sa chaussure». Le couple que forment Violeta Parra et Gilbert Favre dans les années 1960 est explosif. Entre Paris et Genève, les deux artistes écument les bars et tirent le diable par la queue. Première sud-américaine exposée au Louvre, la Chilienne en profite pour vendre une toile à la baronne de Rothschild. Les voici assez fortunés pour retourner à Santiago du Chili, où leur amour pourra voler en éclats…

«Le Gringo de Genève et la Passionaria», épisode 2

Le dessin de la semaine

Photo article

Pitch Comment, pour Heidi.news

Pour Albert Rösti, la diversité se porte bien en Suisse Le 22 septembre prochain, le peuple suisse sera appelé à voter sur l’initiative biodiversité, «Pour l’avenir de notre nature et de notre paysage». Alors que la Confédération investit chaque année 600 millions de francs pour freiner la perte de la biodiversité dans le pays, les initiants réclament davantage de moyens et veulent étendre la part des surfaces consacrées à la nature. Ils veulent également inscrire le renforcement de la biodiversité dans la Constitution, afin d’obliger la Confédération et les Cantons à faire davantage en la matière.

Le Parlement et Conseil fédéral se sont prononcés contre cette initiative, et c’est naturellement Albert Rösti qui se charge du service après-vente. «On fait déjà beaucoup pour la nature, pour la biodiversité», a estimé le chef du DETEC le 19 août dernier à la Matinale de la RTS. «Le Conseil fédéral veut toujours faire une pesée d’intérêt entre, d’une part, l’utilisation du paysage pour les infrastructures — qui est aussi dans mon département — et d’autre part, pour la protection de l’environnement.» L’exécutif estime à 400 millions supplémentaires par an le coût de mise en œuvre de cette initiative, si elle venait à passer la sanction des urnes.

Contenu partenaire

Photo article

📚 Retrouvez-nous au Livre sur les quais! Du 30 août au 1er septembre se tiendra Le livre sur les quais, à Morges. Tout le programme est à découvrir ici.. Cette année encore, Heidi.news est partenaire de l’événement.

N’hésitez pas à venir nous voir sur notre stand!

Félicitations aux 3 gagnants de notre concours: Claude J. L., Françoise L-G et Aude F.

Des bonnes lectures pour le week-end

Une collection de blés centenaire peut-elle sauver l’agriculture? Il y a un siècle, un scientifique anglais a réuni un millier de variétés locales de blé des quatre coins du monde. Une «mine d’or» que des chercheurs viennent d’analyser sur le plan génétique, y décelant des pistes prometteuses pour cultiver un blé plus résistant et plus durable. Le sujet des graines est passionnant: Heidi.news y reviendra bientôt avec une grande enquête.

Usbek & Rica (FR)

Pourquoi Ozempic guérit-il toutes les maladies? Vous doutez de la pertinence pour Heidi.news de consacrer une longue série à la molécule GLP-1 et aux médicaments qui l’utilisent, comme l’Ozempic? Alors lisez (en plus de nos articles!) ce post du médecin de San Francisco Scott Alexander. Pour lui, Ozempic semble efficace contre un nombre étonnant de maladies: accidents vasculaires cérébraux, maladies cardiaques, maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, alcoolisme, toxicomanie et même des addictions comportementales comme le shopping. Les médicaments GLP-1 comme Ozempic s’attaquent à l’obésité en réduisant l’envie de nourriture, un effet qui pourrait également traiter la dépendance. En outre, ils semblent avoir des propriétés anti-inflammatoires qui peuvent arrêter la démence.

Astral Codex Ten (EN)

Le bouddhisme n’est pas toujours pacifique. Alors que Tenzin Gyatso, le 14e Dalaï-Lama, prix Nobel de la Paix 1989, est attendu en Suisse ce week-end, cet article de l’historien et politologue américain Michael Parenti est instructif. De nombreux bouddhistes affirment qu’avant la répression chinoise de 1959, le vieux Tibet était un «Shangri-La» de paix. L’histoire suggère le contraire. Les sectes bouddhistes de l’ancien Tibet s’affrontaient violemment; cinq dalaï-lamas ont été assassinés par leurs grands prêtres. Les enfants des paysans étaient enrôlés dans une servitude à vie et les abus sexuels étaient monnaie courante. «Les adeptes actuels du bouddhisme tibétain en Occident ne se sont pas encore penchés sur cette sombre histoire», estime l’auteur.

RedSails (EN)

Tim Walz permettra-t-il à Kamala Harris d’attirer l’électorat rural? Le choix du gouverneur du Minnesota a suscité une vague de commentaires suggérant que le simple fait d’élever un ancien entraîneur de football d’une petite ville au rang de candidat à la vice-présidence permettrait aux Démocrates de s’assurer l’allégeance des électeurs ruraux de tout le pays. De fait, les défenseurs de la ruralité se sentent mieux représentés. Mais un examen plus approfondi révèle que ces attentes peuvent être trop simplistes et optimistes.

The Conversation (France) (FR)

Vous avez aimé? Partagez:

Facebook Twitter Linkedin Instagram
b696e884-f624-429e-91a6-1af20f5cf9e3.png

Avenue du Bouchet 2
1209 Genève
Suisse