Bonjour, c’est Gabriela à Wiesbaden, où je joue ce soir avec Igor Levit et la Deutsche Kammerphilharmonie le concerto pour piano no. 10 de Mozart. Je jouais la semaine dernière au festival Menuhin de Gstaad et avant encore au Carnegie Hall à New York.

Je reviens à Genève, au Victoria Hall, le 21 septembre. Les billets sont en vente ici. Ce jour-là, les Membres fondatrices et fondateurs de Heidi.news sont invités à une marche au Salève avant le concert et à partager, après, un verre avec mon Ensemble et moi. Inscrivez-vous, c’est gratuit!

photo journaliste

Gabriela Montero à Gstaad
14.08.2019

Les infos qui comptent

De nouvelles sanctions ont récemment été imposées au Venezuela par l’administration américaine. Certains disent qu’elles visent juste, d’autres qu’elles font souffrir la population. Je n’ai pas d’éléments pour trancher, mais j’aimerais vous expliquer comment je suis devenue une opposante. Au début des années 2000, je vivais à Caracas tout en voyageant pour des concerts dans le monde entier. Je voyais la situation se dégrader de jour en jour. La pauvreté se développait, la criminalité aussi. En 2004, le gouvernement m’a proposé un concert très prestigieux à sa gloire, et une grosse somme d’argent. C’était peu après les grèves nationales et le licenciement de 20’000 ingénieurs pétroliers par Chavez. Avant cela, je ne m’étais jamais intéressée à la politique. Là, je sentais bien que cela partait en vrille. Alors j’ai refusé le concert. Je ne me suis pas laissée acheter. Et j’ai reçu des menaces, ce qui m’a fait comprendre la nature du régime. C’était mon premier acte de rébellion.

The Wall Street Journal (EN)

L’exode des familles pauvres. Plus d’un million de mes compatriotes ont déjà quitté le pays vers la Colombie ou le Brésil, y compris des femmes et des enfants. Tout s’effondre. Pour ma part, ma rupture était en 2010. J’étais aux Etats-Unis en train d’enregistrer le disque Solatino chez EMI, mon label. Pendant la pause de midi, j’ai eu comme une révélation. De retour dans le studio, j’ai demandé au producteur d’ajouter un morceau que j’allais improviser: «Mi Venezuela llora» (Mon Venezuela pleure). Et j’ai obtenu d’EMI que sur ce disque, leur logo ne soit pas rouge, comme d’habitude, parce que c’était la couleur du chavisme, mais noir. Depuis ce jour-là, j’utilise chaque interview pour dénoncer la situation de mon pays. Cela a changé ma vie et m’a coûté très cher. J’ai perdu des contrats, des concerts, des amis. Au début, personne n’a compris. Car le Venezuela ne faisait pas les grands titres. Pour moi, c’était une mission, une question d’intégrité. Aujourd’hui, il me semble que la majorité des gens ont compris la nature du régime au Venezuela.

Le Monde (FR)

El Sistema, un pseudo miracle musical au service de la dictature. Les régimes Chavez et Maduro disposent d’un instrument de propagande redoutable: El Sistema. C’est l’organisation d’un homme, José Antonio Abreu, que l’on compare parfois à Mère Theresa ou à Nelson Mandela. Au Venezuela, on parle plutôt de lui comme Machiavel… Son projet est de transformer la vie des familles pauvres grâce à la musique. Mais les enfants impliqués sont à peine nourris, il y a des flux d’argent inexpliqués et tout repose sur un autoritarisme semblable à celui du gouvernement, que El Sistema soutient systématiquement. Là aussi, mes critiques m’ont valu beaucoup d’incompréhension, parce que El Sistema a beaucoup d’admirateurs en Occident. Ma divine surprise fut en 2014 le livre de l’universitaire britannique Geoff Baker: El Sistema: Orchestrating Venezuela’s Youth. Il était parti faire l’éloge du projet, il a déchanté une fois sur place.

The Guardian (tribune de Geoff Baker) (EN)

Il est temps de raconter le monde

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A la Une

Dans mon radar

Porter un régime criminel devant la justice. Ne soyez pas surpris: je vous parlerai un peu de musique, dans ce Point du jour spécial, mais surtout de politique. Je suis vénézuélienne. Mon combat pour la liberté dans mon pays a pris une place considérable dans ma vie. Dans mon radar, il y a donc le travail de l’activiste des droits humains Tamara Sujú. Une héroïne, une femme que j’admire tant! Elle va convaincre les Occidentaux de poursuivre Maduro et ses complices devant la Cour pénale internationale. Elle a documenté plus de 600 cas d’abus. Comme moi, elle a dû s’exiler.

The Guardian (EN)

L’exil, une affaire de famille. C’est d’une triste ironie. Mon grand-père était communiste. Il faisait partie de la Generación del 28 contre le dictateur Juan Vicente Gómez. Il a fait de la prison puis, dans les années 1930, il a été libéré à condition de quitter le pays. Il s’est installé aux Etats-Unis. Ma mère est née là-bas avant de rentrer à Caracas. C’était un rêveur, un idéaliste. La gauche qu’il appelait de ses vœux est finalement arrivée au pouvoir avec Chavez en 1999. Mais c’est devenu un régime prédateur, corrompu et violent. L’an dernier, les forces de sécurité ont tué 5287 personnes! Alors comme lui, je vis en exil.

Open Democracy (rapport de l’ONU sur les violences policières) (EN)

Mon prochain concert à Genève. Je vous le disais en introduction, je viens à Genève le 21 septembre. J’y accorde une très grande importance, pour au moins trois raisons. D’abord, le Victoria Hall me donne la liberté de jouer mes propres compositions, et aussi d’improviser. Ensuite, je serai accompagnée pour la première fois et avant une tournée avec eux par quatre musiciens que j’aime, de jeunes Vénézuéliens talentueux qui n’arrivaient plus à vivre sur place et que j’ai pris sous mon aile. Enfin, les bénéfices de ce concert iront à deux associations qui font un travail extraordinaire: Karuna-Shechen, fondée par le moine bouddhiste Matthieu Ricard, et OneAction, une association genevoise active en Suisse, en Asie et en Amérique latine.

Billetterie de la Ville de Genève (FR)
Ma raison d’espérer

La gentillesse des étrangers. Une de mes raisons d’espérer, c’est cette fameuse phrase de Tennessee Williams dans Un Tramway nommé désir: «J’ai toujours eu confiance dans la gentillesse des étrangers». J’en ai bénéficié à plusieurs reprises dans ma vie, et notamment en Suisse. C’est aussi cette gentillesse désintéressée que j’ai vue à l’œuvre pour aider de jeunes musiciens vénézuéliens qui n’avaient plus de quoi manger, même s’ils participaient au fameux El Sistema. Prenez le ténor Luis Magallanes, qui sera avec moi à Genève. Au Venezuela, il avait faim tous les jours. Dans l’école où il enseignait le chant, il demandait: pourquoi tel ou tel n’est pas là? Les autres répondaient: «parce qu’il n’a rien à manger». Je l’ai aidé à rejoindre l’Europe. En Irlande, le pays de mon mari le baryton Sam McElroy, des gens que nous ne connaissions pas lui ont offert un logement, d’autres l’ont aidé pour son visa. La gentillesse des étrangers!

The Irish Times (EN)

Mon labo musical

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Extrait du film «No horizons»

Il a fallu me scanner le cerveau… Pour me dire ce que je savais déjà. Sam, mon mari, a voulu comprendre ce que j’avais dans la tête. Avouez que c’est touchant ;-) Avec la complicité du grand neuroscientifique Charles Limb, il a entrepris un film documentaire à ce sujet. J’ai dû entrer dans un IRM à l’horizontale, et jouer du piano. Des morceaux mémorisés de Bach ou de Mozart, et des morceaux improvisés sur le moment. Je ne vais pas vous révéler le résultat, il faudra voir le film! Le tournage a commencé.

Trailer du film (EN)

Mon prochain disque. Le 20 septembre, la veille de mon concert à Genève, sort mon nouveau disque: Montero joue Montero… Ce sont mes compositions, notamment le concerto «Latin» pour piano no 1. Il y aura aussi le concerto en sol majeur de Ravel, que ma mentor Martha Argerich a joué si bien et si souvent. J’entends démontrer l’influence latine sur Ravel, et vice-versa. Je suis accompagnée par le chef Carlos Miguel Prieto et son fabuleux Orchestra of the Americas.

Le trailer du disque (YouTube) (EN)

Sur notre Flux Sciences

Une trottinette électrique pollue-t-elle autant qu’une petite voiture? Les émissions d’une trottinette électrique s’élèveraient à 125 grammes d’équivalent CO2 par km, selon plusieurs médias français se faisant l’écho d’une étude américaine. Ce chiffre est comparable aux émissions d’un petit véhicule thermique. C’est faux, estime par notre journaliste spécialisée.

Heidi.news (Le Flux Sciences) (FR)

Votre borne d’appel d’urgence dans l’ascenseur a été hackée. C’est ce que raconte le magazine Wired. Et cela peut aller plus loin que la blague potache visant à effrayer les passagers en leur parlant: écoute indiscrète des conversations, voire reprogrammation du numéro composé par le boîtier en cas d’appui sur le bouton d’urgence.

Heidi.news (Le Flux Sciences) (FR)

Les pavots arctiques, entre résistance et fragilité. Deuxième volet des impressions du botaniste Gregor Kozlowski, actuellement au Spitzberg où l’on voit de ses propres yeux comment la végétalisation d’un paysage aurait pu se dérouler juste après les périodes glaciaires - par exemple dans les Alpes.

Heidi.news (Le Flux Sciences) (FR)

Cela m'étonne

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Shirley MacLaine dans Madame Sousatzka.

Quand la musique est sans beauté. J’ai souffert, lors de ma formation à Miami, d’être utilisée, transformée en bête à concours. La musique est une force motrice en moi. Une force intime. C’est mon premier langage. Et pourtant, j’ai commencé à haïr ce que je faisais. A 17 ans, je me suis promis de ne plus toucher un piano. J’ai retrouvé certaines de mes sensations dans le film Madame Sousatzka, avec Shirley MacLaine.

Trailer de Madame Sousatzka (YouTube) (EN)

Les ornière idéologiques. Je suis toujours étonnée de voir que le régime de Chavez - ou de Maduro - inspire encore de la sympathie à une partie de l’opinion publique en Europe ou aux Etats-Unis, parce qu’il serait de gauche. Pour moi, ce système n’est ni de gauche, ni de droite. C’est un système prédateur et criminel. Ce documentaire est long, mais vous aurez tout le contexte.

Chavismo - The Plague of the 21st Century (1h32) (EN)

Chernobyl à Caracas. J’ai regardé récemment, en famille, la mini-série Chernobyl. Et j’ai retrouvé dans la méthode soviétique du mensonge, si bien décrite, tout le savoir-faire du régime vénézuélien. J’ai compris où les chavistes et les castristes avaient appris leurs leçons! Cela a d’ailleurs une actualité tragique: que s’est-il passé, la semaine dernière, avec cette explosion dans un centre de recherche nucléaire du grand nord russe? On ne le saura sans doute jamais.

le Monde (FR)

La présévérance de Feliciano. Depuis des années, j’ai une immense admiration pour Feliciano Reyna, qui a aidé tant de Vénézuéliens, notamment à combattre le sida. Rien ne l’arrête, il poursuit son action dans les circonstances actuelles!

Americas Quarterly (EN)

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Gabriela Montero, en quelques mots. Née en 1970 à Caracas dans une famille modeste, elle reçoit un clavier-jouet à l’âge de 7 mois. A la surprise générale, elle joue des notes distinctes au lieu d’appuyer vaguement sur les touches. A 18 mois, elle imite sur ce clavier toute mélodie qui lui est proposée. Ses parents ne savent que faire d’un tel prodige, qui donne son premier concert à 5 ans. Alors ils s’installent en 1978 avec elle à Miami, où ils n’auront bientôt plus les moyens de se loger décemment. Ce seront ses années les plus dures, aux mains d’une professeure de piano abusive.

A 17 ans, elle retourne à Caracas, décidée à ne plus jamais ouvrir de piano, et se fait assistante sociale. Elle donne pourtant un concert et reçoit une bourse de la Royal Academy of Music de Londres. Médaillée au Concours international Chopin en 1995 et encouragée par la grande Martha Argerich, elle se lance dans une carrière où l’improvisation est un élément clé.

En janvier 2009, elle est au piano à Washington pour la prise de fonctions de Barack Obama. L’année suivante, elle rompt avec le régime Chavez, qu’elle considère comme criminel et cleptocrate. En 2015, elle est nommée consul honoraire d’Amnesty International. En 2018, elle reçoit le prix Beethoven pour les droits humains, la paix et la liberté.

Deutsche Welle (FR)

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