Bonjour, c’est Christian à Genève. Je dirige le service des sciences de l’information médicale aux HUG. Grâce aux prévisions régulières fournies par mon équipe, l’hôpital s’est doté d’une boussole qui a permis de maintenir un cap pendant la tempête Covid-19 et d’être bien préparé.

Ce matin, je vais vous dire pourquoi l’excès de confiance peut donner de grosses fessées, pourquoi certains pensent qu’on a échoué et comment la crise a transformé l’impossible en réalités stupéfiantes.

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Christian Lovis à Genève
02.07.2020

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Les infos qui comptent pour moi

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MIT Technology Review

We failed! C’est ce que j’ai lu dans la dernière édition du MIT Technology Review: «la technologie a laissé tomber les Etats-Unis et une grande partie du monde dans son rôle le plus important: nous maintenir en vie et en bonne santé». La critique envers la Silicon Valley est puissante. Je ne suis pas forcément d’accord avec tout ce qui y est écrit, mais quand je regarde en Suisse, je dois bien reconnaître que les technologies de l’information n’ont pas été à la hauteur. La crise a mis en évidence notre dépendance aux infrastructures informatiques. Je conserve un cuisant souvenir de la panne Swisscom qui a bloqué les services d’urgences pendant le semi-confinement par exemple. Et puis, en Suisse, le gouvernement et les hôpitaux ont dû prendre des décisions basées sur des données qui n’étaient pas forcément disponibles ou qui n’étaient pas partagées par certains services. Je fais partie des scientifiques qui pensent que les différentes gouvernances ont agi assez vite. C’est le reste qui n’a pas suivi.

MIT Technology Review (EN)

Fasciné par tout ce qui a changé. Ces derniers mois, j’ai vécu quelque chose d’assez fou! La société dans son ensemble, moi y compris, s’est pris une grosse fessée! Est-elle due à notre arrogance? A notre ignorance? Je ne sais pas, mais j’ai vu des impossibilités se transformer en possibles, à m’en donner la berlue parfois. Souvenez-vous, le Conseil fédéral décide de fermer les frontières, et le lendemain des blocs de béton entravent le passage entre Genève et la France, notamment. Je n’aurais jamais cru cela possible. Et ça s’est fait en une nuit. Je dis chapeau au système d’avoir réalisé cela. Il en va de même à l’hôpital: le public et le privé ont collaboré comme jamais! Des anesthésistes de cliniques sont venus travailler aux HUG. Du matériel a aussi été transféré. Tout ce qu’on considérait comme faisant partie du champ des impossibilités et devenu notre quotidien. En un temps record, c’est tout notre monde qui a changé, en profondeur.

BBC (EN)

Le Covid-19 progresse dans le monde. J’en ai marre du Covid-19, et je crois que c’est un sentiment partagé par beaucoup d’entre nous, mais c’est une réalité dans laquelle on baigne. Le Covid-19 n’est pas une maladie qui est venue et qui est repartie. Elle va durer et est en train de s’amplifier! Il y a un peu moins de dix ans, on est entré dans l’ère du Sras et on en est jamais vraiment sorti. On a eu des alertes légères avec le Sras et le Mers, maintenant, on en a une plus sérieuse. L’alerte est encore gentille cela dit. La létalité de Covid-19 est assez faible et sa contagiosité est moindre que celle de la rougeole. Il ne touche presque pas les enfants. Vraiment, il n’est pas très méchant et, pourtant, on s’est pris une raclée. Qu’est-ce que cela aurait été s’il était vraiment méchant? Il est nécessaire de tirer plein d’enseignements de cet épisode.

Une des leçons qui me tient à coeur, c’est celle de la globalisation. Elle est importante, mais elle doit être contenue, régulée, limitée parfois. Et on vient d’apprendre qu’elle peut être délétère. Il y a des domaines dans lesquels il va falloir soutenir la production indigène, sérieusement. Se contenter d’avoir des réserves de masques n’est pas suffisant, il faut être capable d’en produire en Suisse. On peut étendre cette réflexion à plein de secteurs. Il est urgent d’investir dans ces industries, ici. Cela vaut aussi pour l’alimentation avec le développement souhaité des circuits courts.

Our world in data (EN)

Le bostryche dans le Jura. J’aime le Jura. C’est chez moi! Et je m’inquiète pour mon joli canton qui voit ses forêts de résineux disparaître à cause du bostryche. Pour moi, c’est le signe d’un changement profond qui commence à s’opérer. Je pense que l’on se trouve au début d’une phase de transition de notre écosystème. C’est lié à la pression exercé par l’humain sur son environnement. Notre civilisation entre dans une phase instable qui n’est pas prédictible. Il faut se préparer globalement à un changement perpétuel. Mais la société n’est pas prête. Cela dit, les HUG n’étaient pas agiles non plus avant l’épidémie. Et pourtant, ce paquebot est devenu agile grâce à la crise. Et c’est toute notre civilisation qui va devoir devenir agile…

RTS (FR)

Il est temps de raconter le monde

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Dans mon radar aujourd’hui

Une tragédie sans fin. Le 8 avril, j’écrivais à Bertrand Levrat, directeur général des Hôpitaux universitaires de Genève, que l’épidémie était finie, que la tâche de mon équipe était terminée. Imaginez… le 8 avril, ça à l’air loin déjà. Eh bien, le week-end dernier, j’ai travaillé sur la reprise de l’épidémie. Que va-t-il se passer, ça repart, ça oscille, la grande vague, d’innombrables vaguelettes? Il faut essayer de prévoir ce qui va se passer jusqu’en octobre. Et quand je dis prévoir, ce n’est pas réaliser une prédiction du pire (à éviter) ou du meilleur (que l’on désire), mais une prévision qui répond à cette question: «What is most likely to happen?» La direction médicale des HUG a besoin de savoir
combien de lits elle doit prévoir, les soins intensifs, les équipes, les médicaments.

Ce qui est simple avec les prédictions, c’est qu’elles sont toujours fausse. Ce qui est compliqué, c’est qu’il y en a qui s’en servent vraiment… Et que de tous les futurs possibles, il faut essayer de dessiner celui qui a la plus grande probabilité d’arriver. Pour y parvenir, dès le début, nous avons créé un index de sévérité des mesures à prendre allant de 0% à 100%. On a appris à prendre la température de l’épidémie à l’étranger, en Suisse et à Genève pour essayer de mettre un radar à disposition des capitaines du navire. Un mélange de science, des données très précises, de bon sens, et parfois un peu de chance.

Les cas sont à la hausse, on vient de doubler en 24h, il faut réactiver tout cela. J’ai présenté une partie du travail de l’équipe le 26 juin lors de la «7th Swiss Conference on Data Science». Ce que j’observe dans mes prévisions, c’est qu’il n’y aura vraisemblablement pas de deuxième tragédie comme la première, mais qu’il y aura une tragédie sans fin, continuelle. Nous allons devoir vivre avec un certain de nombre de cas et d’hospitalisations ces prochains mois. Il faut vraiment veiller à se protéger dans les lieux clos, à vivre la distanciation et le contact tracing. Vivement le vaccin!

7th Swiss Conference on Data Science (EN)

Mon labo iconoclaste

Le futur de l’informatique est quantique. En informatique, on en a fini de jouer avec les 1 et les 0. C’est trop manichéen, trop simpliste. Il se passe plein de choses entre ces 1 et ces 0. Et ces éléments quantiques, c’est l’avenir de l’informatique. Je me passionne beaucoup pour cette thématique. Et nous avons de la chance dans le bassin lémanique: il existe plusieurs «clusters» quantiques! Je suis fasciné par le potentiel de la fibre optique et la capacité de la lumière à transporter une quantité d’informations incroyables. Et aussi le li-fi ou light wifi que l’on peut avoir dans certaines aéroports: des ampoules émettent une forme de wifi. Plus on s’éloigne de la lumière, plus le signal faiblit. J’ai aussi découvert avec fascination l’intrication quantique avec les satellites. Je m’explique: quand on bidouille un photon intriqué avec un autre, et bien l’autre est bidouillé en même temps, instantanément, où qu’il se trouve. C’est quand même fou, cela, vous imaginez: l’information instantanée, la cryptographie, tout quoi!

Science Alert (EN)

Le plus grand œil du monde sur le ciel. Le projet E-ELT (pour European Extremely Large Telescope) n’est pas encore en service, mais je me réjouis de voir le plus grand télescope optique du monde fonctionner. Ce projet et les autres télescopes géants dans le monde me font penser qu’il y a deux grands types de chercheurs dans le monde. Certains posent une question, une hypothèse, et ils construisent un modèle, avec des données, pour obtenir des réponses précises. De l’autre côté, on a les physiciens et les astrophysiciens. Eux, ils ne peuvent pas téléphoner à «Dieu» pour lui dire qu’ils n’aiment pas les données avec lesquelles ils doivent travailler. Ils doivent penser leurs explications de l’univers en fonction des données à disposition. Ils doivent faire avec ce qu’ils ont, ils ne peuvent pas générer des données de qualité. Ils n’ont pas le choix. Ils ont mon plus grand respect!

ESO (EN)

L’univers est un graphe informationnel. L’écosystème dans lequel nous vivons est important. Nous sommes des poissons évoluant dans une mer qui s’appellent écosystème. Et quand le poisson se trouve à côté d’un super tanker qui dégaze en permanence… Eh bien, ça fait des dégâts. Ça devient un véritable problème cette manie que nous avons à fabriquer des objets qui nous sont néfastes. J’aimerais qu’on trouve un équilibre entre l’écosystème, dont on est dépendant, et notre activité. Parce que c’est insensé ce que nous faisons… Nous sommes en train de créer un écosystème qui va nous éliminer parce que devenu toxique pour nous. J’ai une vision un peu mystique sur ce sujet. Je pense que tout est interconnecté. En fait, la connaissance est un graphe. La vie est un graphe. L’univers est un graphe informationnel, rempli d’indéterminisme à son échelle la plus intime, garant de ce chaos qui créé la liberté!

Forbes (EN)

Sur Heidi.news aujourd’hui

SwissCovid devrait être l’app’ la plus ennuyeuse qui soit. Marcel Salathé, professeur en épidémiologie digitale à l’EPFL, a un parcours pour le moins iconoclaste. Touche-à-tout, le Bâlois a d’abord étudié la biologie, appris à coder en autodidacte, lancé plusieurs sites internet à la fin des années 1990, et même joué dans un groupe de rock en ouverture de Lenny Kravitz. Désormais membre de la task force scientifique mise sur pied en mars par la Confédération pour faire face à la crise du coronavirus, il a accordé un entretien à Heidi.news.

Heidi.news (FR)

Sortez les masques. La décision était prévisible: le port du masque sera obligatoire dans tous les transports publics du pays dès le 6 juillet. Au passage, le Conseil fédéral a changé d’avis. On vous dit pourquoi.

Heidi.nes (FR)

Les chiffres de l’épidémie décortiqués. Le nombre de contaminations quotidiennes en Suisse est en hausse. Des foyers épidémiques ont été constatés ces derniers jours dans plusieurs cantons. Certains experts alertent, d’autres tempèrent. Alors que penser de cette hausse? Heidi.news fait le point de la situation avec l’OFSP.

Heidi.nes (FR)

Auto-censure numérique à Hong Kong. La loi de sécurité nationale chinoise imposée mardi à Hong Kong a déclenché un vent de panique. «Effacez immédiatement toute notre conversation», a demandé dans la soirée un avocat sur WhatsApp. Sur Telegram et Twitter, des dizaines de protestataires ont effacé leur compte ou fait le ménage dans leurs publications quelques heures avant l’entrée en vigueur du texte.

Heidi.news (FR)

Ça m'a étonné.

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HUG

Des cornemuses à l’hôpital. Lundi soir, je suis tombé sur un concert de cornemuse sur l’esplanade des HUG. C’était très puissant. Je joue d’un instrument, le Keyboard, mais là, le son, l’ambiance, c’était très étonnant, surtout dans le milieu hospitalier. Les services culturels des HUG organisent régulièrement des concerts, mais mesures sanitaires obligent, ça se passe dans les jardins et les patients peuvent écouter des fenêtres. Là, c’était inattendu et désintéressé: Le groupe Pipes and Drums of Geneva a spontanément offert un concert aux équipes des HUG, aux patients et aux visiteurs. L’altruisme me touche profondément. On en a connu beaucoup des gestes altruistes durant la crise. J’espère que cela continuera.

Art HUG (FR)

Christian Lovis, bio exprès. Médecin-chef du service des sciences de l’information médicale des Hôpitaux universitaires de Genève depuis 2010, Christian Lovis est médecin FMH spécialiste en médecine interne et détenteur d’un master en santé publique. Marié depuis 33 ans, il est papa d’un fils étudiant. Adopté par ses parents ajoulots, Berthe et Antoine Lovis, il a grandi entre Plagne et Bienne, avant d’arriver à Genève en 1981 pour ses études de médecine. Il a également travaillé deux ans à l’Université de Washington à Seattle où il s’est spécialisé dans le data.

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