Les infos que je retiens pour vous

Un forum d’Economie suisse, le lobby suisse des élites économiques, à Zurich le 8 septembre 2023. | Keystone / Ennio Leanza

De méprisé·es à modèles: la revanche des «geeks» au sein des élites économiques. A l’ère de la compétition technologique, la légitimité des élites passe par de nouveaux codes – l’innovation, le numérique, parfois le désalignement social. Cet article montre comment les profils de geeks et d’autodidactes, autrefois marginalisés, sont devenus des figures du succès. Les outsiders d’hier deviennent dominant·es, et les règles d’accès au pouvoir évoluent. Les élites se reconfigurent sans cesse selon les logiques marchandes globalisées, se légitimant par de nouveaux récits et représentant·es.

Richesse, pouvoir et fiscalité: la difficile taxation des élites. Le rapport 2024 sur l’évasion fiscale dans le monde, préfacé par Joseph Stiglitz, dresse un constat accablant: les Etats peinent toujours à taxer leurs élites économiques. En retraçant l’histoire longue, Bilan montre comment la concentration du capital, déjà à l’œuvre en Suisse dès la fin du 19e siècle, s’est institutionnalisée dans les conseils d’administration et les fondations. Ces structures perpétuent une influence économique diffuse et difficile à réguler, notamment sur le plan fiscal. Dans le canton de Vaud, les controverses actuelles autour de la taxation des plus riches résonnent avec les restrictions budgétaires qui affectent les services publics. La légitimité du pouvoir économique se joue aussi là: dans l’équilibre fragile entre privilège et responsabilité collective.

Quand la méritocratie maintient son mythe. Aux Etats-Unis, les universités d’élite – Harvard, Yale, Princeton – incarnent un rêve: celui d’une ascension par le mérite. Cette enquête démontre qu’elles reproduisent surtout les inégalités: un enfant issu du 1% des plus riches a 77 fois plus de chances d’y être admis qu’un·e étudiant·e modeste. Derrière cet idéal fondé sur la mesure supposée du talent, tout un système de recrutement a évolué afin que les capitaux économiques, sociaux et culturels hérités restent décisifs et concentrés entre les mêmes mains. La Suisse aime penser que son système éducatif est moins élitiste mais il existe aussi, chez nous, des filières et des établissements tout aussi distinctifs et sélectifs.

Une surproduction d’élites? Cet article sur la «surproduction d’élites» en France pose une question: et si le pouvoir lui-même devenait saturé? Inspiré des travaux de Peter Turchin, auteur du livre Le Chaos qui vient: élites, contre-élites et désintégration politique (éd. Cherche-Midi, 2024), il montre que le nombre de personnes formées pour accéder au pouvoir croît plus vite que les postes réellement disponibles. Résultat: une compétition interne accrue, des carrières bloquées et un sentiment d’usure. En Suisse, on aime à croire que tout le monde trouve sa place – dirigeant·es, élu·es politiques et chercheur·euses. Mais fabrique-t-on trop d’aspirant·es aux postes de pouvoir?

Ca m’est arrivé récemment

Au détour d’une conversation avec une amie, j’ai découvert que son conjoint descendait d’une ancienne famille patricienne, issue de l’ancienne «noblesse» urbaine cumulant les pouvoirs politique, économique et social. Rien, dans leur mode de vie, ne l’aurait laissé deviner: déplacements en train et à vélo, vêtements simples ou encore enfants à l’école publique. Et pourtant, derrière cette normalité se cache l’un des traits les plus fascinants des élites suisses: leur discrétion. Ici, le pouvoir ne s’affiche pas, mais comme ailleurs, il se transmet – souvent à travers des patronymes, des réseaux, une certaine confiance en soi, ou une idée bien particulière de ce qu’est «une bonne éducation». Ces familles ne vivent pas en marge de la société: elles s’y fondent, tout en perpétuant des habitudes et des valeurs qui les distinguent subtilement.

Si vous lisez cette newsletter et appartenez à une de ces familles dans les cantons de Genève, Vaud, Neuchâtel, Fribourg, Berne, Lucerne ou au Tessin – contactez-moi: j’aimerais comprendre l’éducation que vous avez reçue, et aussi comment vous pensez qu’elle a évolué par rapport à celle de vos parents, grands-parents ou même ancêtres.

Dans mon labo

Pyxis, la Maison de la culture et de l’exploration numerique de Lausanne, le 1er novembre 2023. | Keystone / Jean-Christophe Bott)

Les élites suisses à découvert Qui détient le pouvoir en Suisse, et comment y accède-t-on? L’apéro-sciences du 6 novembre (gratuit sur inscription) sera l’occasion de lever le voile sur ce monde souvent discret: celui des élites politiques, économiques, administratives et académiques helvétiques. Il est co-organisé par L’éprouvette, c’est-à-dire le Laboratoire Sciences et Société de l’UNIL, et sa faculté des sciences sociales et politiques.

En s’appuyant sur leurs enquêtes, des membres de l’Observatoire des élites suisses (Obelis) partageront les réflexions issues plus de dix ans de recherche sur les personnes qui occupent les positions d’influence en Suisse, sur la manière dont on accède au pouvoir et quelles transformations sociales se dessinent. Un moment convivial pour parler de pouvoir, d’héritage et de légitimité, tout en profitant d’une dégustation de vins de la région ou de boissons non alcoolisées. Parce que les élites suisses, aussi discrètes soient-elles, façonnent encore notre quotidien.

Notre projet de recherche Beyond the Core: Elites and Power in Swiss Second-Tier City-Regions (1890–2020) a officiellement été lancé. Financé par le Fonds national suisse, il explore la manière dont le pouvoir s’organise et évolue en dehors des plus grandes villes suisses. De Lausanne à Lucerne en passant par le Tessin, une équipe interdisciplinaire de 16 personnes s’intéresse aux élites politiques, économiques, culturelles et académiques régionales, souvent moins visibles que les élites nationales mais déterminantes à l’échelle locale.

Cette interview de Stéphanie Ginalski et Felix Bühlmann revient sur dix ans de recherche au sein de l’Observatoire des élites suisses. Il en sort un portrait nuancé: une élite plus diplômée, plus féminine, mais toujours aussi discrète et socialement continue. Ces résultats témoignent de la persistance d’un pouvoir feutré, capable de se renouveler sans trop se transformer.

La Suisse est au cœur d’un projet international sur les élites économiques rassemblant 22 pays: la World Elite Database. Ce réseau de recherche vise à comparer les élites à l’échelle mondiale, en analysant leurs compositions, trajectoires et modes de légitimation. Les premiers résultats, qui viennent d’être publiés, offrent un aperçu inédit de la structure du pouvoir économique global.

Pendant ce temps sur Heidi.news

Une station conjointe Migrolino-Socar à Zurich, ici en avril 2013. | Keystone / Christian Beutler

EXCLUSIF. Migros ne peut exclure que du pétrole russe est vendu dans les stations suisses Migrolino Les nouvelles sanctions américaines contre le pétrole russe sèment la panique parmi les employés de Litasco à Genève, une filiale de Lukoil. Elles pourraient également avoir un impact sur la société azerbaïdjanaise Socar, liée par un partenariat avec le géant russe Lukoil et très présente en Suisse, notamment en lien avec la Migros.

Au Darfour, les civils abandonnés de tous s’organisent tant bien que mal. Dans le Darfour du Nord, la guerre fait rage entre l’armée régulière et les milices des Forces de soutien rapide, qui contrôlent déjà l’essentiel de la région. Tandis que ces dernières s’adonnent à des massacres d’ampleur, l’ONU évoquant un «risque génocidaire», les populations civiles s’organisent pour survivre.

Trump, pantin du Kremlin ou indécrottable girouette? Le président américain a donc une nouvelle fois pris un virage sur l’aile, en annonçant que le fameux sommet de Budapest était finalement reporté sine die. La mauvaise volonté de Moscou, qui refuse tout cessez-le-feu et a, comme d’habitude, renforcé ses attaques sur l’Ukraine, semble avoir de nouveau rappelé à Trump que Poutine n’avait strictement aucune intention de faire des concessions. Mieux, Washington a décidé d’appliquer de nouvelles sanctions économiques à Lukoil et Rosneft, les deux géants pétroliers russes, qui pèsent à eux deux 55% des exportations du pays.

Les Ukrainiens, à qui l’on souhaite d’avoir le cœur solide, peuvent de nouveau respirer, d’autant que trois autres nouvelles d’importance se sont fait entendre, du côté de l’Europe.

Pitch Comment, pour Heidi.news

Il est temps de raconter le monde

🔎 Les Explorations de Heidi.news. Heidi.news, c’est des enquêtes et grands reportages. Découvrez nos Explorations Israël-Iran, tango funeste, Poursuivre les crimes de guerre, mode d’emploi, L’Université du crime, ou encore La course ou la crise (des 40 ans), et plongez-vous dans nos Revues imprimées.

Une raison d'espérer

Véhicule protocolaire d’Emmanuel Macron lors de sa visite à Genève le 16 novembre 2023. | Keystone / Martial Trezzini

Nos institutions sont saines… Alors que le monde voit ressurgir des formes inquiétantes de pouvoir autoritaire, du retour en force de dirigeant·es populistes à la tentation de l’impunité chez certaines élites politiques, la Suisse rappelle qu’un autre modèle est possible. Son Conseil fédéral collégial, où chaque membre assume la présidence à tour de rôle pour une seule année, incarne l’idée d’un pouvoir partagé, fondé sur la responsabilité collective plutôt que sur la personnalisation du leadership. Ce système n’est pas parfait, il n’empêche pas la montée de l’extrême droite dans les urnes, mais il protège d’un excès bien connu ailleurs: celui des individus qui confondent autorité et domination. Puisse cette culture politique de la modestie institutionnelle continuer à nous inspirer.

Un mot sur l’autrice

Anne-Sophie Delval est sociologue à la faculté des sciences sociales et politiques (SSP) de l’Université de Lausanne. Elle étudie l’éducation des élites locales et étrangères en Suisse et a notamment publié l’ouvrage L’internationalisation des écoles hôtelières suisses. Attirer les étudiant·e·s fortuné·e·s du monde entier (Alphil, 2022). Ayant grandi dans la région lémanique, elle a développé son attrait pour ce sujet à partir d’un questionnement d’enfant: «Mais pourquoi y-a-t-il autant d’élèves fortuné·es et venu·es du monde entier juste à côté de chez moi?».