Les infos qui comptent pour moi

Valery Giscard d’Estaing est mort. Rien à voir avec la justice internationale, mais celui qui fut élu président à 48 ans est mort hier à l’âge de 94 ans. Il a connu une brillante ascension politique, incarnant le changement sans rupture et transformant – en peu de temps – la société française durablement.

L’Australie sévit contre ses propres criminels de guerre. Après avoir enquêté des années sur des atrocités commises contre des civils par leurs troupes en Afghanistan, les autorités australiennes commencent à sévir contre les responsables. L’enquête a révélé la mort de 39 civils afghans entre 2005 et 2016. Elle met en cause plus d’une vingtaine de membres des forces spéciales australiennes. Certains des meurtres étaient commis dans le cadre d’un rituel d’initiation connu sous le nom de «blooding» et des armes étaient ensuite placées près des corps pour les faire passer comme des cibles légitimes. C’est la première fois qu’un pays de la coalition menée par les forces américaines en Afghanistan enquête sur les crimes de ses propres troupes de façon aussi publique et à une telle échelle.

Jugement historique à l’est du Congo. A contre-courant de tous les poncifs sur l’inefficacité de la justice congolaise et plus généralement sur les difficultés des Africains à juger des crimes de guerre chez eux, un tribunal militaire congolais a reconnu, la semaine dernière, l’ancien chef milicien Ntabo Ntaberi, alias Sheka, coupable de crimes de guerre et l’a condamné à la prison à vie. Grâce à un partenariat très efficace entre des acteurs locaux congolais et des organismes internationaux, dont celui de nos collègues et amis de Trial International, celui qui faisait trembler les civils du Nord-Kivu a été reconnu coupable de nombreux chefs d’accusation, dont viol et esclavage sexuel. Chapeau bas!

Le Président du Kosovo a démissionné et fait face à la justice à La Haye. Hashim Thaçi, ancien chef politique de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) a été inculpé pour des crimes prétendument commis contre des civils et des prisonniers serbes pendant la guerre d’indépendance du Kosovo. Thaci, qui était encore président du Kosovo il y a moins d’un mois, a plaidé non coupable lors de sa première apparition en audience. Les charges incluent près de 100 meurtres, des disparitions forcées, des persécutions et des tortures entre mars 1998 et septembre 1999.

L’Europe se muscle contre les personnes ayant violé les droits humains. L’Union Européenne va désormais pouvoir geler elle-même des avoirs et imposer des interdictions de voyager à des personnes impliquées dans des violations des droits humains. La genèse de cette nouvelle compétence remonte à 2012, quand Barack Obama a signé le US Magnitsky Act, qui visait à l’origine les officiels russes responsables de la mort de l’avocat russe anti-corruption Sergei Magnitsky. Depuis, de nombreux Etats européens, en particulier scandinaves, ont poussé pour que l’Union Européenne se dote d’une compétence similaire. Pendant ce temps, en Russie, une loi est à l’étude au Parlement pour mettre encore davantage sous tutelle les organisations indépendantes accusées d’être au service d’intérêts étrangers.

Il est temps de raconter le monde

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Dans mon radar

Après 4 reports le procès d’Alieu Kosiah démarre enfin ce matin! Et pourtant, il ne durera que quelques jours, avant de reprendre en février 2021. Car les juges n’ont pas autorisé les victimes présumées d’Alieu Kosiah à venir en Suisse pour témoigner, en raison de la situation sanitaire. Alors qu’elles voulaient toutes venir, depuis les années qu’elles attendaient ce moment! Suivez le déroulé de ce procès historique sur les réseaux sociaux de Civitas Maxima, sur Heidi.news, Justice Info et sur les médias africains comme Front Page Africa. Son rédacteur en chef, Rodney Sieh, véritable figure du journalisme libérien et consacré «héros de l’information» par Reporters sans frontières, a fait le voyage jusqu’en Suisse pour pour être présent ce matin à Bellinzone.

Au fait le Liberia c’est où, et Alieu Kosiah c’est qui? Le petit pays d’Afrique de l’ouest a été ravagé par deux guerres civiles entre 1989 et 2003. Alieu Kosiah est un commandant de l’une des factions rebelles qui sévissait durant cette guerre. Il est accusé d’avoir ordonné de tuer ou tué lui-même des civils et des soldats en dehors des combats, profané le corps d’un défunt, violé une civile, ordonné des traitements inhumains, recruté un enfant soldat, participé à des pillages et forcé des civils à transporter des munitions. Un journaliste courageux de la NZZ s’est rendu sur place. Depuis la capitale Monrovia, il a fait 9 heures de moto pour se rendre sur l’un des quatre lieux où ont été commis les crimes qui font l’objet de ce procès.

Comment et pourquoi devons-nous rendre justice pour des crimes commis si loin de chez nous? Parce que la Suisse a accepté cette obligation et signé des conventions internationales comme le Statut de Rome, qui a mis sur pied la Cour Pénale Internationale. Or toute l’architecture de la justice internationale - pour un monde basé sur le droit et non sur la violence - repose précisément sur le fait que les Etats jugent non seulement les crimes internationaux qui pourraient être commis chez eux mais aussi les auteurs de ces crimes qui vivent sur leur territoire. D’où le procès Kosiah en Suisse, lieu de son domicile. Ces procès extra-territoriaux contribuent de manière déterminante à ce que les victimes puissent trouver une certaine paix. Ils peuvent aussi faire bouger les lignes de l’impunité dans le pays où les crimes ont été commis.

Vraiment? Comment un procès au fin fond de la Suisse peut-il avoir un impact au Liberia? De très nombreuses victimes se sentent abandonnées au Liberia où règne encore l’impunité pour les crimes commis pendant la guerre. Jusqu’à présent, des affaires criminelles ont été portées dans 6 pays hors du Liberia contre des individus soupçonnés de crimes liés à la guerre civile. Civitas Maxima et son organisation sœur libérienne, le Global Research and Justice Project, ont contribué à toutes ces affaires et ont créé une campagne digitale, la «Liberian Quest for Justice», (ici sur Facebook) pour que tous ces procès extra-territoriaux résonnent au Liberia et que la société civile puisse les utiliser pour combattre l’impunité sur place.

Vous vous souvenez de Carla del Ponte et de Dick Marti? Hé bien en parlant de procureurs qui ont marqué les esprits et leur temps, il y a un parallèle saisissant qui se joue actuellement dans l’incapacité, tant de la Suisse que de la Cour Pénale Internationale (CPI), d’élire un/e Procureur/e général/e. La Suisse et la CPI viennent de refuser l’un des candidats pré-sélectionnés et ont ré-ouvert le processus de sélection. L’attrait de ces fonctions clé pâlit-elle? Ou a-t-on peur au contraire d’élire comme Procureur/e quelqu’un qui pourrait menacer le status-quo politique?

Des solutions concrètes pour changer le monde! J’ai découvert le réseau Ashoka il y a plusieurs années. Leur mission est aussi encourageante qu’innovante. Je suis très fier de faire désormais partie de cette communauté d’entrepreneurs sociaux. Les «Ashoka Fellows» ont pour ambition d’apporter partout dans le monde des solutions concrètes pour changer les choses dans tous les domaines, échanger leurs expériences et se soutenir mutuellement. Des initiatives très concrètes qui contribuent au vivre ensemble, comme celle, en France, de l’Ashoka Fellow Louis-Xavier Lecas avec son association La Cloche, qui déconstruit les préjugés sur les personnes sans domicile avec pédagogie et efficacité.

Dans mon labo juridique

Tribunal Spécial pour le Liban: 1 milliard de dollars et aucun accusé dans le box. Un procès qui pose de sérieuses questions. La justice internationale est un domaine où, pour être indépendantes, des organisations ne prennent aucun argent étatique et opèrent avec très peu de moyens, comme s’y est engagée Civitas Maxima, ce qui est évidemment un grand défi. Dans ce contexte, le Tribunal Spécial pour le Liban est la cible de sérieuses critiques: plus de 800 millions d’euros dépensés par le Liban et la communauté internationale en 15 ans d’enquêtes pour l’unique condamnation d’un suspect introuvable et trois acquittements dans l’affaire de l’assassinat de l’ancien Premier Ministre libanais Rafic Hariri.

L’Allemagne en pointe sur les crimes en Syrie… Le procès Al-Khatib à Coblence est historique pour la lutte contre les crimes commis par le régime syrien. Il a permis notamment de présenter le fameux dossier «César», une collection de dizaines de milliers de photographies de détenus morts dans les prisons en Syrie. Également en Allemagne, des procureurs fédéraux enquêtent sur les preuves d’attaques chimiques en Syrie, enquêtes qui pourraient mener à l’inculpation du président Assad pour crimes de guerre. En parallèle, les juridictions allemandes conduisent le premier procès de l’histoire contre un membre de Daech pour les atrocités contre les Yazidis.

… Mais la Suède n’est pas en reste! Alors que dans notre pays la majorité des cantons a refusé l’adoption de la loi sur les multinationales responsables, les autorités suédoises vont juger l’année prochaine deux hauts dirigeants de la société pétrolière Lundin, basée à Stockholm, pour assistance à des crimes contre l’humanité prétendument commis au Soudan entre 1997 et 2003. Par ailleurs, les autorités suédoises ont arrêté sur leur sol un homme accusé d’avoir participé à une vague d’exécutions dans les prisons iraniennes ayant a fait des milliers de victimes dans les années 1980.

Scotland Yard enquête sur des crimes de guerre commis par des mercenaires britanniques au Sri Lanka. Des mercenaires, vétérans de SAS, ont pu engranger des millions là où la Grande-Bretagne avait des intérêts politiques. Ils sont accusés d’avoir formé une élite paramilitaire de la police sri-lankaise connue pour avoir commis des atrocités notamment dans les années 1980 contre les séparatistes tamouls.

Les FARC en Colombie ont lâché une bombe… médiatique. En octobre, le groupe rebelle a revendiqué trois assassinats de hauts fonctionnaires commis dans les années 1990. De fait, les opposants à l’accord de paix en Colombie affirment que la justice de transition a été conçue pour protéger les anciens membres des FARC contre des peines de prison, en leur permettant d’avouer leurs crimes contre des sanctions clémentes. Dans ce contexte, les trois cas que les FARC admettent tardivement alors que les enquêtes durent depuis deux décennies, et qui font partie des quelques 274’139 (!) assassinats commis depuis 1985 dans un conflit armé qui a duré 52 ans, enflamment le débat.

La justice américaine confirme la condamnation d’un ancien chef de guerre libérien. Mohammed Jabbateh avait été condamné en avril 2018 par une cour de Philadelphie pour avoir menti aux autorités américaines sur son passé de chef de guerre, dans le but de pouvoir s’installer aux États-Unis. La condamnation de celui qui se faisait connaitre sous le nom de «Jungle Jabbah» a été possible grâce au travail de Civitas Maxima et du Global Justice and Research Project, qui ont collaboré étroitement avec les autorités américaines sur ce dossier. En 2018, une vingtaine de victimes libériennes avaient fait le voyage pour témoigner devant la justice américaine, à quelques pas de leur bourreau, un moment poignant et lourd d’émotions qui s’est également révélé thérapeutique pour certaines d’entre elles.

Ca pourrait vous étonner

Bandes dessinées et théatre ambulant pour parler des crimes de guerre. Grâce à une collaboration avec des artistes talentueux comme le dessinateur genevois JP Kalonji ou le (linl: https://nicolasbc.com/ text: vidéaste argentin Nicolas Braguinsky Cascini), Civitas Maxima amène l’information sur les efforts de justice et les procès pour crimes de guerre aux gens qui en ont souffert sur le terrain, en passant par de la bande dessinée ou le théâtre ambulant dans les provinces reculées du Liberia.

Concert mondial le 20 décembre depuis une ferme du Pays d’Enhaut. La famille paysanne Mottier-Gerber a créé un projet unique en Suisse, Votre Cercle de Vie, qui vise un développement durable et innovant dans les domaines de l’agriculture, de la santé et de l’alimentation. (linl: https://www.heidi.news/articles/au-pays-d-enhaut-une-ferme-sans-pareille-pour-reconnecter-les-humains-a-la-nature text: Heidi.news en a parlé, ici) et dans son Exploration sur l’Etivaz. Dans ce cadre, elle organise Wonder Live pour donner la parole aux enfants, afin qu’ils nous révèlent le potentiel de notre planète. Des dessins d’enfants du monde entier défileront toute la nuit pour que s’expriment les rêves de ceux qui façonneront le monde de demain. Contactez Esther si vous connaissez des organisations ou des enfants dans le monde qui seraient intéressées à collaborer ou envoyer des dessins.

Name and Fame. Un projet d’Integrity Icon/Accountability Lab qui consiste à célébrer dans 12 pays des fonctionnaires honnêtes, qui démontrent de l’intégrité dans leur travail. On retrouve par exemple dans la liste Francis Osagie Erhabor au Nigeria, officier de police dans l’Etat Akwa Ibom, qui n’a jamais accepté une sollicitation de corruption en 29 ans de service.

Faute de lieux d’exposition ouverts, les jumelles Arielle et Crystal Dubois ont basculé en ligne. Arie Art Agency va mettre en ventes les œuvres de trois jeunes artistes d’ici Noël: Mathieu Croizier un jeune photographe issu de l’ECAL, lauréat du concours Carte Blanche 2020 de Paris Photo, David Zarcate, un sculpteur sur aluminium et le photographe paysagiste Oscar Battista.

Eddy Mottaz / Le Temps

Alain Werner, bio exprès. Alain Werner est avocat et directeur de Civitas Maxima. Il a participé du côté des victimes à certains des procès pour crimes de guerre les plus emblématiques de ces dernières années, dont ceux des anciens chefs d’Etat du Liberia Charles Taylor et du Tchad Hissène Habré. Il a aussi participé au premier procès dans l’histoire de crimes commis par des forces communistes, le procès du Khmer Rouge Duch, au Cambodge. En 2019 il a reçu le Prix Bâtonnier Michel Halpérin pour l’Excellence de l’Ordre des Avocats de Genève.