La musique du pouvoir

Renaud Capuçon et Laurence Ferrari au dîner d’Etat français organisé pour la visite de Joe Biden à l’Elysée, le 8 juin 2024. | LE PICTORIUM / Alamy Live News

Je suis à la fois journaliste et musicien. Comme journaliste, je m’intéresse à la politique et à l’économie de la culture (ainsi qu’aux trains, mais c’est une autre histoire). Comme musicien, je joue du basson dans des orchestres et des ensembles de musique contemporaine. Juliette de Banes Gardonne, avec qui je cosigne cette enquête, a aussi ce double profil: chanteuse lyrique diplômée de la HEM de Genève, elle est aujourd’hui journaliste musicale au Temps.

Le milieu de la musique, nous en connaissons les scènes et les coulisses. Sa beauté, mais aussi ses zones d’ombres.

Depuis longtemps, une personnalité fascinante du milieu éveille notre curiosité. Concertiste, chef d’orchestre, directeur de festivals prestigieux, entrepreneur, le violoniste Renaud Capuçon est devenu ces quinze dernières années une figure incontournable. Des dîners de gala à Gstaad aux concerts dans les prisons, il est omniprésent, derrière chaque festival, chaque subvention, faisant la pluie et le beau temps pour imposer ses choix et ses amis. Surnom officieux: «le patron».

Un couple au diapason

Pour disséquer le phénomène, il nous fallait aussi nous pencher sur celle dont il aime à dire qu’elle est son «guide»: Laurence Ferrari, son épouse depuis 25 ans. C’est ensemble qu’ils ont construit leur identité. Ce «couple au diapason», comme les qualifiait en 2020 Paris Match dans une interview-portrait à la guimauve, donne au monde une image imparable: l’ancienne présentatrice vedette du 20 heures et le musicien qui fait le tour du monde avec son violon.

Pour Heidi.news, nous nous sommes intéressés aux autres facettes de ces personnages. L’ancienne égérie de TF1 occupe aujourd’hui une place de choix dans la galaxie des médias d’extrême droite détenus par le milliardaire breton Vincent Bolloré. Sa position devient même centrale, puisque Laurence Ferrari a été nommée présidente de la marque Journal du Dimanche et s’apprête à lancer JDNews, un hebdomadaire destiné à tailler des croupières à Paris Match.

Ensemble, Laurence Ferrari et Renaud Capuçon ont uni leurs forces pour partir à la conquête du pouvoir politique, culturel et économique. Ils sont devenus proches des ministres, des patrons du CAC 40 et des plus grandes fortunes. Ils flirtent tant du côté de la Macronie que de l’extrême droite. Une quête insatiable au service d’un seul projet: eux-mêmes.

De part et d’autre du Léman

La Suisse, en particulier, est devenue la nouvelle terre d’élection de Renaud Capuçon. Mais ça commence à grincer dans la Confédération. Blick a récemment brocardé ses choix artistiques dispendieux à la tête de l’Orchestre de chambre de Lausanne, à l’origine d’un trou dans la caisse d’un million de francs. Ma collègue Juliette a révélé hier dans Le Temps que la prestigieuse Académie Menuhin, à Rolle, dirigée par un Renaud Capuçon démissionnaire, était dans la tourmente à la suite du retrait de sa mécène attitrée.

En France, aussi, le vent commence à tourner. Le Conseil d’Etat vient d’obliger Renaud Capuçon à rembourser le fisc français pour 11 concerts non déclarés. Nos tribulations se feront donc de part et d’autre du Léman.

En cumulant les postes médiatiques et culturels, Laurence Ferrari et Renaud Capuçon ont conquis une influence hors du commun, de nature à bâillonner les critiques. D’autant plus que nombre de médias ont signé des partenariats avec des structures dirigées par Renaud Capuçon. Il va nous falloir pas moins de huit épisodes pour plonger au cœur de ce système, décrire son fonctionnement, percer les mystères de cette ascension trop vraie pour être belle. Le premier est en ligne, les autres vont suivre ces prochains jours et semaines.

Bonne lecture! Lors de laquelle je vous conseillerais d’écouter Don Carlos, de Verdi.

Pendant ce temps sur Heidi.news

Mathéo Malik (à g.), Ramona Bloj (ctr.) et Gilles Gressani (à dr.), les trois fondateurs du Grand Continent, le 14 mai 2024 dans leurs locaux à Paris. | Yvan Pandelé, Heidi.news

Quand trois intellos rêvent de rendre l’Europe sexy… et y parviennent. «L’Europe est un berceau vide où il n’y a pas d’enfant», a un jour écrit Marie-France Garaud, l’éminence grise de la droite française. Nous en avons trouvé au moins trois: un Italien, un Français et une Roumaine, les fondateurs à peine trentenaires du Grand Continent. En cinq ans et quelques crises, ils sont parvenus à créer une revue intellectuelle de référence, en France et bientôt en Europe. Rencontre au cœur de Paris.

La pénible remontada d’Eli Lilly dans la course contre l’obésité. Dans la course aux médicaments anti-obésité, le laboratoire danois Novo Nordisk fait figure de grand pionnier. Mais Eli Lilly a opéré dans les années 2010 un formidable retour, au point de disposer aujourd’hui, avec le Zepbound, du médicament le plus efficace dans cette indication. C’est l’histoire d’un Poulidor qui, à force de pédaler, finit par gagner le tour. Pour l’heure, on débute en queue de peloton.

Le dessin de la semaine

Pitch Comment, pour Heidi.news

Le National veut stopper tout versement à l’Unrwa. Le Conseil national renouvèle sa défiance envers l’Unrwa, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, pourtant dirigée par le diplomate suisse Philippe Lazzarini. La chambre basse du Parlement a approuvé trois motions en ce sens lundi 9 septembre. La plus radicale, émanant de l’UDC, exige de cesser immédiatement toute contribution de la Suisse à cette organisation. Elle a été approuvée par 99 voix contre 88 et 7 abstentions.

Ce vote intervient alors que les représailles israéliennes après l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 ont fait au moins 41’118 morts, selon un bilan du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas. D’après l’ONU, la majorité des morts sont des femmes et des enfants. Avant-hier, l’ONU et l’Union européenne ont condamné la mort de six collaborateurs de l’Unrwa dans une attaque israélienne contre une école abritant des déplacés à Gaza. Celle-ci a tué au total 18 personnes, selon l’ONU, dont des femmes et des enfants.

Il est temps de raconter le monde

🔎 Les Explorations de Heidi.news. Heidi.news, c’est des enquêtes et grands reportages. Découvrez nos Explorations Mon deux pièces-cuisine en Ukraine, On a trouvé des journalistes heureux, Minceur sur ordonnance, ou encore Le Gringo de Genève et la Passionaria, et plongez-vous dans nos Revues imprimées.

Une bouffée d’air frais

Extrait du classement MQR 2024 pour les quotidiens et magazines en ligne

La Media Quality Association mesure depuis 2016 la qualité des médias suisses, en collaboration avec trois instituts universitaires: la Haute école de Lucerne, le Centre de recherche opinion publique et société (fög) de l’Université de Zurich et l’Université de Fribourg. L’édition 2024, rendue publique vendredi 13 septembre, place sans surprise le grand quotidien alémanique NZZ (821 salariés) en tête de sa catégorie principale, avec 79 points.

En seconde position vient… Heidi.news (5 salariés), avec 77 points, devant les autres journaux et sites d’information romands et alémaniques (les journaux populaires, comme le Blick, étant classés à part). Deux axes sont pris en considération: la qualité de l’information mesurée par un panel d’experts, et la qualité perçue par les lecteurs. C’était la première année que Heidi.news, de même que Republik côté alémanique, participait au classement.

Commentaire in extenso: «Les magazines en ligne Heidi.news de Genève et Republik de Zurich apportent une bouffée d’air frais dans le paysage médiatique. Tous deux s’appuient sur des articles de fond issus de recherches internes de haut niveau dans les domaines de la politique, de l’économie, de la société et de la culture. Ils sont de grande qualité et atteignent immédiatement les deuxième et troisième places du classement des groupes.»