Je peux pas, j'ai trail

Un matin de 2023 sur un trail en Haute Maurienne | @ Cyrille Quintard

Annecy, au début de l’été. Pendant que grillent les merguez et circule le rosé, une petite musique s’élève au-dessus du brouhaha de nos retrouvailles. Je passe de groupe en groupe, de discussion en discussion: inutile, c’est la même partout. Hier, c’était la Maxi Race à Annecy, et tous mes amis ici présents semblent l’avoir courue. «Combien t’as mis sur ce tronçon? Ce mec était mythique! T’as fait tous les ravitos? C’était gras, c’était l’enfer!»…

Voilà l’unique et inévitable conversation du jour, comme l’était le sujet de l’immobilier il y a cinq ans, et celui des enfants il y a dix ans. Voilà. A 30 ans, on fait des enfants (deux, trois si on en a les moyens); à 35 ans on achète un appart – une maison si on en a les moyens; à 40 ans, on court des trails – ultra si on en a les moyens.

Je cours depuis mes 8 ans. Cela faisait partie des entraînements physiques pour le ski. Lorsque j’ai arrêté la compétition, j’ai continué à courir. Je cours donc depuis 33 ans, entre 40 minutes et une heure par jour. Naïve, j’ai cru que cette longévité me conférait le rang de coureuse confirmée – je réalise aujourd’hui que je suis ridicule. Ce barbecue m’ennuie, je ne suis pas à ma place. Je sens l’angoisse me gagner. Bon sang, pourquoi n’ai-je pas moi aussi couru cette fichue Maxi Race? J’essaie péniblement de changer de sujet – vous faites quoi pendant les vacances? Rien n’y fait. Ne me reste plus qu’à essayer de comprendre: pourquoi tant de mes amis se sont mis à courir frénétiquement dans la montagne? Et pas moi.

«Je me suis mis un challenge»

«J’ai toujours couru!», lance l’un d’entre eux lorsque je lui pose la question. «Pas comme ça», rétorque sa femme. Il nie. Maxime aura 41 ans dans quelques jours. L’année dernière, il a couru un relais de la Maxi Race (27 km). Cette année, il en fera deux (42 km). Sa femme et ses amis sont assez catégoriques sur la tendance à l’œuvre. Lui, non. «C’est juste que je m’entraine effectivement plus, car je me suis mis un challenge». Pourquoi maintenant précisément? Il ne sait pas.

L’âge moyen des participants de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), dont la course mythique totalise 175 km de distance pour 10’000 mètres de dénivelé, tourne autour de 41 ans. Celui de la Diagonale des Fous à la Réunion est de 44 ans. Selon L’International Trail Running Association (ITRA), l’âge moyen des traileurs dans le monde est de 39,5 ans pour les femmes, et 40,5 ans pour les hommes. Si l’on regarde la courbe de participation par âge, on remarque que c’est entre 35 et 40 ans que les hommes sont les plus nombreux à courir. Pourtant, les statistiques sont claires: même en trail, les performances physiques déclinent une fois passé l’âge de 27 ans. Les coureurs plus âgés courraient-ils donc après autre chose qu’un simple chrono?

L’horloge s’est mise en marche

Antoine s’est mis au trail lorsque l’UTMB l’a recruté. Certes, il travaille dans les bureaux de l’organisation, mais quand on a vue sur le Mont-Blanc, comment résister à l’appel de la cloche? «J’avais quarante ans, je venais de me séparer, j’avais du temps». La suite, on la connaît: «Sainté» (trail urbain à Saint-Étienne), Marathon des sables au Maroc, UTMB… «Ces courses étaient sur ma bucket list, comme grimper le Kilimandjaro ou porter la flamme olympique. J’ai des cases à cocher avant de mourir. Et des choses à me prouver, certainement», confie Antoine.

A quarante ans, on a commencé à perdre – des cheveux sur le caillou, des chevaux dans le moteur, un ou deux amis, un ou deux parents, peut-être, et puis des illusions. Un jour, on s’est réveillé avec quelques rides ou une mauvaise nouvelle, et on a compris que le temps, en fait, ne durait pas si longtemps. A partir de là, l’horloge s’est mise en marche…

Le dessin de la semaine

Pitch Comment pour Heidi.news

Les F-35 vont coûter quelques milliards en plus. Ils étaient déjà hors de prix mais, vous allez rire, ils augmentent encore. La saga des F-35 suisses, choisis pour des raisons géopolitiques inavouées face aux Rafales français, n’en finit plus de rebondir. Les 36 avions de combat achetés pour une somme totale de 6 milliards de francs s’annoncent plus chers que prévu: entre 750 millions et 1,3 milliard de surcoût annoncé, et possiblement à terme jusqu’à 3 ou 4 milliards, bien sûr à la charge de la Confédération.

Berne a déjà signifié son intention de s’en tenir au montant global initialement convenu, mais refuse a priori l’hypothèse d’une rupture de contrat, les F/A-18 de l’armée suisse étant en fin de vie. Ce qui ne laisse que deux options probables: s’aligner sur le prix unitaire américain, par exemple en réduisant le nombre d’avions achetés, ou engager un bras de fer politico-juridique avec Washington pour faire baisser les prix. A votre avis, qui va l’emporter?….

Un sondage Tamedia réalisé en avril 2025 indique que seulement un tiers des Suisses soutient encore l’achat des F-35, tandis que plus de 80% d’entre eux préfèreraient que la Confédération se tourne vers des fournisseurs européens.

Pendant ce temps sur Heidi.news

L’écrivaine Sigríður Hagalín Björnsdóttir dans sa maison à Reykjavik | Alizée Gau, pour Heidi.news

L’Islande est-elle un paradis pour écrivains? En Islande, les récits sont partout: au fond des fjords, au pied des volcans, dans la tête de chaque habitant – qu’il soit libraire, chercheur, activiste ou fermier. Impossible de mettre un point final à cette Exploration sans se pencher sur ceux qui les créent, les colportent, les font vivre: les écrivains. Au pays des histoires, ceux qui vivent de leur plume sont-ils rois?

Et si les semences locales, c’était au coin de la rue? Notre journaliste est allée chercher des graines locales à des milliers de kilomètres. Avant que ce paradoxe ne frappe son esprit et qu’elle en trouve… localement, à cinq minutes de chez elle à Genève. Et voilà qu’un monde s’ouvre, avec des légumes biscornus mais bien suisses. Voilà aussi que des questions importantes se posent. Bien sûr qu’il faut produire ses propres semences, mais comment les vendre au juste prix si personne n’a conscience que c’est crucial et qu’au supermarché, le «bio» provenant du Pérou a un succès fou?

A Madagascar, dans le call center utilisé par Corela pour arnaquer ses patients suisses. Voici le 4e épisode de l’enquête sur la clinique Corela et la façon dont elle survit au scandale, à la fois à Zoug et à Madagascar, où travaillent encore une dizaine de personnes. A l’époque où Corela tournait à plein régime, ces employés malgaches étaient six fois plus nombreux et s’occupaient des expertises depuis Antanarive….

Nota bene: le prochain épisode portera sur la responsabilité des grandes sociétés suisses d’assurance qui avaient recours aux services de l’impitoyable clinique Corela. Il est en cours d’écriture, alors n’hésitez pas à lire ou relire les quatre premiers épisodes en attendant!

Quand les étudiants de Champ-Dollon sont aussi les maîtres du crime. Notre surdiplômé de l’Université du crime de Champ-Dollon (UCCD) guide vos premiers pas dans l’établissement. Si comme lui vous savez lire et écrire, vous pourrez rédiger les lettres de vos camarades et découvrir leur CV, souvent assez costaud: braquages de bijouteries, arnaque à la TVA sur les quotas carbone et on en passe. Enfin, si vous avez choisi cette filière de formation, sachez que la conseillère d’orientation est un peu spéciale. Son rôle est de prolonger vos études en vous faisant avouer des délits que vous avez commis ou pas, avec des moyens légaux ou pas.

«Styliste chez Shein, je deviens folle»: quand la mode devient de l’abattage. Nous quittons le siège historique de Nankin pour le centre de conception de Shein, à Canton. C’est là que Lucy n°2 travaille à la conception des nouveaux modèles, que le géant de l’ultra fast fashion va vendre par millions dans le monde. D’abord enthousiaste, elle a découvert un univers aux antipodes de sa passion pour la mode. Un seul dieu: la donnée. Un seul mantra: la productivité.

Xiaoyi, un des innombrables ateliers de confection de Nancun, près de Canton, qui fournit Shein en vêtements. | Panos Pictures / Qilai Shen

Il est temps de raconter le monde

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Des podcasts sur la course, à écouter quand vous courez

Course épique. L’auteur, Guillaume Lalu, met en avant à la fois des athlètes d’élites, mais aussi des anonymes passionnés qui vivent, à leur échelle, des histoires de courses mémorables, universelles et inspirantes. Pour lui, il n’y a pas de petites ou de grandes victoires, il n’y a que des victoires.

Extraterrien - le podcast des athlètes hors du commun. Astuces, conseils, ressources et articles, sélectionnés par Barthélémy Fendt et inspirés du sport de haut niveau, chaque lundi. Plusieurs épisodes concernent le trail, dont l’interview de Mathieu Blanchard en juillet 2024.

RMC-Running. Gilbert Brisbois reçoit à chaque épisode un invité du monde de la course. Le dernier épisode raconte la Western States 2025, suffocante et spectaculaire. Ce podcast permet aussi de suivre les sorties de libre (les traileurs se sont mis à écrire beaucoup), comme celui de Yoann Stuck, en surpoids, fumeur et fêtard, devenu un des meilleurs ultra-traileurs, ou le livre du fameux «Casquette verte», Alexandre Boucheix, sorti en mai. Lui aussi fumait et buvait…

La bande à D+. Une bande d’experts et de légendes du trail débattent de l’actualité de leur domaine. Le talk-show est animé par Nicolas Fréret de Distances+. Parmi les membres, on trouve Ludovic Collet «la voix du trail», Corinne Favre «la pionnière», Ugo Ferrari «le Duc», Blandine L’Hirondel, double championne du monde de trail, Fiona Porte «la montagnarde fougueuse» et beaucoup d’autres.

Dans la tête d’un coureur. C’est l’un des podcasts trail les plus populaires. Animé par Guillaume et Fred, il propose des thématiques sur l’entraînement, la nutrition, la psychologie sportive, ainsi que des interviews d’athlètes de haut niveau. Les sujets sont variés, avec des conseils concrets pour améliorer ses performances, tout en abordant des questions de fond sur l’importance du mental dans la course.

Dans le bain de Mathieu Blanchard. Dans sa baignoire, Mathieu Blanchard raconte (en 2022), presque au jour le jour, son parcours de préparation pour tenter de gagner l’UTMB, à travers ses courses, ses entraînements, mais aussi les moments plus personnels qui jalonnent sa vie d’athlète.

Sophie Guignard, une bio express

Ex-banquière chez Lazard, Sophie Guignard-Lacroix a aussi dirigé un magazine culturel à Buenos Aires avant de rejoindre le journal Le Monde puis de participer à la création de Heidi.news. Elle vit aujourd’hui à Annecy où elle partage son temps entre l’écriture (Je choisis donc je suis, Flammarion, 2021, est son premier livre) et l’organisation des conférences Les Sommets, où 250 chefs d’entreprises prennent le temps du recul pour penser les grandes transformations auxquelles ils font face.