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A la rĂ©daction, on mâa souvent surnommĂ©e «Mme Berset». CâĂ©tait pendant la pandĂ©mie de Covid. Il est vrai quâentre fĂ©vrier 2020 et avril 2022, je voyais plus souvent le ministre de la santĂ© que mes collĂšgues. CâĂ©tait lâĂ©poque du tĂ©lĂ©travail gĂ©nĂ©ralisĂ©, lâĂ©poque oĂč je passais plus de temps Ă Berne quâĂ GenĂšve, oĂč se trouve la rĂ©daction de Heidi.news. De cette Ă©poque pas si lointaine, jâai conservĂ© un mug dans lequel je bois mon cafĂ© le matin. On peut y lire:
«Aussi vite que possible, aussi lentement que nécessaire».
La petite phrase dâAlain Berset date dâavril 2020, en pleine croissance exponentielle des cas de Covid. Le Conseil fĂ©dĂ©ral avait pris le pouvoir et le Fribourgeois dirigeait, dĂ©cidait, tranchait. Il prenait aussi des coups, entre menaces et insultes, «dâune brutalitĂ© quâon ne peut mĂȘme pas imaginer», a-t-il relevĂ© lors de sa confĂ©rence de presse du jour.
Alors quâil vient dâannoncer son dĂ©part du CollĂšge, le fameux slogan du conseiller fĂ©dĂ©ral en charge de la santĂ© mâaccompagne. Il part donc aussi vite que possible, mais aussi lentement que nĂ©cessaire. Il laisse ainsi le temps Ă son parti, le PS, dâorganiser sa succession et aux autres partis de proposer leurs candidats: les Verts et les VertâlibĂ©raux sont dĂ©jĂ en embuscade.
Il laisse aussi derriĂšre lui un DĂ©partement fĂ©dĂ©ral de lâIntĂ©rieur (DFI) profondĂ©ment marquĂ© par son passage de douze ans. Et avec 29 votations Ă son actif, dont il a gagnĂ© une majoritĂ© de scrutins, il est le conseiller fĂ©dĂ©ral qui a menĂ© le plus de campagnes politiques devant le peuple.
Mais que retiendrons-nous de lui?
A lâheure du bilan, il est plus facile de se remĂ©morer les rĂ©ussites que les Ă©checs. Sa gestion de la crise Covid est saluĂ©e par la majoritĂ© de la population et des politiciens. A lâimage du conseiller national Philippe Nantermod (PLR/VS) qui a saluĂ© son courage dans la gestion de la pandĂ©mie.
Le Covid, câest certainement ce que lâhistoire retiendra de son passage au Conseil fĂ©dĂ©ral. «Monsieur Covid» il a Ă©tĂ©, «Monsieur Covid» il restera dans la mĂ©moire collective du pays. Et ce, aussi longtemps que nĂ©cessaire. Aussi longtemps, en fait, que les problĂšmes liĂ©s Ă la gestion du Covid par lâexĂ©cutif fĂ©dĂ©ral nâauront pas Ă©tĂ© analysĂ©s jusquâau bout.
- Ici, je pense au certificat Covid qui a divisĂ© la population sans pour autant avoir fait la preuve quâun dĂ©tenteur dudit certificat nâĂ©tait pas contagieux. Ce qui Ă©tait le but officiel de son instauration dans le pays, comme me le confirmait Alain Berset dans une interview en mai 2021.
- Je pense aussi aux achats de vaccin anti-Covid, Ă leurs quantitĂ©s, Ă leurs coĂ»ts, mais surtout au secret qui a entourĂ© lâensemble de ce dossier.
- Je pense encore aux affaires du «ministre» et aux fuites orchestrées vers le groupe Ringier.
Ces Ă©pisodes difficiles ne rĂ©ussissent pas Ă masquer la rĂ©alitĂ©: Alain Berset a Ă©tĂ© un sacrĂ© capitaine dans la tempĂȘte! Il a tenu la barre trĂšs fort, maintenu un cap et proposĂ© des mesures plus proportionnĂ©es que bien dâautres pays confrontĂ©s Ă la mĂȘme menace sanitaire.
Le fiasco de la santé et du social
Mais la pĂ©riode Covid ne doit pas non plus effacer une autre rĂ©alitĂ©: ses Ă©checs en matiĂšre de politique de santĂ©. Sans chercher dans mes archives, jâai tentĂ© de me remĂ©morer les rĂ©ussites dans ce dossier sensible. Je nây arrive pas. Ce qui reste de son action, câest lâimmobilisme, les blocages et son incapacitĂ© Ă former des majoritĂ©s au Parlement pour faire passer ses rĂ©formes.
En confĂ©rence de presse, il saluait le fait dâavoir maintenu la franchise minimale Ă 300 francs et dâavoir rĂ©ussi Ă empĂȘcher une limitation des prestations. Bien maigre bilan, surtout que la facture est salĂ©e:
- Il nâa pas rĂ©ussi Ă endiguer la hausse des coĂ»ts de la santĂ©, ni mĂȘme Ă les maĂźtriser. Les primes dâassurance maladie et les coĂ»ts Ă la charge des finances publiques se sont envolĂ©es sous son mandat.
- Ses projets de réforme du systÚme de santé se sont heurtés à des murs au Parlement lors de ses trois législatures.
- Ses convictions politiques lâont souvent poussĂ© à «schubladiser» (mettre au placard) des propositions issues de la droite â Efas et Tardoc, pour nâen citer que deux.
- Sa volontĂ© de calculer les primes au plus juste, selon une doctrine aussi opaque quâincomprĂ©hensible, gĂ©nĂšre des externalitĂ©s nĂ©gatives Ă charge des payeurs de primes.
- Le dossier Ă©lectronique du patient est un fiasco complet qui a coĂ»tĂ© des dizaines de millions et qui devra ĂȘtre rĂ©formĂ©.
- La prĂ©vention nâa pas non plus bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun Ă©lan majeur durant son rĂšgne.
- Sans compter son plus grand Ă©chec politique, et lĂ on quitte le domaine de la santĂ©: le rejet dans les urnes en septembre 2017 de la rĂ©forme des retraites PrĂ©voyance vieillesse 2020. Une dĂ©faite amĂšre pour celui qui sâĂ©tait engagĂ© avec force pour dĂ©fendre le compromis obtenu de haute lutte au Parlement.
- Enfin, il restera dans lâhistoire le conseiller fĂ©dĂ©ral qui a fait passer lâĂąge de la retraite des femmes Ă 65 ans, contre son clan politique.
Alain Berset sâen va en ayant fait du Covid une rĂ©ussite politique, mais en laissant la santĂ© dans un plus piĂštre Ă©tat quâil ne lâavait reçue. Et câest surtout sur le dossier de la santĂ© quâon attendait un sacrĂ© capitaine. Le Covid nâest peut-ĂȘtre quâun arbre qui cache une forĂȘt dâĂ©checs.
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