Le Liban, l'art du chaos et de la débrouille

Un ancien des forces de sécurité libanaises manifeste avec un masque improvisé devant le siège du gouvernement à Beyrouth, le 28 février 2024, pour réclamer une revalorisation des pensions face à la chute vertigineuse de la livre libanaise. | Keystone / EPA / Wael Hamzeh

🌐 Découvrir l’Exploration en ligne 🌐

Le Liban, Etat failli?

➢ «Ayez pitié de la nation dont le politicien est un renard, dont le philosophe est un bateleur, et dont l’art est l’art du rapiéçage et du pastiche.»
➢ Ce vers du poète de renom Khalil Gibran, dans Le Jardin du Prophète (1934), rappelle que ce n’est pas d’hier que le Liban est vu comme un Etat au destin contrarié.
➢ Le pays est divisé entre de nombreuses communautés, souffre des stigmates de la guerre civile, et n’a eu de cesse de subir l’instabilité chronique de la région.

Ces dernières années.

➢ Le politologue franco-libanais Ziad Majed (American University of Paris) évoque deux faillites:
 ● politique: le modèle institutionnel à la Suisse ne fonctionne pas dans un pays aussi divisé et clientéliste.
 ● économique: la corruption est endémique et depuis 2016, la livre a perdu sa valeur, les caisses sont vides et les banques asphyxiées.

🚨 L’explosion du port de Beyrouth en 2020, traumatisme national, n’a fait que souligner ces deux faillites.

Ces derniers mois. Depuis la guerre entre le Hamas et Israël, le Liban est de nouveau déstabilisé:
➢ Les échanges de tir ont repris entre Israël et le Hezbollah, parti-milice chiite très implanté au Sud-Liban.
➢ Israël menace d’envahir à nouveau le Sud-Liban, pour éliminer ce qu’il considère comme une menace.
➢ Beaucoup soupçonnent Netanyaouh de vouloir poursuivre la guerre coûte que coûte pour se maintenir au pouvoir.

Pourquoi en parler?

➢ Le tableau paraît sombre, mais le Liban est bien plus que la somme de ses problèmes.
➢ Le Liban a une histoire riche, très entremêlée à l’Occident, et une culture flamboyante. Tous ceux qui le connaissent développent un attachement souvent viscéral pour le pays et ses habitants.
➢ Plongés dans ce contexte difficile, parfois absurde, les Libanais font preuve de résilience, d’inventivité et de débrouille

☝️ C’est pourquoi nous avons intitulé notre Exploration «Liban, l’école du chaos». Il y naît aussi des choses belles et fortes.

Quelques exemples?

🏦 C’est cette jeune Libanaise qui tente de braquer la banque de sa sœur pour payer son traitement contre son cancer.
🎉 Ce sont ces noceurs de Beyrouth, connue pour ses nuits enfiévrées et ses doudou shots, qui continuent tant bien que mal.
💰 Ce sont ces Maronites près de Paris, qui s’organisent pour envoyer de l’argent et soutenir les familles restées au pays.
✋ C’est cet habitant de Kfarchouba, à la frontière sud, qui refuse que des combattants du Hezbollah viennent tirer de sa maison, même si cela veut dire renoncer à une rente de 100 dollars par mois.

➥ Ces histoires et bien d’autres, vous les trouverez dans notre série de reportages ci-dessous.

Les épisodes publiés à ce jour

Le Pavé, dans le quartier branché de Gemmayzé, a ouvert à l’été 2023. «Je l’ai appelé comme ça parce que les rues pavées de Gemmayzé ont été bien endommagées lors de l’explosion», raconte le propriétaire du bar. | Itzel Marie Diaz

Episode 1. Au Liban, les pêcheurs en guerre contre la mer. Sur le littoral libanais, les pêcheurs d’une Méditerranée toujours plus polluée tentent de survivre à la crise économique que traverse le pays. À Tripoli, ville portuaire à deux heures au nord de Beyrouth, la pêche à la dynamite est devenue une façon facile de se procurer du poisson rapidement, malgré les risques encourus et au détriment de la nature.

Episode 2. Le Liban, de Suisse du Moyen-Orient à pays de chaos. Le Liban est ballotté comme un confetti dans le chaudron du Moyen-Orient. Pour comprendre ce pays, il faut en retracer l’histoire longue, celle d’une nation morcelée et d’un Etat qui échoue à faire nation. C’est ce que nous avons demandé au chercheur et politologue franco-libanais Ziad Majed, directeur du programme des études du Moyen-Orient à l’American University of Paris.

Episode 3. Sur les routes de l’exil, les Libanais sont des moins que Syriens. Le Liban traverse une crise économique sans précédent. La classe moyenne s’est effondrée et les pratiques illégales sont reines. Les Libanais rejoignent désormais les réfugiés syriens sur des navires de fortune en direction de l’Europe. Confidences d’un passeur fortuné et de migrants ayant échoué dans leur traversée.

Episode 4. A Beyrouth, la fête tant bien que mal. Capitale mondiale de la fête, Beyrouth n’attire plus les noctambules du Golfe, de l’Occident et de la diaspora libanaise. Mais les locaux entretiennent avec obstination la flamme de la fête «à la libanaise», face aux spectres conjugués de la crise économique et du retour de la guerre dans la région. Danser au bord d’un volcan, c’est toujours danser.

Episode 5. Comment devient-on combattant du Hezbollah? Ala* fait partie des Brigades de la résistance libanaise, une milice affiliée au Hezbollah qui se bat contre Israël au Sud-Liban. De retour du front, il a accordé deux heures à Heidi.news pour relater son parcours, bravant l’interdiction faite aux combattants de s’exprimer publiquement. Un témoignage rare.

Episode 6. C’est l’histoire d’un pays qui survit par ceux qui en sont partis. Depuis quatre ans, le Liban est à genoux et survit sous perfusion de sa diaspora. Il y a plus de Libanais à l’extérieur du pays que sur la terre des Cèdres. Partout, cette population d’exilés tente de garder le pays hors de l’eau, en y envoyant des milliards chaque année.

Episode 7. Confessions d’un dealer d’armes à feu: «C’est typiquement un cadeau pour une femme». Du dernier colt à la kalachnikov en passant par un fusil d’assaut français ou de la mauvaise contrefaçon turque, Mohammad vend des armes au noir depuis vingt-cinq ans. Avec une nouveauté: avec le marasme que connaît le Liban, offrir une arme de poing est devenu un cadeau de choix. Immersion exclusive dans un marché presque comme les autres.

Episode 8. Dans le village libanais où la vie vaut 100 dollars. Le lendemain de l’attaque du Hamas contre Israël, les habitants de Kfarchouba, village frontalier du Sud-Liban, ont fui en masse une invasion israélienne qui n’est jamais venue. Depuis, ils sont comme suspendus dans le temps, au pied d’une base militaire israélienne, n’osant ni s’aventurer dans les champs d’oliviers, ni partir, vivant malgré eux des subsides du Hezbollah.

Et ce n’est pas fini! Continuez à nous suivre, de nouveaux épisodes vont encore paraître sur notre site…

Un soldat du Hezbollah portant le drapeau libanais à l’occasion d’une parade militaire pour la journée d’Al-Quds de solidarité aux Palestiniens, le 5 avril 2024 en banlieue de Beyrouth. Il ne s’agit pas du combattant qui témoigne dans notre article. | Keystone / EPA / Wael Hamzeh