Avant d'entrer dans le vif

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Union sacrée au Conseil d'Etat - mais laquelle?

Les élues de droite au Conseil d’Etat, Nathalie Fontanet, Delphine Bachmann et Anne Hiltpold lancent leurs bouquets de fleurs dimanche près de l’Hôtel de Ville (KEYSTONE/Martial Trezzini)

Genève finit par déjouer les scénarios les plus trashs pour élire un gouvernement de centre droit ET progressiste. Des femmes, en majorité, et des hommes qui tous plaisent et sont élus tout autant par la gauche que par la droite.

➢ Pierre Maudet revient au Conseil d’Etat, mais les choses ont changé. Le vrai boss à Genève aujourd’hui, c’est une femme, son ancienne co-listière Nathalie Fontanet. Scrutin de tous les superlatifs: la Conseillère d’Etat PLR a explosé dimanche les compteurs de l’histoire du canton. Sept électeurs sur onze ont voté pour elle, de droite, de gauche et du milieu.

➢ Ointe par la volonté populaire quasi unanime et très habile politiquement, Nathalie Fontanet tient désormais les clés du futur Conseil d’Etat; elle a également l’autorité nécessaire pour faire le jeu non seulement au gouvernement mais aussi dans son parti, comme au sein de la droite genevoise élargie.

Qui va faire quoi? Union ou désunion? Voilà les grandes questions du futur gouvernement au lendemain du scrutin cantonal genevois.

➢ L’union sacrée face à - ou avec - Pierre Maudet?. L’enjeu crucial pour ce nouveau gouvernement sera «tout sauf divisé» s’il ne veut pas exploser en route. Prendre garde donc à pas isoler l’ancien nouveau Conseiller d’Etat, ni offrir non plus à Pierre Maudet le rôle de «pivot» que ce dernier revendique. La recomposition, puis l’attribution des départements devrait donc être largement subordonnée aux intérêts de concordance générale. Il y a deux départements dont on ne ressort jamais grandi: le DIP et la mobilité. Quelques semaines de patience encore seront nécessaires pour savoir qui de Thierry Apothéloz ou de Delphine Bachmann prendra la Santé, d’Anne Hiltpold ou de Pierre Maudet l’Instruction publique… Une seule chose est certaine, le Vert Antonio Hodgers devrait prendre la présidence de ce nouveau collège intronisé le 31 mai.

➢ Quel département pour Pierre Maudet? Grande question dont la réponse dépendra notamment de la sagesse et de l’entente tactique entre tous les conseillers d’Etat. Rien n’empêche en théorie Pierre Maudet de diriger le dicastère qu’il souhaite, y compris la sécurité, quand bien même il a été condamné et que sa peine pour acceptation d’un avantage n’est toujours pas fixée. La mobilité, l’instruction publique et la santé font partie cependant des départements vierges de tout contentieux avec l’ancien nouveau magistrat.

Au-delà du gouvernement, les grands enjeux politiciens à venir tiennent en quelques points :

➢ Quelle recomposition pour la droite? Le PLR va-t-il finir par réintégrer Pierre Maudet? Ou s’achemine-t-on vers des apparentements à la façon En Marche d’Emmanuel Macron en France avec une constellation de partis alliés? Tout dépendra de la nouvelle présidence du parti nommée en juin – les candidats ne se bousculent pas au portillon tant l’avenir s’annonce compliqué (on parle de Natacha Buffet-Desfayes ou de Pierre Nicollier). Tout dépendra aussi de la volonté de Nathalie Fontanet, nouvelle patronne de la droite.

➢ La fin du MCG? La non-élection de Philippe Morel et les soupçons portés sur sa personne nuisent gravement aux prétentions de Mauro Poggia à emporter un siège au Conseil des Etats à l’automne. S’il rate la marche vers Berne, l’ancien magistrat pourrait raccrocher et le MCG perdre sa locomotive. Idem au Grand Conseil où une OPA sur le groupe pourrait être tentée, en particulier par Pierre Maudet qui pourrait vouloir aussi à terme mettre une option sur la reprise de cet électorat.

Indomptable Grand Conseil. Le parlement genevois est culturellement un nid d’opposition, oppositions en son sein, opposition au Conseil d’Etat. Une culture gage du pire avec la composition aujourd’hui peut-être plus que jamais, divisé grosso modo entre quatre obédiences minoritaires pour chacune: gauche (Verts et PS), centre pro-Etat (le Centre, Liberté et Justice sociale, MCG), droite libérale (UDC-PLR). A cela près qu’aujourd’hui, plusieurs de ces groupes devraient suivre plus docilement leur magistrat (PLR/PS/LJS).

Un peu de data sur ces élections

Notre journaliste Grégoire Barbey s’est penché sur les résultats.

Sur 115’828 bulletins valables, on comptabilise 2595 bulletins différents, alors qu’il existait 3302 combinaisons possibles (contre 390’656 combinaisons possibles au premier tour).

Voici les cinq combinaisons qui ont fait le plus de voix:

➢ La combinaison la plus fréquente comporte le quatuor de gauche, à savoir Thierry Apothéloz, Carole-Anne Kast, Fabienne Fischer et Antonio Hodgers (17’560 bulletins).

➢ Le ticket de l’Alliance genevoise, qui réunit Nathalie Fontanet et Anne Hiltpold (PLR), Delphine Bachmann (Le Centre), Philippe Morel (MCG) et Lionel Dugerdil (UDC), arrive en deuxième position des combinaisons les plus fréquentes (8020 bulletins).

➢ En troisième position, on retrouve quelque 7569 bulletins avec les cinq candidats de l’Alliance genevoise ainsi que Pierre Maudet.

➢ Quatrième, 6383 bulletins contenant uniquement le nom de Pierre Maudet.

➢ En cinquième position, on trouve 4574 bulletins avec Nathalie Fontanet, Anne Hiltpold, Thierry Apothéloz, Antonio Hodgers, Delphine Bachmann, Carole-Anne Kast et Fabienne Fischer.

On relèvera la présence de 996 bulletins blancs.

Conclusions?

➢ Certains représentants de l’Alliance de droite, en particulier le MCG, semblaient hier déçus de cette union de circonstance. Ces données tendent pourtant à prouver que les électeurs de droite ont favorisé la dynamique de l’alliance.

➢ La droite a rentré plus de bulletins contenant l’ensemble de son alliance (avec parfois un ou deux noms supplémentaires) que ne l’a fait la gauche, laquelle est réputée beaucoup plus disciplinée.

➢ La droite ne semble en tout cas pas avoir «sanctionné» Philippe Morel pour l’enquête de Heidi.news ayant révélé la greffe controversée d’un patient émirati en 2006, contrairement à ce que l’intéressé a pu écrire hier soir sur Facebook. A noter qu’il conteste nos informations et affirme qu’il va «traîner le média incriminé devant la justice, de même que les médecins qui sont derrière.»

➢ Par ailleurs, les données de la Chancellerie indiquent qu’au soir du 20 avril, date de la publication du premier article de Heidi.news sur Philippe Morel, 57’164 bulletins avaient déjà été reçus, soit la moitié des votes.