Bonjour, câest Kylian pour votre Point fort du jour.
Aujourdâhui, je vous parle de lâaçai, cette petite baie brĂ©silienne. Vendue comme un «superfruit», elle fait fureur Ă GenĂšve.
Ce qui nous amĂšnera Ă parler de superaliments, de peuples autochtones et de quinoa.
Je vous dis tout. |
Avant d'entrer dans le vif
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Lâaçai, «superfruit» brĂ©silien qui sâattaque au marchĂ© suisse
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Un bol d’açai tel qu’il est vendu dans les commerces occidentaux I © Marco Verch / Flickr
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➢ Lâaçai rencontre un franc succĂšs Ă GenĂšve: au moins une dizaine de commerces le proposent Ă la vente, souvent sous forme de smoothie pourpre trĂšs instagrammable. Câest plus quâĂ Lausanne, BĂąle et Zurich rĂ©unies.
➢ Mais cette baie ne pousse pas en Suisse. Ce fruit nous vient directement des palmiers de la forĂȘt amazonienne, au BrĂ©sil surtout. A GenĂšve, câest la communautĂ© brĂ©silienne qui a importĂ© la tendance.
La vieille histoire d’un aliment traditionnel.
➢ Historiquement, lâaçai fait partie de lâalimentation des peuples autochtones amazoniens.
➢ Un mouvement de reconnaissance de ces peuples, dans le cadre du sommet de Rio en 1992, a popularisĂ© cette baie. Nathalie Cialdella, agronome et chercheuse au Centre de coopĂ©ration internationale en recherche agronomique pour le dĂ©veloppement (Cirad):
«Toutes les personnes sensibles Ă lâenvironnement ont alors vu dans la consommation de lâaçai une maniĂšre de soutenir les populations autochtones»
➢ De 1000 hectares en 1994, la culture de lâaçai reprĂ©sente dĂ©sormais plus 135â000 hectares de forĂȘts. A titre de comparaison, depuis les annĂ©es 2000, environ 13 millions d’hectares de forĂȘt ont Ă©tĂ© dĂ©boisĂ©s pour produire du soja.
Ce quâil faut savoir. La dĂ©forestation Ă des fins de culture agricole est un phĂ©nomĂšne bien identifiĂ© en Amazonie, notamment pour le soja. Pourtant, les enjeux autour de lâaçai sont diffĂ©rents, selon Nathalie Cialdella:
«En Amazonie, la forĂȘt a toujours valu «zĂ©ro». Lâaçai permet de montrer quâil est possible dâĂ©tablir des Ă©conomies basĂ©es sur une forĂȘt qui nâest pas dĂ©truite.»
➥ Certaines plantations naissent en terre ferme amazonienne, loin des marĂ©cages oĂč pousse naturellement lâaçai. Un nom est donnĂ©: «lâaçaisation».
â Le dĂ©but dâune industrie en monoculture? Nathalie Cialdella tempĂšre:
«Les populations locales ont eu tendance Ă favoriser lâaçai par rapport Ă dâautres espĂšces, pour rapprocher les cultures plus prĂšs des habitations. Cette technique reste trĂšs localisĂ©e par rapport Ă lâimmensitĂ© de la forĂȘt amazonienne.»
Lâargument marketing.
➢ Si on retrouve de lâaçai un peu partout en Suisse et en Europe, câest pour son cĂŽtĂ© «super-aliment», dont les sportifs raffolent.
➢ Graines de chia, baies de Goji ou mĂȘme avocats, on les appelle ainsi parce quâils affichent des apports nutritionnels supposĂ©s intĂ©ressants, notamment des antioxydants, des vitamines et des protĂ©ines.
âïž CĂŽtĂ© science, câest un peu plus complexe. Il nâexiste pas de dĂ©finition scientifique de ce quâest un superaliment.
➥ Dans l’açai, ce sont surtout les anthocyanes, Ă qui on prĂȘte des qualitĂ©s antioxydantes, qui justifient le qualificatif de «superaliment». Mais la sociĂ©tĂ© suisse de nutrition nâest pas emballĂ©e: il nây en a pas plus dans lâaçai que dans les myrtilles suisses…
Une trajectoire «à la quinoa». Un autre «superaliment» super connu qui a eu un super succĂšs, câest le quinoa.
➢ En 2013, lâONU dĂ©clare lâ«annĂ©e internationale du quinoa» et lance une importante campagne de promotion. RĂ©sultat: la demande sâenvole, la production aussi.
➢ Effet immĂ©diat: aprĂšs sâĂȘtre envolĂ©, le prix du kilo de quinoa est depuis en forte baisse, ce qui a causĂ© des tensions pour les populations locales qui vivent de son Ă©conomie.
➥ Pour Nathalie Cialdella, une explosion de la production industrielle dâaçai ne va pas de soi. Trois raisons principales:
● La rĂ©colte de lâaçai sauvage se fait surtout par les autochtones, dans des zones humides difficiles dâaccĂšs.
● Une culture industrielle consommerait beaucoup dâeau (120 litres par pied), avec des coĂ»ts de transformation Ă©levĂ©s.
● Cette baie se dĂ©grade rapidement, de sorte qu’il est dĂ©licat de la transporter sur de longues distances.
➥ Pour lâinstant, la consommation d’açai au BrĂ©sil reste trĂšs locale: environ 80% dans les Etats amazoniens, 15% dans le reste du pays et 5% Ă lâinternational. Si la tendance se poursuit, reste Ă voir comment les producteurs pourront rĂ©pondre Ă la demande.
đ Lire la version Ă©toffĂ©e sur Heidi.news đ (FR)
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Il est temps de raconter le monde
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L’explosion de la production.
Aujourdâhui, 1,5 million de tonnes de fruits sont produites selon les chiffres enregistrĂ©s en 2018, «mĂȘme s’il y a Ă©normĂ©ment de donnĂ©es non rĂ©pertoriĂ©es, notamment par rapport Ă lâautoconsommation», nous dit Nathalie Cialdella. La superficie consacrĂ©e Ă la culture de l’açai (en jaune ci-dessus) a connu une poussĂ©e fulgurante depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, augmentant mĂ©caniquement la production (en vert). Un succĂšs commercial motivĂ© par les marchĂ©s internationaux? Non, 80% de la production est toujours consommĂ©e en Amazonie.
Lire l’interview complĂšte sur Heidi.news (FR)
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Aller simple vers le Brésil.
Dans ce reportage de 13 minutes, Arte nous fait voyager dans lâEtat du ParĂ , oĂč lâon cĂ©lĂšbre la baie dâaçai, «fruit de la survie», plus consommĂ© que le lait de vache dans cette partie du BrĂ©sil. On sây inquiĂšte du prix en augmentation, et de lâessor des monocultures.
Arte (accĂšs libre) (FR)
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Le quinoa boom.
Nous en parlions plus haut: l’açai va-t-il connaĂźtre la mĂȘme trajectoire que le quinoa? En 2016, LibĂ©ration a publiĂ© une superbe enquĂȘte sur le dĂ©veloppement de cette graine, «des hauts plateaux andins Ă nos assiettes». Ou comment ses exportations en hausse de 260% entre 2012 et 2014 (vers les Etats-Unis et lâEurope, selon la FAO) ont dĂ©stabilisĂ© les agriculteurs boliviens et pĂ©ruviens.
Libération (accÚs libre) (FR)
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Superfruit, vraiment?
Pour rencontrer un marchĂ© toujours plus important dans les pays occidentaux, lâaçai est volontiers vendu comme un «superfruit». L’argument marketing est connu, puisqu’il concerne Ă©galement avocats, curcuma ou mĂȘme la banane, premier superfruit. LâĂ©cole de santĂ© publique de Harvard fait le point sur lâaspect nutritif de ces superaliments, et recommande plutĂŽt une super assiette.
Site de la Harvard School of Public Health (accĂšs libre) (EN)
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Avenue du Bouchet 2
1209 GenĂšve
Suisse
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