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Dix-neuf. Pour les Chinois, friands de symboles, ce nombre connote la réussite et la progression vers ses objectifs.
➢ Pour Zhang Wei (nom modifié), jeune trentenaire d’une métropole du centre de la Chine, c’est le nombre d’emplois qu’il a occupés depuis qu’il a quitté l’université…
➢ 💼 Vendeur au porte-à-porte, barman, libraire-barista, démarcheur téléphonique, collecteur de dettes… Il a tout essayé, mais il finit toujours par partir ou se faire licencier en quelques semaines.
➢ Sorte de Monsieur Malaussène chinois, Zhang Wei est le héros de notre Exploration «Les tribulations d’un larbin en Chine».
🚨 Qu’est-ce qui ne va pas chez lui?
☝️ Ou plutôt, que nous disent ses problèmes de la société chinoise?
Trop sensible. A l’épisode 2, Zhang Wei doit démarcher des gens pour leur proposer des prêts à la consommation.
➢ Mais avant ça, lui-même, qui tire le diable par la queue, a dû acheter des cartes de visite à ses frais.
➢ Il finit par toquer à la porte d’un kebab en difficulté pour proposer ses services, et se fait sortir manu militari: «Fiche le camp!».
👉 La réaction de l’intéressé: «Ce serait un peu plus acceptable si tout allait bien pour lui et que j’étais le seul dans le besoin. Mais nous étions tous les deux dans une situation difficile. Aucun de nous n’avait tort, je ne pouvais blâmer personne. Je me suis juste senti mal à l’aise.»
➥ Zhang Wei tiendra trois mois dans ce job…
Les coulisses d’une Explo. 🪶Ce long portrait a d’abord été publié en chinois en 2024 et sélectionné pour les True Story Awards.
➢ Son auteur Chengjie Wu, jeune journaliste et producteur de podcasts formé à l’Université de Pékin, s’intéresse à la façon dont les jeunes vivent les grands bouleversements de la société chinois.
➢ Pendant une semaine, il a dormi chez Zhang Wei et lui a demandé, au cours de longues interviews menées le soir dans son modeste salon, de relater sa vie de jeune travailleur de la classe moyenne.
👉 Ce qu’en dit l’auteur: «Zhang Wei est une personne très sensible et délicate, qui s’inquiète beaucoup pour les autres. Il fait attention aux petits détails au travail et aux relations personnelles, ce qui finit par représenter un fardeau psychologique écrasant.»
Une histoire parmi d’autres. Je pourrais vous relater un autre parcours, celle de Mei (prénom modifié), fille de la campagne montée à Shanghai, moins de 30 ans.
➢ Depuis des années, Mei est assistante de direction dans un groupe international, un bon poste qui lui assure un niveau de vie raisonnable et de la stabilité.
➢ Un beau jour tombe un plan social: les deux tiers des employés sont remerciés. Elle est du lot. Mei ne se laisse pas décourager, envoie des CV partout, se heurte à des recruteurs qui lui demandent tous ses mensurations.
➢ Elle finit par décrocher un poste d’assistante personnelle auprès d’une directrice de société d’e-sport, qui la tyrannise et la traite comme une domestique.
➥ Mei ne tient que quelques semaines avant de démissionner.
Un mouvement de fond. 📈 Cette dureté du marché du travail est très commentée sur le web chinois, dernier espace effectif de contestation politique.
➢ On parle de diaosi (屌丝), la version chinoise du loser, de neijuan (内卷), traduction du concept américain d’involution, pour dire une société déchirée par une compétition exacerbée et la crainte maladive du déclassement.
➢ Dernièrement, en 2021, on a vu naître le mouvement tangping (躺平), c’est-à-dire le fait de revendiquer de rester allongé sur son lit plutôt que participer à la course effrénée pour la réussite sociale.
➢ Autre tendance, on parle de «bœufs et chevaux» pour désigner un dévouement total au travail qui confine à l’abrutissement, menant à avoir la vie d’un animal de trait.
🚨Tous disent peu ou prou la même chose: le désemparement d’une classe moyenne chinoise pour qui le miracle économique des années 1980-2010 se termine et qui se trouve confrontée à une société dure, matérialiste, corrompue.
👉 Comme le dit Chengjie Wu: «Je crois qu’il y a beaucoup de Zhang dans les grandes villes chinoises».
Une Exploration à lire sur Heidi.news
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