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Bonjour, c’est Serge Enderlin, pour vous donner mon Point de vue du vendredi.

C’est le jour oĂč votre newsletter laisse la place Ă  un chroniqueur, sur la politique, les neurosciences, la justice climatique ou, en ce qui me concerne, l’international.

Avec la guerre en Ukraine, on nous dit que la Suisse a changĂ©, qu’elle n’est plus le pays qui profita de l’or des nazis.

J’aimerais en ĂȘtre aussi sĂ»r. Les autres pays aussi.

photo journaliste

Serge Enderlin, Lausanne

21.04.2023

Avant d'entrer dans le vif

đŸ’„ EXCLUSIF — Le Dr Philippe Morel, candidat genevois, a court-circuitĂ© le don d’organes. Au profit d’un riche patient Ă©mirati et au dĂ©triment d’un patient suisse, dont l’un est dĂ©cĂ©dĂ©.

📄 Affaire Philippe Morel: voici les documents qui contredisent sa dĂ©fense. Ils montrent que le don d’organes a bien Ă©tĂ© court-circuitĂ© par le chirurgien et candidat genevois.

đŸ‡źđŸ‡± SoirĂ©e poker Ă  Tel-Aviv, entre mercenaire et financiers. OĂč l’on parle de la taille des concombres et de la guerre avec le mĂȘme ton. Sans oublier de relancer.

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De l'art d'accomoder l'ours de Sibérie

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En visite officielle Ă  Berlin, le 18 avril 2023, le prĂ©sident de la ConfĂ©dĂ©ration Alain Berset est apparu particuliĂšrement fermĂ© aux demandes allemandes d’un alignement plus franc en faveur de l’Ukraine. | Keystone / EPA / Clemens Bilan

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Imagine-t-on sĂ©rieusement, un seul instant, un oligarque russe parquer son fric dans une banque allemande ou française avec tous les risques que cela supposerait de le voir prestement confisquĂ©? MĂȘme mal dĂ©grossi, mĂȘme peu Ă  l’aise dans les subtilitĂ©s des langues Ă©trangĂšres, n’importe quel ours milliardaire de SibĂ©rie dispose du minimum de matiĂšre grise requis pour savoir qu’un magot bien planquĂ© en Europe ne peut l’ĂȘtre qu’en Suisse, encore et toujours. Le yacht prĂ©sidentiel Ă  Antibes (dĂ©sormais Ă  Bodrum), c’est une chose; mais pour l’homme de paille, il n’y a pas quinze solutions.

Tout a changĂ© depuis la fin du secret bancaire? Oui, tout, sauf ça. Trois dĂ©cennies aprĂšs le grand pillage des anciens biens publics soviĂ©tiques, notre ours a appris que GenĂšve, Zoug et Lugano, pour ne citer que ces trois-lĂ , disposent d’une camarilla d’avocats Ă  tout faire, conseillers, fiscalistes, dont la morale n’étouffe pas la crĂ©ativitĂ©. En anglais, on appelle ces gens des enablers, un vocable qui recouvre mieux la variĂ©tĂ© de leur potentiel que le mot français d’intermĂ©diaires ou de facilitateurs.

Les pourvoyeurs de possible

Avec un enabler, on rĂšgle tout: le collĂšge privĂ© pour les enfants dans les Alpes, le shopping chez les joailliers de la rue du RhĂŽne pour madame, et le trust offshore dans les Iles Vierges britanniques pour monsieur, qui est par ailleurs vice-ministre de la dĂ©fense Ă  Moscou, occupĂ© Ă  massacrer des Ukrainiens Ă  coups de missiles de croisiĂšre sur des zones d’habitation pendant ses heures de bureau. L’histoire est ici, documentĂ©e par la Fondation anticorruption de l’opposant russe AlexeĂŻ Navalny, en train de mourir Ă  petit feu dans une geĂŽle de la dictature poutinienne.

Le droit suisse, nous dit-on, a fait de grands progrĂšs ces quinze derniĂšres annĂ©es pour encadrer les activitĂ©s bancaires – avec tout le succĂšs que l’on sait dans l’affaire Credit Suisse – et lutter contre le blanchiment. Il a juste oubliĂ© d’étendre sa portĂ©e Ă  l’activitĂ© de ces enablers. Tout comme les nĂ©gociants de matiĂšres premiĂšres, qui ont fait de GenĂšve la premiĂšre place mondiale pour le trading de pĂ©trole et de charbon russes avant la guerre, ils disposent donc d’une forme d’impunitĂ© de facto dans la gestion des flux de ces immenses fortunes russes, qui sont au service du projet gĂ©nocidaire russe en Ukraine.

Pleutralité permanente

En clair, et pour cesser de tourner autour du pot, la Suisse a un problĂšme urgent et majeur: elle est de plus en plus perçue Ă  l’étranger comme un profiteur de guerre, essayant de refaire en douce le coup du banquier des nazis tout en clamant son amour des «valeurs communes» occidentales.

L’inflexible neutralitĂ©, vache sacrĂ©e bicentenaire, ne permettrait aucun accommodement avec la rĂ©alitĂ© d’un monde mĂ©tamorphosĂ© depuis l’invasion russe de l’Ukraine.

La Finlande abandonne sa neutralitĂ© pour rejoindre l’OTAN? «Oui, mais c’est parce qu’elle a une frontiĂšre commune avec la Russie, et qu’elle a peur, mais nous c’est diffĂ©rent, car nous sommes un cas particulier», nous disait rĂ©cemment Christoph Blocher dans les colonnes du Monde.

Les Suisses traĂźnent les pieds dans la traque au cash des oligarques? «Faux, nous avons gelĂ© deux fois plus de fonds que la France et l’Allemagne rĂ©unies», nous rĂ©pond le prĂ©sident de la ConfĂ©dĂ©ration Alain Berset, dans un entretien Ă  TV5 Monde. Comme si, pour en revenir au dĂ©but de ce texte, un milliardaire russe prenait la peine de confier son cash Ă  un banquier parisien ou berlinois!

La badine de l’Oncle Tom

Non, la Suisse n’est pas indiffĂ©rente au sort des Ukrainiens mais ne peut pas en faire davantage parce que sa Constitution ne le lui permet pas, nous jure le Conseil fĂ©dĂ©ral. Cette lecture strictement lĂ©galiste ne convainc plus. La pression monte Ă  l’extĂ©rieur, oĂč la lassitude face au cas helvĂšte se transforme progressivement en agacement, ainsi que le dĂ©taillait cette semaine le Tages Anzeiger.

Comme c’était le cas il y a bientĂŽt trente ans pendant l’affaire des fonds juifs, alors que les banques et les autoritĂ©s jouaient la montre le temps de laisser passer l’orage, c’est Washington qui va faire cesser la blague. Tant mieux, elle a assez durĂ©.

🌐 Lire sur Heidi.news 🌐 (FR)

De bonnes lectures

Pretty woman, walking down the street. Pour suivre les tribulations glamours de Svetlana Maniovich, l’exquise femme du non moins exquis vice-ministre russe de la DĂ©fense, Ă  Paris et GenĂšve. Un plaisir de vivre, une fiĂšvre d’achats qui font chaud au cƓur.

Compte Twitter de Maria Pevchikh (accĂšs libre) (EN)

Les AmĂ©ricains accentuent la pression. Washington commence Ă  s’agacer des flots d’argent russe qui dorment dans les coffres suisses. Cette semaine, un haut fonctionnaire amĂ©ricain a rappelĂ© Ă  l’ordre la ConfĂ©dĂ©ration et les banques Ă  Berne.

24 Heures (abonnés) (FR)

Dialogue de sourds entre Berlin et Berne. Alain Berset Ă©tait Ă  Berlin mardi pour sa premiĂšre visite officielle en tant que prĂ©sident de la ConfĂ©dĂ©ration. Avec la neutralitĂ© et les rĂ©exportations d’armes suisses, l’ambiance n’Ă©tait pas aux grandes tapes dans le dos.

Le Temps (abonnés) (FR)

Un mot sur notre chroniqueur

Serge Enderlin est Ă©crivain et journaliste. Pendant les annĂ©es 1990, il a Ă©tĂ© correspondant en Europe de l’Est puis au Royaume-Uni pour plusieurs mĂ©dias suisses et français. Il a dirigĂ© le service Ă©tranger du quotidien Le Temps (2000-2005). Reporter indĂ©pendant depuis quinze ans, il participe Ă  l’Ă©mission de reportages Mise au Point de la RTS. Il a notamment publiĂ© Un monde de brut, sur les routes de l’or noir en 2003 (Ă©d. Seuil, avec Serge Michel et Paolo Woods) et Angleterre, Brexit et consĂ©quences en 2017 (Ă©d. Nevicata).

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