Avant d'entrer dans le vif

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La dissolution des Soulèvements de la Terre, vue de Suisse

Des carcasses de voiture brûlées après les manifestations de Sainte-Soline du 25 mars 2023, dans l’ouest de la France, auxquelles les Soulèvement de la Terre avaient participé. | Keystone / AP / Jeremias Gonzalez

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➢ Par courriel, un lecteur nous interpelle sur la la dissolution du mouvement des Soulèvements de la Terre en France.

  «Comment un pays démocratique peut en arriver à utiliser un arsenal législatif normalement prévu pour les cas de terrorisme contre une organisation écologique soutenue par 100’000 personnes? Le même genre de dérives serait-il possible en Suisse?»

🏴 Douce Helvétie. Les manifestations ne sont pas une spécificité française: la Suisse aussi a connu son lot de mouvements sociaux.

➢ Pour autant, la dissolution de mouvements sociaux par la Confédération reste rarissime. Clémence Demay, docteure en droit et autrice d’une thèse sur la désobéissance civile:

  «Il y a historiquement très peu d’exemples où les autorités suisses auraient demandé la dissolution d’un groupe d’activistes, sous réserve des cas d’organisations terroristes liées au djihadisme. La Suisse a une approche très libérale vis-à-vis de la liberté d’association.»

💣 Des lois antiterroristes glissantes. Pour l’heure, la justice helvétique reste assez mesurée.

➢ Mais le risque est celui d’un glissement d’un arsenal juridique avant tout pensé pour lutter contre le terrorisme.

➢ Le rapport 2023 des services de renseignement de la confédération (SRC) permet de comprendre, au-delà des mouvements explicitement terroristes, quels sont les mouvements qualifiés d’extrémistes qui peuvent faire l’objet d’une surveillance des autorités. Sont explicitement cités:

 ● les mouvements coronasceptiques,

 ● les mouvements antispécistes,

 ● les mouvements climatiques ne sont pas tous surveillés par principe, mais le SRC les voit comme un incubateur pouvant nourrir une radicalisation future.

  «C’est une définition extrêmement large qui permet de viser les mouvements qui défendent une ligne politique anticapitaliste ou antifasciste, ce qui est le cas de certains mouvements climatiques, s’inquiète Clémence Demay. On amalgame ces mouvements à des mouvements “violents” ou “extrêmes” simplement parce que certains désobéissent pourtant de manière non violente.»

🦺 Une dérive seulement française? L’erreur serait de le penser.

➢ Certes, plusieurs travaux universitaires, ont mis en évidence les spécificités françaises en matière de gestion des manifestations, avec des stratégies policières plus répressives et militarisées qu’ailleurs.

➢ Mais la Suisse n’est pas à l’abri d’un traitement plus musclé de l’activisme climatique, pour plusieurs raisons:

 ● La crise de confiance envers les institutions qui touche les démocraties européennes.

  «Les moments de crise qui touchent les institutions peuvent la remettre en question la liberté d’association, avertit Philip Balsiger. La Suisse, contrairement à la France, n’a pas connu de grands mouvements radicaux susceptible de remettre en cause l’ordre public au cours des dernières années, comme ont pu le faire le mouvement des Gilets jaunes ou plus récemment la mobilisation contre la réforme des retraites.»

 ● La liberté d’interprétation du cadre réglementaire en fonction de la ligne politique du pouvoir.

  «On n’est pas à l’abri que ce débat, très vif en France, arrive aussi en Suisse, avec l’arrivée de mouvements ne prenant pas explicitement la forme associative et qui multiplient les buts et les tactiques pour se faire entendre», explique Clémence Demay. Les dispositions policières et légales ne diffèrent pas dans leur philosophie entre la France et la Suisse, c’est surtout leur interprétation et leur application par les autorités qui changent.»

Pour aller plus loin

Les grands-mères suisses qui font trembler l’Europe. L’audience historique des Aînées suisses pour la protection du climat s’est tenue mercredi à la Cour européenne des droits de l’homme. La Suisse pourrait être condamnée pour inaction climatique… Le verdict est attendu pour la fin de l’année, 2024 au plus tard.

A quoi sert la désobéissance civile? Souiller des tableaux, s’engluer au bitume… mais à quoi ça sert? Est-ce que ça marche? Explications en vidéo.

Manuel de radicalisation climatique. Comment la désobéissance civile vient-elle aux honnêtes gens? La démarche n’est pas aussi irrationnelle qu’il n’y paraît. On en a discuté en septembre dernier avec des militants et des soutiens de Renovate Switzerland.

Bien vu

Chris Gloninger, météorologue en chef e KCCI, une chaîne de télévision méricaine de l’Iowa. | KCCI TV

Présentateur météo, métier à haut risque. Sale temps pour les pros de la météo. Le météorologue en chef de la chaîne KCCI, dans l’Iowa (Etats-Unis) a annoncé démissionner après avoir reçu des menaces de mort pour sa couverture de la crise climatique. Il dit avoir développé des troubles de stress post-traumatique. On en connaît qui ont basculé vers l’activisme pour moins que ça…

De bonnes lectures

La nouvelle loi antiterroriste suisse menace-t-elle les activistes? Avant d’être acceptée par le peuple en votation le 13 juin 2021, la loi sur les Mesures policières de lutte contre le terrorisme suscitait déjà l’inquiétude de plusieurs experts. SwissInfo leur avait donné la parole.

De Sainte-Soline à la Suisse dans le fourgon de la police. Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur les Mesures policières de lutte contre le terrorisme, Fedpol peut prononcer une interdiction de sortie du territoire à titre préventif. C’est ce qui est peut-être arrivé à cet activiste suisse interpellé à Sainte-Soline, renvoyé dans son pays. Le point sur l’affaire et ses zones d’ombre.

«De la retraite aux Soulèvements de la Terre, les dérives illibérales du gouvernement français.» Dans une tribune à L’Obs, le philosophe Dominique Bourg ne décolère pas. Pour lui, ces événements sanctionnent une sortie de route illibérale de la présidence Macron.