L'industrie technologique licencie à tour de bras

Google Suisse emploie 5000 personnes à Zurich. Il s’agit de son plus grand centre de développement hors des Etats-Unis. Des sources internes s’attendent à des licenciements. | Keystone / Ennio Leanza

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➢ Hécatombe pour les entreprises technologiques: janvier 2023 est le mois le plus sombre dans le secteur en deux décennies. Cent mille licenciements ont été annoncés dans le monde.
➢ Ce triste record suit une année noire: plus de 240’000 emplois avaient déjà été supprimés dans le secteur l’an dernier.
➢ Les Gafam sont en première ligne, même si leurs effectifs restent supérieurs à leur niveau d’avant le Covid-19.

Les raisons. L’économiste Stéphane Garelli (IMD Business School et HEC Lausanne) évoque plusieurs facteurs macroéconomiques à l’origine de ces restructurations:
 ● La hausse des coûts d’opération.
 ● L’inflation, qui pousse les ménages à réduire leurs dépenses.
 ● La diversification des sources d’approvisionnement.
 ● La fin de l’«argent gratuit». La hausse des taux d’intérêt réduit la capacité des entreprises à se financer.

Un passage à vide. Stéphane Garelli souligne aussi le manque d’innovations technologiques d’ampleur ces dernières années.
 📱 L’informatique personnelle évolue peu. «Une caméra de smartphone plus performante n’est pas suffisante», estime l’économiste.
 🥽 Meta (ex-Facebook) table sur le métavers comme futur relai de croissance d’ici dix ans. Mais pour l’heure, ce nouvel horizon virtuel peine à convaincre. Microsoft se sépare d’ailleurs de son équipe dédiée à la réalité mixte.
 🔑 Les cryptomonnaies et la blockchain sont toujours cantonnées à des usages de niche.
 ⚛️ L’informatique quantique va avoir besoin de temps avant de pouvoir éventuellement tenir ses promesses.

Les conséquences.
● Les entreprises technologiques vont se montrer plus prudentes dans la gestion des dépenses.
● Sacha Labourey, CEO de Cloudbees, explique à Heidi.news que le secteur change de priorité: alors que c’était jusqu’ici la croissance, ça sera désormais la rentabilité.
● Il pourrait y avoir un effet d’entraînement, juge Stéphane Garelli:
 «Lorsque de grandes entreprises procèdent à des restructurations en cascade, les sociétés de plus petite taille ont tendance à suivre le mouvement, parce que cela leur permet de ne pas attirer l’attention».

Des questions en suspens.
➢ L’industrie est à l’affût d’un futur relais de croissance. Le récent engouement suscité par ChatGPT intéresse d’ailleurs de près les géants de la tech. L’intelligence artificielle va-t-elle être le nouvel Eldorado du secteur?
➢ Les géants actuels du secteur ont jusqu’ici évité l’émergence de start-up concurrentes en multipliant les rachats. Pourront-ils continuer sur cette voie dans un contexte de restriction des dépenses?
➢ La Suisse peut-elle échapper à ce phénomène? A priori, elle devrait être moins impactée: les activités des géants de la tech y sont surtout commerciales.

🤫 Une exception, et une indiscrétion: d’après nos informations, Google Suisse (5000 personnes à Zurich) s’attend à être affecté dans les semaines à venir.

Pour aller plus loin

🤪 Les ingénieurs en IA sont-ils en train de construire la machine qui va les remplacer? Les IA génératives ne se contentent pas d’écrire des poèmes ou de dessiner: elles sont aussi capables de produire du code informatique…

🦾 Trois start-up suisses à l’assaut de la Silicon Valley. En marge du CES se tient le Silicon Valley Funding Summit, qui permet à des entreprises européennes de s’adresser aux investisseurs américains. Des sociétés suisses étaient de la partie.

🚗 Confessions d’un startuper suisse en faillite. Thomas Estier, fondateur et CEO de la start-up romande de véhicules robotisés Rovenso, avait annoncé la faillite de sa boîte sur LinkedIn. Il s’en était expliqué dans nos colonnes.

Les annonces de licenciement en 2022-2023

Qui dit mieux? Selon les données du site de recrutement TrueUp, spécialisé dans le secteur des nouvelles technologies, 100’000 licenciements ont été annoncés au seul mois de janvier 2023, confirmant une tendance lourde de l’année précédente. Ce sont surtout les grandes entreprises qui dégraissent: Amazon va supprimer 18’000 emplois, Google 12’000, Microsoft 10’000 et Salesforce 8000…

De bonnes lectures

Comment Google a changé sa philosophie. Alphabet, la maison-mère de Google, a annoncé 12’000 licenciements. Pendant des années, le fondateur de Google a pourtant affirmé que les employés de l’entreprise passaient avant les exigences de Wall Street. Mais de l’eau a coulé sous les ponts.

L’argent facile pour la tech, c’est fini. Pendant des années, le secret des entreprises technologiques pour lever des milliards de dollars et investir dans des projets géants tenait en quelques mots: taux d’intérêt bas, voire nuls. Mais les temps où l’argent coulait à flot sur la Silicon Valley sont révolus.