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Bonjour, c’est Serge Enderlin, pour vous donner mon Point de vue du vendredi.

C’est le jour oĂč votre newsletter laisse la place Ă  un chroniqueur, sur la politique, les neurosciences, la justice climatique ou, en ce qui me concerne, l’international.

Un an de guerre en Ukraine et la petite musique s’accentue, qui aimerait renvoyer Kiev et Moscou dos Ă  dos.

Il n’est pire aveugle…

photo journaliste

Serge Enderlin, Lausanne

24.02.2023

Avant d'entrer dans le vif

⚡ Pourquoi le petit nuclĂ©aire s’emballe en Europe. BientĂŽt des mini-centrales dans chaque arriĂšre-cour? Les petits rĂ©acteurs nuclĂ©aires modulaires dĂ©barquent en masse.

🚌 Une exploration de la mobilitĂ© de demain. Nous sommes allĂ©s voir l’usine de Hitachi Energy, anciennement ABB SĂ©cheron, pour voir la transition Ă©nergĂ©tique en marche.

⚔ Comprendre la guerre en Ukraine grĂące Ă  l’histoire. Pourquoi Poutine veut-il «dĂ©nazifier» l’Ukraine? Qui est Bandera? Que dit l’eurasisme de la doctrine russe? On prend du recul.

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Les Russes prennent aussi les enfants

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Un homme et sa fille devant un mĂ©morial dĂ©diĂ© aux combattants tombĂ©s pour dĂ©fendre l’Ukraine, le 8 septembre 2022. | Keystone / AP / Efrem Lukatsky

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Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. Alors nommons. Un an. L’effroi. Marioupol, Izioum, Boutcha. Des noms, des villes, dĂ©sormais synonymes pour l’éternitĂ© de crime absolu.

Des fosses communes remplies de civils, les mains attachĂ©es dans le dos, une balle dans la tĂȘte. Les vols, les viols, les tortures, les exĂ©cutions, les disparitions. Le missile de croisiĂšre dans la cuisine jaune de Dnipro. L’aplatissement des citĂ©s, le dĂ©luge de feu insensĂ© sur les centres urbains trĂšs loin de la ligne de front.

La mĂ©thode Grozny, perfectionnĂ©e Ă  Alep, appliquĂ©e avec acharnement sur les villes de l’Est de l’Ukraine qui prĂ©tendent rĂ©sister. Severodonetsk et Lissitchansk l’étĂ© dernier, Bakhmout depuis six mois livrĂ©e aux vagues suicidaires des soudards de Prigojine.

Dans la guerre barbare que livre le rĂ©gime fasciste russe sur les terres d’Ukraine, la cruautĂ© est une mĂ©thode de travail, largement documentĂ©e. Selon le dernier dĂ©compte du procureur gĂ©nĂ©ral ukrainien, plus de 66’000 crimes de guerre ont Ă©tĂ© relevĂ©s. Ces choses sont connues, rapportĂ©es, montrĂ©es, dites, prouvĂ©es. Et pourtant, on s’habitue.

Sous prétexte de «colonie de vacances»

S’y ajoutent maintenant les tĂ©moignages de parents ukrainiens sans nouvelles de leurs enfants. Bien souvent des Ă©coliers qui, au prĂ©texte d’une «colonie de vacances» organisĂ©e par les autoritĂ©s russes d’occupation dans les zones qu’elles contrĂŽlent dans le Donbass, ont Ă©tĂ© emmenĂ©s hors du territoire ukrainien sans que l’on sache oĂč ils se trouvent. «Partout oĂč ils le peuvent, les Russes prennent les enfants. L’objectif est le mĂȘme depuis cent ans: il s’agit de dĂ©truire la nation ukrainienne», tĂ©moignait lundi au Parisien Mykola Kuleba, directeur de l’ONG Save Ukraine. La vĂ©ritĂ© est que des couples russes sans enfants adoptent aujourd’hui au fond de la SibĂ©rie des enfants ukrainiens «orphelins» de parents qui ne sont pas morts.

Evgueni Mezhevoy, un pĂšre cĂ©libataire de Marioupol, a ainsi Ă©tĂ© sĂ©parĂ© de ses trois enfants de 7, 9 et 13 ans dans un «camp de filtration» oĂč les Russes tentent de traquer les volontaires ukrainiens. Il n’a retrouvĂ© leur trace que des semaines plus tard, quand l’aĂźnĂ© est parvenu Ă  lui envoyer un message: les trois gamins Ă©taient hĂ©bergĂ©s dans un sanatorium à
 Moscou, promis Ă  l’adoption et Ă  la russification.

«J’ai dĂ©barquĂ© deux jours plus tard, se souvient le pĂšre. Les enfants Ă©taient trĂšs surpris de me voir arriver dans ce centre oĂč on leur avait rĂ©pĂ©tĂ© qu’ils ne me reverraient jamais. Je pense qu’on a voulu voler mes enfants.» Evgueni Mezhevoy a pu les rĂ©cupĂ©rer, toutes les histoires ne se terminent pas tragiquement.

Non, ce n’est pas une «guerre de perceptions»

Mais mĂ©ditez plutĂŽt ce chiffre: selon Kyiv, 16’000 petits Ukrainiens seraient actuellement «dĂ©placĂ©s» en Russie. De tous les crimes abominables commis par le rĂ©gime de Poutine en Ukraine depuis un an, celui-ci tord particuliĂšrement les tripes. Il est constitutif Ă  tous les coups de la dĂ©finition de «crime contre l’humanité», notion reprise il y a quelques jours par la vice-prĂ©sidente amĂ©ricaine Kamala Harris – la premiĂšre fois que Washington l’utilise depuis le dĂ©but de l’invasion russe.

Enlever des enfants pour les «rĂ©Ă©duquer» et modifier par la force leur identitĂ© porte un nom: le gĂ©nocide. Alors non, la guerre en Ukraine n’est pas une «guerre de perceptions», ainsi que la qualifient les nĂ©gationnistes de l’immĂ©diat. Non, elle n’est pas un affrontement entre deux logiques concurrentielles que l’on pourrait commodĂ©ment renvoyer dos Ă  dos. Non, elle n’est pas la foucade certes meurtriĂšre mais au fond excusable d’une Russie revancharde fouettĂ©e par l’impudence d’un Occident dĂ©sireux de «l’affaiblir, et mĂȘme de la dĂ©manteler», comme l’a dit le dictateur de Moscou mercredi.

Trois cent soixante-cinq jours aprÚs le commencement de cette boucherie contemporaine, il est urgent de marteler ces évidences: un agresseur, un agressé. Un responsable, et coupable en chef: le tueur en série du Kremlin.

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Un an de guerre en 1000 ans d'histoire

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Unsplash / Jan Reinicke

Introduction. J’ai reçu une mission: vous raconter l’Ukraine en dix dates historiques. Nous avons confiĂ© Ă  David Laufer, auteur suisse basĂ© Ă  Belgrade, la rude tĂąche de nous rĂ©sumer plus de mille ans d’histoire de la Russie et de l’Ukraine. Il s’en est sorti avec panache, et une conviction: «L’Ukraine existe, elle n’est ni une crĂ©ation soviĂ©tique, ni une rĂ©action Ă  l’agression poutinienne, et encore moins un croupion archaĂŻque de la Russie moderne».

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Episode 1. Kiev, an 988: un Viking embrasse le Christ et fonde une civilisation. C’est l’histoire d’un Viking qui prend le pouvoir sans pitiĂ© et rĂšgne sur Kiev. Pour consolider son rĂšgne en Ă©pousant une princesse chrĂ©tienne de Constantinople, il se convertit en CrimĂ©e peu avant l’An Mil. Valdemar devient Vladimir ou Volodymyr, les prĂ©noms des deux ennemis d’aujourd’hui, Poutine et Zelensky. Il est donc le premier Ukrainien, le premier Russe, et se retrouve un millĂ©naire plus tard au cƓur d’une surenchĂšre identitaire.

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Episode 2. En 1240, le joug mongol s’abat sur le monde slave et ouvre une fracture. Le 19 novembre 1240, la Horde d’Or s’empare de Kiev et en massacre 48’000 habitants sur 50’000. Une seule ville fait allĂ©geance et Ă©chappe Ă  la destruction: Novgorod. Son prince, Alexandre Nevski, va mĂȘme devenir le vassal des Mongols et rĂ©gner sur l’Ukraine et surtout la Russie. HĂ©ros Ă©levĂ© au rang de saint orthodoxe, vĂ©nĂ©rĂ© jusque sous Staline, il incarne cette Russie asiatique arc-boutĂ©e contre l’Occident, tandis que Kiev affirmera son attachement europĂ©en.

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Episode 3. Automne 1362, la bataille des Eaux-Bleues. La Lituanie arrive, la Horde d’Or s’en va. BientĂŽt sur votre site prĂ©fĂ©rĂ©…

Il est temps de raconter le monde

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Un mot sur notre chroniqueur

Serge Enderlin est Ă©crivain et journaliste. Pendant les annĂ©es 1990, il a Ă©tĂ© correspondant en Europe de l’Est puis au Royaume-Uni pour plusieurs mĂ©dias suisses et français. Il a dirigĂ© le service Ă©tranger du quotidien Le Temps (2000-2005). Reporter indĂ©pendant depuis quinze ans, il participe Ă  l’Ă©mission de reportages Mise au Point de la RTS. Il a notamment publiĂ© Un monde de brut, sur les routes de l’or noir en 2003 (Ă©d. Seuil, avec Serge Michel et Paolo Woods) et Angleterre, Brexit et consĂ©quences en 2017 (Ă©d. Nevicata).

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