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➢ C’est une phrase qui revient beaucoup dans les discussions autour de l’invasion russe en Ukraine: «La cyberguerre n’a pas eu lieu». La contre-offensive ukrainienne va-t-elle changer la donne?
De quoi on parle. Le 24 fĂ©vrier 2022, lorsque la Russie a lancĂ© l’assaut contre l’Ukraine, une attaque informatique a visĂ© le satellite Ka-Sat.
➢ La panne qui a rĂ©sultĂ© de l’attaque a eu des rĂ©percussions au-delĂ des frontiĂšres ukrainiennes. En France ou en Allemagne, des problĂšmes d’accĂšs Ă internet ont Ă©tĂ© recensĂ©s.
➢ L’attaque a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă la Russie, et laissait prĂ©sager le pire dans l’usage de moyens cyber pour conduire la guerre.
La cyberguerre, ça existe vraiment? Louis PĂ©tiniaud est spĂ©cialiste des enjeux gĂ©opolitiques autour du numĂ©rique dans lâespace post-soviĂ©tique, au centre Geode de l’UniversitĂ© Paris 8. Il prĂŽne la prudence:
➢ «C’est un sujet complexe. Toutes les opĂ©rations cyber ne sont pas divulguĂ©es. C’est difficile d’avoir une vue d’ensemble du rĂŽle du cyber dans la guerre.»
➢ D’aprĂšs l’expert, la guerre en Ukraine a fait rejaillir la notion de «Pearl Harbor numĂ©rique» nĂ©e dans les annĂ©es 1990. Mais malgrĂ© l’imaginaire collectif, «on ne gagne pas la guerre avec des ordinateurs». En tout cas en 2023.
➢ Sa collĂšgue Aude GĂ©ry, docteure en droit international et chercheuse au Centre Geode, prĂ©cise: «La matĂ©rialitĂ© propre Ă la guerre ne se retrouve pas dans l’usage de capacitĂ©s cyber. On associe la guerre Ă un cĂŽtĂ© spectaculaire, comme les bombardements, qui ne correspond pas au fonctionnement du cyberespace».
➢ Pour Thomas Rid, auteur de Cyber War Will Not Take Place, le terme de cyberguerre doit ĂȘtre maniĂ© avec prĂ©caution. Il revĂȘt une conception classique de la guerre, avec sa matĂ©rialitĂ© et sa violence, qui n’a plus grand-chose Ă voir avec les vrais enjeux.
Un avant et un aprĂšs Ukraine. StĂ©phane Duguin, directeur du CyberPeace Institute, une ONG qui a largement documentĂ© la dimension cyber de la guerre en Ukraine, n’aime pas non plus la notion de cyberguerre.
➢ «MalgrĂ© tout, il y aura un avant et un aprĂšs le 24 fĂ©vrier 2022. Le conflit a largement participĂ© Ă l’escalade des moyens d’attaque dans le cyberespace. L’intervention de civils, sous la forme de cybermilices, a participĂ© Ă dĂ©centraliser la doctrine militaire dans le cyberespace.»
➢ Le CyberPeace Institute a recensĂ© quelque 1850 cyberattaques et autres opĂ©rations depuis le dĂ©but de la guerre. «Ce sont 49 pays qui ont Ă©tĂ© ciblĂ©s», observe StĂ©phane Duguin. Et parmi les pays les plus touchĂ©s, on relĂšve la Pologne, la Lettonie, l’Allemagne, la Lituanie et les Etats-Unis.
➢ L’Ă©crasante majoritĂ© des cyberincidents recensĂ©s appartient Ă la catĂ©gorie des attaques par dĂ©ni de service (DDoS), qui consistent Ă surcharger des serveurs pour les rendre temporairement inaccessibles.
➢ «Ce qui nous occupe aujourd’hui, c’est la maniĂšre dont la dĂ©sescalade pourra avoir lieu aprĂšs la guerre, conclut le directeur du CyberPeace Institute. Est-ce que les civils qui prennent part au conflit dans sa dimension cyber cesseront leurs activitĂ©s en cas de cessez-le-feu? Personne ne le sait.»
➥ Si la cyberguerre n’a pas eu lieu, force est de constater que la dimension cyber n’a jamais Ă©tĂ© aussi importante dans un conflit.
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