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Un rapport parlementaire édulcoré

Anne Emery- Torracinta, conseillère d’Etat genevoise, ici en février 2023. | Keystone / Salvatore Di Nolfi

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🏫 L’affaire des maltraitances au foyer pour enfants autistes de Mancy, à Genève, a été dévoilée en janvier 2022 par Heidi.news et Le Temps. Une enquête parlementaire a été diligentée pour tirer les responsabilités au clair.

➢ Le rapport qui en est issu représente plus d’un an de travail et des dizaines d’entretiens menés par la sous-commission parlementaire du contrôle de gestion du Grand Conseil, dirigée par le député PLR Cyril Aellen.

➢ Il porte sur les graves dysfonctionnements du foyer de Mancy, où des enfants autistes ont été frappés, enfermés ou privés de nourriture et de soins par des éducateurs et des infirmiers.

➢ Il a été publié le 13 mars 2023. Après plusieurs enquêtes et audits bâclés, il donne à ce jour l’image la plus complète des raisons et circonstances de cette faillite majeure de l’Etat envers sa population la plus démunie.

Deus ex machina. Mais le rapport a été visé par… la principale mise en cause.

➢ Avant la publication et la conférence de presse, les trois députés de la sous-commission chargée de l’enquête ont partagé leur texte avec la principale concernée, la conseillère d’Etat socialiste Anne Emery-Torracinta, cheffe du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP).

➢ Deux rendez-vous ont eu lieu, le 28 février et le 3 mars 2023. La conseillère d’Etat a demandé de nombreuses modifications – et les a obtenues, en bonne partie. Notons que le rapport public reste critique à l’égard d’Anne Emery-Torracinta, dont certaines demandes de modification n’ont pas été acceptées par les députés.

➢ Cette relecture peut surprendre, d’autant que la conseillère d’Etat a été la seule personne évoquée dans le rapport à pouvoir se prononcer sur son contenu. C’est pourtant le fonctionnement habituel de la commission de gestion du Grand Conseil.

Une comparaison instructive. Heidi.news a pu comparer la version initiale du rapport des députés (en date du 14 février 2023) et la version modifiée, rendue publique le 13 mars 2023.

➢ Les modifications obtenues par Anne Emery-Torracinta semblent poursuivre deux objectifs principaux:
 ● Alléger les responsabilités qui la concernent directement ou qui concernent sa secrétaire générale, Paola Marchesini;
 ● Retirer à ses subordonnés certains de leurs mérites et charger ses subordonnés, notamment Sandra Capeder, ex-directrice de l’OMP, qui a mené l’enquête sur les maltraitances mais a été écartée en décembre 2021 (puis licenciée en 2023).

➢ Le jeu des différences est fastidieux: il y en a une centaine! En voici une courte sélection.

De l’art d’atténuer ses responsabilités.

❌ Passage supprimé: la date à laquelle le sommet du DIP a été informé:

 «L’OMP a informé le Secrétariat général du DIP, en janvier 2021 que des enfants avaient été privés de nourriture, tirés, laissés dans leur urine et enfermés pendant des heures et qu’il prévoyait d’informer la conseillère d’Etat à ce sujet.»

➥ La conseillère d’Etat a longtemps prétendu n’avoir été informée de maltraitances qu’à la fin mars 2021 avant d’admettre une date en février, pour sa secrétaire générale. Là, il est question de janvier. Au-delà des déclarations successives d’Anne Emery-Torracinta, la date est importante parce qu’elle détermine le délai de prescription (un an) pour lancer des procédures à l’encontre des éducateurs et infirmiers ayant commis les violences envers les enfants. Las, ces délais seront tous dépassés et aucun ne fera l’objet de sanctions.

De l’art d’atténuer les mérites des autres.

❌ Passage supprimé, à propos des mesures prises par l’Office médico-pédagogique (OMP) pour remettre Mancy sur la bonne voie dès 2019:

«Le changement de direction de l’OMP (en novembre 2019 avec l’arrivée de Sandra Capeder, ndlr.) semble avoir eu un impact direct et rapide sur la dispense, [qui était] en forte baisse, de formations en autisme.»

➥ L’objectif de la suppression de ce passage semble être de retirer des mérites à Sandra Capeder, directrice de l’OMP, afin de justifier sa mise à l’écart fin 2021 – et enfin son licenciement au printemps 2023.

De l’art de charger les fusibles.

➕ Passage ajouté, à propos de la gestion des premières alertes à Mancy. La conseillère d’Etat a convaincu les députés d’ajouter ces quelques mots:

 «Cela (des difficultés mentionnées plus haut, ndlr.) ressort de messages électroniques dont certains datent déjà de l’été 2018. Il semble que ces alertes n’aient été relayées que rarement au niveau de la direction du DIP et que cela ait été géré, souvent mal, au niveau de l’OMP.»

➥ L’ajout de cette phrase illustre la propension d’Anne Emery-Torracinta à se dédouaner sur ses subordonnés. Ce qui a fait dire à la députée socialiste Jennifer Conti lors de la présentation de l’enquête parlementaire à laquelle elle a participé: «Quand on est le capitaine d’un paquebot comme le DIP et qu’on rate le cap, on ne charge pas la seconde qu’on a soi-même choisie. On prend ses responsabilités et on s’excuse!»

L'affaire Mancy en bref

Une vue des batiments des OMP du Centre de Mancy, dont le Foyer de Mancy (février 2022). | Keystone / Martial Trezzini

Des enfants autistes maltraités dans l’impunité au foyer de Mancy. La révélation de Heidi.news et du Temps, corroborée par les témoignages d’une dizaine de personnes. Privation de nourriture, enfermements, enfants projetés au sol, laissés dans leurs excréments ou traînés d’une pièce à l’autre: Mancy, c’est ça.

«Mancy, c’était le château des éducateurs. Les enfants devaient leur obéir.» Laurence Farge a dirigé le foyer de Mancy de 2020 à 2021 et tenté d’améliorer le sort des enfants autistes, avant son licenciement. Amère et incrédule, elle nous explique les dérives au sein de l’établissement.

Scandale de Mancy: une incroyable injustice. Dans l’affaire de Mancy, les lanceurs d’alerte ont tous été punis ou écartés alors que la plupart des maltraitants n’ont pas été inquiétés. C’est le triste bilan que tirait Heidi.news à l’issue des principales révélations.

Une promotion pour le principal auteur des violences contre les enfants de Mancy. Le DIP avait assuré que des procédures étaient engagées contre les responsables de maltraitances de jeunes autistes. Mais l’un d’eux, accusé de «violence délibérée» par ses anciens collègues, devait être nommé chef de secteur au sein de l’office de l’enfance et de la jeunesse.

Il est temps de raconter le monde

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