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Bonjour, c’est Serge Enderlin, pour vous donner mon Point de vue du vendredi.

C’est le jour oĂč votre newsletter laisse la place Ă  un chroniqueur rĂ©gulier, sur la politique, les sciences ou, en ce qui me concerne, l’international.

J’ai donc l’honneur d’initier la marche vous parlant de la compagnie de mercenaires Wagner, ses crimes et ses succĂšs.

photo journaliste

Serge Enderlin, Lausanne

27.01.2023

Avant d'entrer dans le vif

📊 DerriĂšre la giga-mine de charbon de LĂŒtzerath, une galaxie de banques suisses. Les mines s’Ă©tendent, la planĂšte chauffe et l’argent suisse afflue. Ainsi va le monde, tout en graphes.

đŸ« «Je m’appelle Lucie, j’ai 14 ans et je me sens fliquĂ©e Ă  l’Ă©cole.» Entre tablettes et camĂ©ras de surveillance, une collĂ©gienne de France voisine se livre sur son quotidien orwellien.

đŸšȘ Un ministre français prend des leçons de suicide assistĂ© Ă  GenĂšve. Une dĂ©lĂ©gation officielle menĂ©e par Olivier VĂ©ran est venue dĂ©couvrir le subtil art helvĂšte de la sortie anticipĂ©e.

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Wagner, un opéra macabre

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Une fresque montrant les mercenaires de Wagner, Ă  Belgrade (Serbie). | Keystone / AP / Darko Vojinovic

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En temps normal, Wagner c’est par exemple «Parsifal» (reprĂ©sentations ces jours au Grand ThĂ©Ăątre Ă  GenĂšve). Mais les temps normaux c’était hier, avant la singuliĂšre trinitĂ© climat-pandĂ©mie-guerre en Europe qui nous sert d’horizon plombĂ© depuis trois ans et pour une durĂ©e Ă  coup sĂ»r indĂ©terminĂ©e.

Depuis hier, Wagner c’est aussi une «organisation criminelle multinationale» selon la dĂ©finition des services de sĂ©curitĂ© amĂ©ricains qui ont enfin rangĂ© cette armĂ©e de tueurs russes dans la catĂ©gorie idoine.

La sociĂ©tĂ© militaire privĂ©e d’Evgueni Prigojine, crapule pĂ©tersbourgeoise qui gravite depuis trois dĂ©cennies dans l’orbite du maĂźtre du Kremlin, mĂšne dĂ©sormais les combats dans tous les secteurs difficiles du front oĂč l’armĂ©e russe (autrefois la redoutĂ©e «ArmĂ©e rouge») a prouvĂ© son ineptie face Ă  la rĂ©sistance organisĂ©e de troupes ukrainiennes de mieux en mieux Ă©quipĂ©es par les alliĂ©s occidentaux de Kyiv.

«Wagner a éclipsé les tristes généraux de Moscou»

Les soldats russes n’ont pour le moment triomphĂ© que dans la discipline du bombardement indiscriminĂ© de civils Ă  distance et dans l’enlĂšvement d’enfants ukrainiens destinĂ©s Ă  l’adoption par quelque couple du fond de la SibĂ©rie en mal d’enfant.

Wagner prend tellement de place sur le terrain qu’elle a fini par Ă©clipser les tristes gĂ©nĂ©raux de Moscou. Au rythme oĂč Poutine les remplace, on peine de toute maniĂšre Ă  retenir leur nom, contrairement Ă  celui du bandit Prigojine, pour qui la surenchĂšre macabre dans les tranchĂ©es du Donbass est une aubaine. Il peut compter sur les dizaines de milliers de prisonniers de droit commun commodĂ©ment Ă©largis pour venir repeupler ses rangs de mercenaires stipendiĂ©s, Ă©claircis par la mitraille adverse.

De la chair Ă  canon? Sans aucun doute: dans les environs de la mine de sel de Soledar, que les Russes viennent de conquĂ©rir aprĂšs y avoir laissĂ© des milliers d’hommes sans Ă©gard pour leurs dĂ©pouilles, les soldats ukrainiens ont Ă©voquĂ© des «tapis de cadavres». L’Institute for the Study of War (ISW) Ă  Washington estimait en dĂ©but de semaine que sur les 40’000 dĂ©tenus poussĂ©s sur le front dans les rangs de Wagner, seuls «5000 Ă  10’000 seraient encore en vie». Ils ne seront donc pas nombreux Ă  rĂ©ussir leur pari: six mois de combat en premiĂšre ligne, en Ă©change de la libertĂ©. Et Bakhmout, objectif des Russes depuis septembre dernier, n’est toujours pas tombĂ©e.

Une armée de soudards et de prisonniers

Privatiser la guerre en donnant les clĂ©s Ă  des mercenaires sans famille (et donc sans les encombrantes «mĂšres de soldats» Ă  gĂ©rer Ă  domicile), l’idĂ©e n’est pas neuve. Sans remonter aux Suisses de François Ier, on se souvient des lunettes noires des flingueurs amĂ©ricains barbus de Blackwater qui faisaient le coup de poing Ă  Falloujah dĂšs l’étĂ© 2003 contre les insurgĂ©s sunnites. Ils avaient carte blanche pour leurs opĂ©rations noires: ils ont dĂ©rapĂ©, ont assassinĂ©, se sont aussi fait, parfois, dĂ©zinguer.

La nouveautĂ©, avec Wagner, consiste peut-ĂȘtre dans l’extension du domaine du cynisme.

Tandis que Prigojine parade Ă  Soledar en rĂȘvant dĂ©jĂ  de s’asseoir, un jour prochain, au Kremlin, ses hommes viennent de s’installer dans le rĂŽle de «conseillers» de la prĂ©sidence Ă  Ouagadougou Ă  5000 kilomĂštres des plaines mortifĂšres d’Ukraine.

Au Burkina Faso, les putschistes au pouvoir, forts de ce soutien russe, ont donnĂ© un mois aux militaires français pour dĂ©camper, suivant le scĂ©nario dĂ©jĂ  Ă©prouvĂ© ces derniers mois au Mali et en Centrafrique. Il ne reste bientĂŽt plus rien du «prĂ© carré»  français en Afrique de l’Ouest.

En janvier 2023, une armĂ©e privĂ©e russe constituĂ©e de soudards et de prisonniers tient ainsi le pouvoir dans trois capitales africaines et mĂšne une guerre de conquĂȘte coloniale Ă  l’est de l’Ukraine, empruntant au besoin au rĂ©pertoire gĂ©nocidaire. Le groupe Wagner arbore une tĂȘte de mort sur son emblĂšme, tout comme un sinistre prĂ©dĂ©cesseur qui lui aussi voulait «libĂ©rer» l’Ukraine au dĂ©but des annĂ©es 40.

Heidi.news (FR)

Bien vu

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KEYSTONE / EPA / Andrej Cucik

Le fameux logo Ă  tĂȘte de mort. Au dĂ©but du mois, la diffusion d’une vidĂ©o de recrutement pour Wagner sur le site Russia Today Balkans a semĂ© l’indignation en Serbie. Au mĂȘme moment, l’emblĂšme de la compagnie Wagner est apparu sur un mur de Belgrade, surmontant un slogan en russe et les mots «Narodna partola» («Patrouille du peuple»), une organisation d’extrĂȘme-droite serbe soupçonnĂ©e d’ĂȘtre pilotĂ©e par Moscou. «Pourquoi Wagner fait cela Ă  la Serbie?», s’est indignĂ© le prĂ©sident serbe Aleksandar Vucic sur la chaĂźne nationale, le 16 janvier dernier. Une admonestation publique d’autant plus remarquĂ©e que le pays entretient habituellement de bonnes relations avec Moscou, et avait jusqu’Ă  prĂ©sent prĂ©fĂ©rĂ© s’abstenir de choisir entre l’Ukraine et son voisin expansionniste.

BBC (accĂšs libre) (EN)

On en avait parlé

«L’histoire est instrumentalisĂ©e par tout le monde.» Vu de Kiev, la nation ukrainienne s’est construite en s’émancipant de la tutelle russe. Du cĂŽtĂ© de Moscou, on s’autorise de l’histoire pour assouvir des visĂ©es impĂ©riales, en revendiquant le berceau fantasmĂ© de la Rous’ de Kiev. Avec Eric Aunoble, historien spĂ©cialiste de l’Ukraine et chargĂ© de cours Ă  l’UniversitĂ© de GenĂšve, nous plongeons dans les plaies ouvertes du passĂ©.

Heidi.news (abonnés) (FR)

Que nous disent les rues jonchĂ©es de cadavres sur l’occupant russe? Les exactions de Boutcha ont marquĂ© un tournant symbolique dans la guerre en Ukraine. Les images de civils exĂ©cutĂ©s, mains dans le dos, laissĂ©s dans la rue, ont bousculĂ© l’opinion publique. Nous avions interrogĂ© Ă  ce sujet Elisabeth Anstett, anthropologue française spĂ©cialiste du traitement social des cadavres et des crimes de masse.

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A la poursuite de l’évĂȘque Iakov, relais de Poutine dans l’Arctique russe. Cette histoire est celle d’une quĂȘte. Dans le projet de restauration d’une grande Russie, Vladimir Poutine a reçu le soutien de l’Eglise orthodoxe, rouage essentiel du pouvoir. Lequel utilise l’Eglise comme une arme spirituelle pour irradier l’immense territoire russe, notamment dans le Grand Nord. LĂ  «rĂšgne» l’évĂȘque Iakov, devenu objet de fascination pour le grand reporter italien Marzio Mian, qui nous raconte ici sa quĂȘte, entravĂ©e par la guerre, le rĂ©gime et le FSB.

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Il est temps de raconter le monde

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A lire, Ă©couter, visionner

Qui est Evgueni Prigojine, le puissant fondateur du groupe Wagner qui ose critiquer l’armĂ©e russe. D’un stand de hot-dogs Ă  la fondation de la plus puissante armĂ©e privĂ©e de Russie: un portrait du sinistre cuisinier du Kremlin (en français!) signĂ© par BBC Afrique.

BBC Afrique (FR)

De Stepanakert Ă  Tripoli: le retour des mercenaires. Assiste-t-on, de la Libye au Karabakh, au dĂ©ploiement d’une nouvelle gĂ©nĂ©ration de mercenaires? L’Ă©mission de la radio France Culture dĂ©diĂ©e Ă  l’international, l’excellent Cultures Monde, se penche sur ce sujet chaud, de Blackwater Ă  Wagner.

France Culture (Cultures Monde) (FR)

Wagner, l’armĂ©e de l’ombre de Poutine. Le fameux documentaire de Capa sur la compagnie noire, rĂ©compensĂ© d’un prix Albert Londres en 2022, n’est hĂ©las plus disponible au visionnage lĂ©galement. On peut en revanche retrouver les Ă©changes ayant suivi sa diffusion sur France TV, avec notamment la journaliste et co-rĂ©alisatrice Ksenia Bolchakova.

Youtube (France TV) (FR)

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