Catherine Pellaton Vigna et Eliane Haralabopoulos sont enseignantes à l’école primaire dans le canton de Genève. A la fin de l’année scolaire, elles rangeront définitivement craies et livres de lecture après avoir accompagné plusieurs centaines d’enfants dans leurs apprentissages fondamentaux durant près de quarante ans. A l’aube de la retraite, les deux institutrices de 61 ans racontent les bouleversements opérés dans la scolarité des écoliers romands depuis les années 1980. Alors, l’école, c’était mieux avant?
«Non, pas vraiment, nuance la sympathique voix de Catherine Pellaton Vigna dans le combiné avant de résumer: Le métier d’enseignant est resté le même. Chaque année, on prend les enfants où ils en sont et on essaie de les amener plus loin. Mais les méthodes ont évolué.»
La période préférée de cette institutrice de l’école des Tattes, à Onex, reste sans conteste les années 1990. «Nous avions une plus grande liberté dans les méthodes d’enseignement. Nous pouvions travailler par thème, faire interagir plusieurs disciplines et décider de sorties à la dernière minute. Je préférais le système d’évaluation d’alors, par appréciations et basé sur deux semestres plutôt que des trimestres. Cela mettait moins de pression sur les enfants. Je trouve le système de notation actuel très dur. C’est extrêmement marquant pour un enfant de recevoir un 2 et le système de moyenne ne permet pas de prendre en compte suffisamment la progression des élèves.»
«Aujourd’hui, le plan d’étude romand donne beaucoup de pistes, mais il a été accompagné de la création d’une kyrielle de fichiers de travail et de cahiers d’exercice. Comme enseignants, nous sommes beaucoup moins dans la création», poursuit celle qui a choisi de prendre sa retraite avec un peu d’avance pour concrétiser des projets de navigation dans les mers du Nord.
Eliane Haralabopoulos, qui fête cette année 20 ans d’activité à l’école du Bois-des-Arts à Thônex, renchérit: «Les objectifs sont beaucoup plus définis et il y a plus de matières, notamment l’anglais en fin de primaire. Dès que les enfants commencent, ils ont des comptes à rendre. On fait doubler des enfants en 1P ou 2P, cela m’attriste. C’est très stressant pour les enseignants, pour les enfants et aussi pour les parents. Est-ce qu’il faut vraiment leur donner cette image-là de l’école dès les premières années?»
«Avant, en élémentaire, on avait du temps pour mettre en place la sociabilisation, des notions d’écoute, de langage, et de découverte de l’environnement. Maintenant, c’est papier-crayon, alors même que les enfants sont moins attentifs.»
Pour Eliane Haralabopoulos, le métier est devenu plus usant au fil des années. «Je ne sais pas si c’est aussi une question d’âge, mais j’ai l’impression que le métier est plus fatigant, car les enfants sont plus fatigants. Il y a un manque impressionnant d’attention. Je vois que certains sont absents, c’est vraiment très compliqué pour les enfants d’assimiler deux consignes à la fois. Je mets tellement d’énergie pour qu’ils m’écoutent que je suis épuisée. D’un autre côté, c’est une motivation de trouver des astuces pour leur permettre de travailler dans de bonnes conditions.»
Parallèlement à un encadrement laissant parfois peu de place aux initiatives personnelles, les deux enseignantes déplorent une charge administrative toujours plus pesante qui mange du temps qui pourrait être consacré à l’enseignement et à la pédagogie. Catherine Pellaton Vigna note «aujourd’hui, vraisemblablement parce que l’institution cherche à se protéger, on nous demande de tout justifier, souvent dans les moindres détails, ce qui nuit à l’enseignement qui devrait, avec l’expérience, se baser plus souvent sur l’intuition, la spontanéité et le bon sens.»
Le tableau est cependant loin d’être noir. En quarante ans, les enseignants sont devenus mieux entourés, les offres de formations continues se sont multipliées, de mêmes que les activités culturelles proposées aux enfants, relèvent les deux enseignantes.
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