Bonjour c’est Sarah en région parisienne, où le nombre de lits de soins intensifs occupés par des malades du Covid-19 entame une timide décrue. Cela fait quatre semaines que le pays est confiné et la possibilité de se déplacer reste très limitée. Emmanuel Macron doit s’exprimer ce soir sur la prolongation des mesures.

Aujourd’hui, je vous parle de la débrouille qui s’organise chez les soignants français face au manque d’équipements. Fabrication de gel hydro-alcoolique par une faculté de santé, conception de masques barrières ou encore de visières imprimées en 3D… des initiatives qui mobilisent les bonnes volontés et redonnent espoir.

Sarah Sermondadaz, Genève
13.04.2020

Quand l'hôpital fabrique ses propres masques

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A. Robelet/CHU Angers

En France, les équipements de protection (masques, surblouses…) viennent parfois à manquer face au Covid-19. En cause, des stocks de masques au plus bas: alors que la réserve stratégique était encore d’un milliard de masques il y a environ 10 ans, après les craintes liées à la grippe A en 2008-2009, elle se réduisait à un minimum début mars. Au point que le président Macron annonçait le 3 mars la réquisition de tous les stocks et moyens de production. Pour économiser les précieux masques FFP2 plus protecteurs (ils protègent également le porteur et non seulement son environnement comme les masques chirurgicaux) et les réserver aux soignants en première ligne, les hôpitaux s’adaptent.

Le Dr Antoine Robelet explique comment son service, à l’hôpital d’Angers, a conçu des masques à usage unique capables de protéger des projections, grâce aux pièces de papier utilisées pour protéger le matériel des blocs opératoires pendant la stérilisation en autoclave. L’enjeu: fournir un masque-barrière aux personnels soignants qui ne sont pas en première ligne ainsi qu’au personnel hospitalier dans les unités transverses (logistique, informatique, biomédical…) afin de réserver les masques chirurgicaux et FFP2 aux autres.

L’idée des masques à usage unique. «Avec ma collègue le Dr Anne-Valérie Lebelle-Dehaut, chef du service de stérilisation, nous avons commencé à chercher des solutions alternatives au manque de masques chirurgicaux dès le début du confinement. Au départ, cela ne concernait que les services de stérilisation et de pharmacie, où les règles de distance inter-personnelles étaient difficiles à appliquer. Nous avons monté un dossier technique et l’avons présenté à notre établissement, qui l’a accepté.» Ailleurs en France, d’autres services de stérilisation ont mis en place des solutions similaires, avec des matériaux et gabarits parfois différents.

Les matériaux. Les sociétés savantes du domaine ont pris une position très claire: «Le 21 mars, la Société française des sciences de la stérilisation et la Société française d’hygiène hospitalière ont rendu un avis conjoint se prononçant sur les matériaux utilisables pour fabriquer des masques de protection de type I ( ndlr: dont l’efficacité en filtration bactérienne est supérieure à 95% ). C’est grâce à cet avis, associé à la pénurie de masques chirurgicaux, que la décision de déployer cette solution a pu être prise. Dans un premier temps c’est l’utilisation qui est faite de nos matériaux qui nous a orienté. En effet, nous utilisons un interfoliage (papier crêpe renforcé et papier non tissé) pour maintenir la stérilité du matériel de bloc autoclavé. Selon les données techniques, les pores du matériau sont de seulement 35 microns sur la feuille de papier crêpe. Nous avons demandé au fabricant de nous transmettre des données sur la filtration bactérienne (BFE) ,qui s’est avérée supérieure à 95%.»

Le contrôle qualité. «Par chance, l’entreprise Kolmi-Hopen, qui fabrique des masques chirurgicaux, est basé à côté de l’hôpital, et a accepté d’effectuer des essais de conformité similaires à ceux réalisés sur leurs propres produits. Ils ont notamment réalisé des tests de résistance aux projections de fluides selon la norme NF EN 14683 + AC, qui a montré une protection dans les deux sens : intérieur vers extérieur et extérieur vers intérieur. Mais la respirabilité des matériaux n’étant pas conforme, la respiration du porteur se fait en périphérie, ce qui compromet son étanchéité. Pour ces raisons, on préfère la dénomination de ‘masque-barrière’ pour ces masques». Autrement dit, il ne s’agit en aucun cas de masques FFP2 ou de masques chirurgicaux, mais ils présentent toutefois des garanties d’efficacité vis-à-vis des projections de fluides comme les gouttelettes.

La production grâce aux étudiants. «Nous avons pu lancer la production dès le 27 mars, grâce à une plate-forme mise en place par le Pr Lerolle, doyen de la Faculté de santé de l’Université d’Angers, qui est chargée de la réserve sanitaire. Elle a permis de recenser les besoins des différents établissements, et de bénéficier de l’aide d’étudiants en médecine et pharmacie s’étant portés volontaires. Deux équipes de 50 étudiants se sont relayés matin et soir avec une grande détermination pour fabriquer 6000 masques par jour en moyenne! Pour l’instant, nous en sommes à 75’000 masques fabriqués.»

Les visières en plastique. En complément aux masques, de plus en plus d’hôpitaux bénéficient de visières de protection maintenues autour du visage grâce à un serre-tête imprimé en 3D. Là aussi, l’hôpital d’Angers est impliqué: l’école d’ingénieurs Polytech Angers a mis à disposition ses imprimantes 3D, et a commencé la production de visière pour les soignants, à l’hôpital comme en ville, ou encore dans les EHPAD ou certains commerces de proximité.

Elle est loin d’être la seule: le Centre national pour la recherche scientifique (CNRS) a dénombré pas moins de 44 lieux disposant de moyens d’impression 3D pour produire des pièces utiles aux personnels soignants, et cela sans compter les nombreuses initiatives individuelles. A Paris, un adolescent de 14 ans produit ainsi 60 visières par jour!

A Angers, la Faculté de santé produit du gel désinfectant pour les soignants

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GAETAN BALLY/KEYSTONE

Avant même que les mesures de confinement ne soient actées en France le 17 mars, il était déjà difficile de se procurer du désinfectant pour les mains, connu sous les sigles GHA (gel hydro-alcoolique) ou SHA (solution hydroalcoolique). Au début de la crise sanitaire, le précieux liquide s’échangeait à prix d’or, au point que le gouvernement a dû intervenir le 5 mars pour encadrer les prix. Le produit est désormais presque introuvable. Pour faire face à leurs propres besoins, les hôpitaux s’organisent en tirant parti de la production des pharmacies, de ville ou hospitalières, autorisées depuis la mi-mars à produire leur propre GHA. Exemple illustré à Angers, où la Faculté de médecine a pris le relais, grâce aux enseignants et étudiants. Le professeur Frédéric Lagarce, directeur du département de pharmacie et vice-doyen de la Faculté de Santé d’Angers, est à l’initiative du projet. Il le présente à Heidi.news:

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«Les masques maison restent mieux que rien pour le grand public»

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Capture d’écran du site Stop-Postillons.fr

Le témoignage d’Aude, médecin généraliste dans le Doubs, à la frontière suisse. Fin février, avec Julie, pharmacienne, elles commencent à réfléchir à la question des masques en tissu. Elle explique sa démarche, motivée notamment par une publication scientifique selon laquelle le port du masque en tissu reste mieux que l’absence de masque, comme nous le rappelions sur Heidi.news.

Les masques faits maison. «J’évoque ce sujet depuis plus d’un mois, et à l’époque, le message avait vraiment du mal à passer. Ce n’est que depuis récemment que les gens s’intéressent enfin au sujet. Depuis, l’AFNOR (ndlr : autorité chargée des normes en France) a mis en ligne plusieurs tutoriels très clairs. Un groupe de plusieurs médecins français a également mis sur pied le site Stop-Postillons, qui propose des gabarits très clairs pour coudre son propre masque en coton. Ces masques en tissu sont destinés au grand public et non aux soignants. Il serait souhaitable que tout le monde en porte pour les sorties ou les visites chez les personnes fragiles.»

Pour s’assurer de leur qualité, ou de manière générale tester un masque jetable pour s’assurer qu’il ne s’agit pas de contrefaçon, il est possible de pratiquer un test avec un simple briquet, explique-t-elle. Si on arrive à éteindre la flamme en soufflant dessus au travers du masque, il est clairement de très mauvaise qualité.

La réutilisation des masques. Elle ajoute: «En tant que médecin, j’ai des masques FFP2 pour travailler, et des masques chirurgicaux à distribuer à tous les patients qui consultent au cabinet. Je privilégie ces masques-là parce que nous en avons. Par contre, je ne jette aucun masque, et j’ai essayé de faire passer le mot autour de moi, car cette ressource est devenue beaucoup trop précieuse pour la jeter après quelques heures d’utilisation. Je les fais sécher et aérer plusieurs jours afin qu’ils puissent être réutilisés. Nous avons essayé d’équiper les équipes d’aide à la personne qui interviennent à domicile, en leur demandant de faire pareil pour leurs masques. C’est juste du bon sens, en période dégradée, cela n’engage que moi. Mais c’est toujours mieux que d’envoyer des aide-soignants ou infirmiers auprès des patients sans masque.»

Le coronavirus sur Heidi.news

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Préparez-vous à un déconfinement à la suisse allemande. Les spéculations quant aux potentiels scénarios de déconfinement vont bon train. Le Conseil fédéral devrait présenter sa stratégie le 16 avril. Certaines mesures devraient être allégées déjà avant la fin du mois. Mais quand et à quelle vitesse?

Heidi.news (FR)

Les clefs du déconfinement (1/3): des tests de dépistage fiables. Alors que le Conseil fédéral va esquisser le 16 avril les conditions du déconfinement de la Suisse, il semble claire que trois technologies joueront un rôle clé: les tests sérologiques, le traçage numérique des contacts entre personnes et le port de masques. Mais ces technologies sont-elles prêtes à être déployées? Et, ne risquent-elles pas de créer de nouveaux problèmes? Heidi.news a mené l’enquête sur ce «solutionnisme technologique».

Heidi.news (FR)

Les mesures contre Covid-19 auraient réduit la transmission de 3/4. Une modélisation réalisée par des épidémiologistes de l’université de Berne s’est attachée à quantifier à quel point les mesures de distanciation sociale et de confinement volontaire ont endigué l’épidémie. Selon ces premiers résultats, préliminaires, l’effet est spectaculaire.

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Bilan le plus bas en plus de 3 semaines en Italie. Toutes les grandes étapes de la pandémie de nouveau coronavirus en Suisse et dans le monde. Mis à jour quotidiennement.

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Sarah Sermondadaz est journaliste scientifique pour Heidi.news et chef d’édition du flux sciences. Pour lui écrire, c’est par ici.

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