Bonjour, c’est Sarah pour vous parler de sciences. Ce soir, il sera question de philosophie des sciences, et plus particulièrement de celle dont se réclame Didier Raoult pour justifier ses essais thérapeutiques.

On vous parle aussi de l’effet contre-productif de certaines subventions publiques qui nuisent à la biodiversité.

Par ailleurs, Heidi.news va lancer en septembre une nouvelle newsletter qui sera envoyée chaque dimanche en fin après-midi. Ce sera l’occasion de préparer la semaine suivante et de faire le point sur les infos que vous auriez ratées au cours du week-end. Il faut lui choisir un nom! Cliquez ici pour voter

Sarah Sermondadaz, Genève
24.08.2020

«Avec l’émergence de la figure de Didier Raoult, l’opinion se polarise de façon inédite»

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Didier Raoult à Paris le 24 juin 2020 | KEYSTONE/EPA/YOAN VALAT

Florian Cova est professeur assistant au Département de philosophie de l’Université de Genève. Par ailleurs co-auteur du canular scientifique sur les liens entre accidents de trottinette et prescription d’hydroxychloroquine, il a signé sur la plate-forme Medium un texte d’introduction à la philosophie des sciences où il épingle les erreurs (voire détournements assumés) commises par Didier Raoult en matière de philosophie des sciences. Au-delà de la polémique sur l’(in)efficacité du traitement à base d’hydroxychloroquine qu’il propose, ce dernier s’est en effet plusieurs fois (ici ou ) mêlé d’épistémologie.

Pour le microbiologiste, c’est une façon de défendre «sa» méthode face aux critiques. Mais pour le chercheur en philosophie Florian Cova, cela relève surtout de la stratégie de communication. Il déplore une attitude qui «contribue à dévaluer la philosophie en la réduisant à un vague réservoir d’idées et de citations pseudo-profondes où l’on irait piocher ce qui nous arrange, là où elle a pour vocation d’être avant tout un apprentissage de la pensée critique et rigoureuse». Entretien.

Heidi.news  — Dans vos travaux de recherche en philosophie, vous vous êtes notamment intéressé au lien entre jugement moral et émotions. En quoi la situation actuelle nourrit-elle vos travaux?

Florian Cova  — Mes recherches se situent à l’intersection entre philosophie et psychologie. La nuance entre les deux disciplines peut être assez subtile en fonction des objets d’étude: la psychologie se place du côté de la description de ce qui est, et la philosophie du côté de la façon dont les choses devraient être. Mon sujet de thèse portait en effet sur le lien entre jugement moral et émotions. Aujourd’hui, de façon plus générale, je m’intéresse au rôle joué par les préconceptions épistémologiques des gens sur la formation de leurs opinions.

La situation actuelle est à cet égard très intéressante. Depuis plusieurs mois, on a assisté à l’émergence de la figure de Didier Raoult, qui polarise l’opinion de façon inédite, à travers des débats sans fin sur l’hydroxychloroquine, nourris sur les réseaux sociaux. Dans d’autres situations, par exemple liées aux pseudo-médecines, les opinions se forment à partir de croyances anciennes, développées au long cours. Ce n’est pas le cas ici, où tout s’est mis en place sous nos yeux.

Avec mon doctorant Joffrey Fuhrer, nous avons écrit un article scientifique consacré à l’ampleur prise par le phénomène Raoult, qui est actuellement en cours de review par une revue scientifique. Ce que montrent les quelques études scientifiques déjà disponibles sur ce phénomène francophone, c’est que l’adhésion sans faille à Didier Raoult ou à l’HCQ semble corrélée à d’autre croyances, par exemple dans l’homéopathie. Elles ne sont pas détachées de tout contexte.

La pandémie a vu la figure de Didier Raoult émerger comme celle d’un sauveur providentiel, génie incompris encensé par une partie du grand public, conspué par une partie de ses pairs pour son manque d’arguments scientifiques pour soutenir ses hypothèses. A quel moment avez-vous décidé qu’il fallait réagir?

Les propos de Didier Raoult sur la méthode scientifique, que ce soit dans son ouvrage publié en 2015, intitulé De l’ignorance et de l’aveuglement: Pour une science postmoderne, ou dans ses vidéos régulièrement publiées par la chaîne Youtube de l’IHU Méditerranée, ont fini par provoquer l’agacement général parmi mes consœurs et confrères. Il faut dire qu’il empile les citations de philosophes, les détachant de tout contexte, tout en se présentant comme un spécialiste en épistémologie… Le problème, c’est que ce qu’il dit de l’épistémologie est faux. Ce qu’il cherche à faire, c’est à instrumentaliser la philosophie des sciences pour impressionner la galerie.

Ces dernières années ont parfois révélé des tensions (et parfois même des incompréhensions) entre les sciences dites «dures» et les sciences humaines. Peut-on lire le cas Didier Raoult, s’estimant légitime en philosophie des sciences, à travers ce prisme?

Je vois deux manières de répondre à votre question. Tout d’abord, il faut reconnaître que l’enseignement de la philosophie des sciences est parfois lacunaire, en particulier dans les formations médicales en France. Elle est souvent dispensée par des universitaires n’ayant aucune formation dans le domaine. Or, ce n’est pas parce qu’on fait des sciences au quotidien qu’on sait s’en détacher pour étudier comment elles marchent! Cela témoigne d’une vision assez naïve des sciences. Dans la pratique, ce n’est pas forcément un problème, car il ne faut pas forcément faire de la philosophie des sciences pour être un bon chercheur dans son domaine.

De l’autre côté, le problème est plus général. D’un point de vue médiatique, notamment, la philosophie est trop souvent perçue comme un objet décoratif. Une personnalité comme Didier Raoult, reprise dans les médias et citant de nombreux philosophes, va laisser penser aux lecteurs qu’il doit s’agir de quelqu’un de très cultivé. Comme si la philosophie n’était en définitive qu’une affaire de goût et d’opinion… Alors qu’il s’agit d’un champ scientifique construit, parcouru de consensus et de controverses, comme tout autre.

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Ces subventions qui nuisent à la biodiversité

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Olivier Maire/Keystone

Transport, énergie, agriculture… De nombreux secteurs reçoivent des subventions ou des déductions d’impôts de la part des autorités publiques. Or, plus de 160 de ces aides se font au détriment de la biodiversité, estiment conjointement le WSL et le forum biodiversité de l’académie suisse des sciences naturelles (Scnat) dans une étude.

La biodiversité suisse n’est pas au beau fixe, qu’il s’agisse des insectes, des oiseaux ou de la flore. C’est près de la moitié des écosystèmes suisses qui seraient menacés. La Suisse est pourtant engagée au niveau national et international, notamment dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique, pour supprimer, réduire ou réformer de tels encouragements.

Le contexte. L’Office fédéral de l’Environnement (Ofev) et le Scnat ont déjà tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises: d’abord en 2018, en estimant la pression moyenne de chaque habitant suisse sur la biodiversité, puis en janvier 2020, en organisant une conférence sur les impacts de l’économie sur la biodiversité.

Le problème. Cette nouvelle étude du WSL et du Scnat pointe que bon nombre de ces encouragements économiques, en plus d’être nuisibles à l’environnement, sont également peu efficace du fait des coûts qu’ils engendrent pour restaurer les écosystèmes qu’ils ont indirectement dégradés. Daniela Pauli, cheffe du Forum Biodiversité Suisse du Scnat, rappelle: «D’ici 2030, selon l’Ofev, les pertes liées aux services écosystémiques pourraient représenter 4% du PIB suisse.»

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L'alimentation, principale solution face à la crise climatique

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SALVATORE DI NOLFI/KEYSTONE

Marie-Claire Graf est étudiante en bachelor à l’ETH de Zurich. A 24 ans, elle est connue pour son implication dans plusieurs initiatives pour le climat, le développement durable, ou l’empowerment des femmes et des jeunes. Elle s’est entretenue avec Geneva Solutions, et évoque le «jour du dépassement» (à partir duquel l’humanité a théoriquement épuisé les ressources que la planète peut renouveler en un an), qui pour la première fois avance de près de trois semaines à cause de la crise du coronavirus. Elle évoque aussi la forme que pourront désormais prendre les grèves étudiantes pour le climat, et souligne qu’il y a toujours de l’espoir! Le levier d’action le plus efficace reste l’alimentation.

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Pendant ce temps sur Heidi.news

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Vivre avec sens. La mission de SOS Méditerranée: chercher et secourir. Notre BD reporter raconte un équipage prêt à tout pour cela mais parfois impuissant: dans cet épisode, l’un d’eux livre avec émotion l’histoire d’un homme qu’il n’a pas pu sauver. «Quand tu tiens la main d’un rescapé tombé à l’eau, ce gant qui glisse sur la peau mouillée et d’un coup ce corps qui coule…»

Heidi.news (FR)

Ces frigos solaires partagés évitent le gaspillage sur les marchés nigérians. Les producteurs et les commerçants africains gaspillent chaque année des milliers de tonnes de nourriture. Et pourtant, c’est en Afrique que l’insécurité alimentaire est la plus grande. Un paradoxe principalement généré par l’absence d’un objet banalisé dans les pays développés: le réfrigérateur. Au Nigeria, Nnaemeka C. Ikegwuonu veut changer la donne en implantant des frigos solaires partagés sur les marchés.

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Les grandes étapes de la pandémie. Zurich durcit le ton face au rebond épidémique et la Geneva Pride, ou week-end des fiertés, qui devait avoir lieu du 10 au 13 septembre sur l’Île Rousseau, est annulée. A la mi-journée, l’OFSP a annoncé 157 nouveaux cas, 5 nouvelles hospitalisations et un nouveau décès (au Liechtenstein), pour 4310 tests effectués ces dernières 24 heures. Retrouvez dans notre article les grandes étapes de la pandémie de coronavirus.

Heidi.news (FR)

Sarah Sermondadaz est journaliste scientifique et responsable du Flux Sciences pour Heidi.news. Pour lui écrire, c’est par ici.

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